COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES- LIBERTE DE LA PRESSE
–ÉTUDES AFP/RSF 2020
© Afp
Les dix prochaines
années seront sans doute «une décennie décisive» pour la liberté de la
presse, alerte Reporters sans frontières (RSF), qui publie ce mardi 21
avril l'édition 2020 de son
classement mondial de la liberté de la presse. «L'épidémie est
l'occasion pour les États les plus mal classés d'appliquer la stratégie du
choc, théorisée par Naomie Klein : ils profitent de
la sidération du public et de l'affaiblissement de la mobilisation pour imposer
des mesures impossibles à adopter en temps normal», déplore auprès de
l'AFP Christophe Deloire, secrétaire général de
l'organisation.
C'est le cas de la Chine
(177e) et de l'Iran (173e, -3 places), «qui ont mis en place
des dispositifs de censure massifs» à l'occasion de la crise sanitaire, ou de la
Hongrie (89e, -2 places), où le Premier ministre a fait voter une loi «coronavirus»,
qui prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour la diffusion de
fausses informations. «Que seront la liberté, le
pluralisme et la fiabilité de l'information d'ici l'année 2030 ? La réponse à
cette question se joue aujourd'hui», estime Christophe Deloire.
Deux places de moins pour la France
Le classement 2020, qui
étudie 180 pays et territoires, fait apparaître une légère amélioration de
l'index général sur un an, mais il ne tient pas compte de l'épidémie. Si le
pourcentage de pays situés dans la zone blanche du classement, qui indique «une bonne situation» de la liberté de la presse reste inchangé (8%), la
proportion des pays en «situation critique» augmente par rapport à
2019 (+2 points, à 13%).
En bas du classement, on retrouve la Corée du
Nord (180e, -1 place), qui ravit la toute dernière place au Turkménistan,
tandis que l'Érythrée (178e) reste le pire représentant du continent africain.
Le trio de tête regroupe la Norvège, première pour la quatrième fois d'affilée,
suivie de la Finlande et du Danemark (3e, +2 places).
La France se classe 34e,
deux places de moins que l'an dernier. «L’année 2019 a été
marquée par une hausse très inquiétante d’attaques et de pressions contre les
journalistes. Nombre d’entre eux ont été blessés par les tirs de LBD (lanceurs
de balles de défense) ou de gaz lacrymogène des forces de l’ordre, et agressés
par des manifestants en colère pendant le mouvement des Gilets jaunes puis lors
des manifestations contre la réforme des retraites», justifie l'ONG. RSF
pointe aussi «le nombre croissant de cas d’intimidations
judiciaires visant les journalistes d’investigation afin d’identifier leurs
sources».
© Etude Rsf
« Classement
RSF 2020 : la dégradation de l’environnement de travail des journalistes
d'Afrique du Nord
Procès sans
fin au Maroc, interpellations régulières et détentions provisoires prolongées
en Algérie, médias libyens qui se transforment en acteurs du conflit armé….
Dans cet environnement de travail qui se dégrade un peu plus pour les médias et
les journalistes d’Afrique du Nord, la Tunisie poursuit sa transition
démocratique, malgré des réformes retardées dans le secteur médiatique.
Avec cinq places en moins, l’Algérie (146e)
enregistre la plus forte baisse dans la région. Il est vrai que les
journalistes algériens ont été mis à rude épreuve depuis le début, en février
2019, du “Hirak”, le mouvement de protestation
populaire. Les interpellations et intimidations de la part des services de
sécurité se sont multipliées et accentuées au fil des mois de contestation.
L’arrêt des manifestations pour cause d’épidémie de coronavirus n’a pas permis
de mettre un terme à la mise sous pression des journalistes. Au contraire. Le
directeur du site d’information Casbah Tribune, Khaled Drareni,
également correspondant de TV5 Monde et de RSF en Algérie a été jeté en prison
le 29 mars, près de Blida, région en principe confinée car devenue l’épicentre
de l’épidémie de coronavirus en Algérie. Mis en examen pour “incitation à
attroupement non armé et atteinte à l’unité nationale”, il risque jusqu’à dix
ans de prison. Autre cas emblématique de journalistes sanctionnés pour leur
couverture des manifestations du Hirak, celui du
correspondant de la chaîne de télévision libanaise Al Mayadeen,
Sofiane Merakchi, collaborateur de France 24 et RT.
Premier journaliste à être incarcéré depuis le début du mouvement pour
“introduction d’équipements sans licence et évasion douanière”, emprisonné
depuis fin septembre 2019, il a été condamné à huit mois de prison ferme.
Le Maroc (133e)
remonte de deux places au Classement 2020. Une légère progression qui
s’explique notamment par la création d’un Conseil de presse, même si celui-ci
n’a pas encore contribué à créer un environnement de travail apaisé pour les
journalistes et les médias. Les pressions judiciaires persistent. Outre les
procès qui se poursuivent depuis des années contre plusieurs acteurs des
médias, de nouvelles actions en justice ont été intentées contre les
journalistes et de lourdes condamnations ont été prononcées. L’éditorialiste et
rédacteur en chef du journal arabophone Akhbar al-Yaoum,
Taoufik Bouachrine, a ainsi
été condamné à 15 ans de prison ferme et à 255 000 euros d’amende, alors qu’il
a toujours nié les accusations portées contre lui et qu’il dénonce un
"procès politique". Alors que cette peine est sans commune mesure, le
journaliste et défenseur des droits humains Omar Radi a lui été condamné à 4
mois de prison avec sursis pour un simple tweet
dénonçant une décision de justice.
Des médias
devenus acteurs du conflit armé
La Libye poursuit
sa dégringolade dans le Classement en perdant deux nouvelles places cette année
(164e). Outre l’impunité totale dont bénéficient les prédateurs de la liberté
de l’information pour les crimes commis contre des journalistes depuis neuf
ans, le conflit armé entre les deux régimes qui se partagent l’est et l’ouest
du pays a instauré un climat de violence et d’insécurité dramatiques pour les
acteurs des médias. Contraints à l’autocensure ou à l’exil depuis le début des
opérations militaires dans le pays en 2014, médias et journalistes libyens se
retrouvent aujourd’hui embrigadés de force par les factions belligérantes.
Dans ce tableau
régional assez sombre, la Tunisie, qui conserve sa 72e place, est la mieux
classée. Poursuivant sa transition démocratique, le pays a posé les fondements
d’un secteur médiatique libre, indépendant et pluraliste. Cependant, le nouveau
cadre légal relatif au secteur médiatique peine à voir le jour depuis quelques
années, et le climat de travail des journalistes et des médias s’est
sensiblement détérioré depuis l’élection du nouveau président en fin d’année
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