CULTURE- PERSONNALITES- DARSOUNI KADDOUR
-Kaddour Darsouni est l'un des piliers de la chanson malouf et
avait œuvré inlassablement à sa préservation tout au long d’une riche
carrière artistique qui a duré plus de 70 ans afin de transmettre cet art, au
point d’être surnommé «le formateur des générations».
De son vrai nom Mohamed Darsouni, né le 8 janvier 1927 à Constantine,décédé lundi 20 avril 2020 (92 ans) est celui qu’on surnomme «le dernier des Mohicans»
avait consacré le plus clair de sa vie à l’enseignement de cette musique
savante au sein du Conservatoire municipal, avant de créer en 1995
l'Association des élèves du Conservatoire du malouf de Constantine.
Proche des musiques de la médina à travers son emblématique oncle Si Tahar Benkartoussa, Hadj Kaddour entre
en musique en 1933 au sein de la première association musicale musulmane de la
ville «Mouhibi El Fenn»
sous la direction de Si Brahim Ammouchi et dans la
proximité d’Abdelhamid Benlabdjaoui «Erraïs», et d’Abderrahmane Bencharif.
Il fait alors partie de cette génération lumineuse qui compta dans ses rangs Abdemoumen Bentobbal, Abdelmadjid
Djezzar, Azzouz Doudache.
À la différence de ses compagnons qui choisirent de se retrouver, à la fin
des années quarante, dans l’aventure de «L’Étoile Polaire», Hadj Kaddour fait le choix de l’apprentissage auprès des maîtres
et des premiers d’entre eux, Si Khodja Bendjelloul et cheikh Maamar Benrachi. «J’ai appris auprès d’eux mes premières nawbates du malouf», confessera-t-il dans un documentaire
que lui avait consacré la télévision nationale.
S’il se fait rapidement reconnaître comme flutiste virtuose, il entamera
une riche carrière auprès des grandes figures que furent Abdelkader Toumi, Hassouna Ali Khoudja, Maamar Benrachi, Abdelhamid Benguellil.
Tout enaccompagnant, notamment, Hadj Mohamed Tahar Fergani, Abdelmoumen Bentobbal ; c’est sur le registre de la transmission et de
la formation qu’il devait occuper une place singulière dans l’histoire des
musiques constantinoises.
Il serait difficile de comptabiliser les générations de musiciens, de chanteursqui de Kamel Bouda à Abbas Righi, pour ne citer
que ceux-là, sont passés entre ses mains au conservatoire municipal de
Constantine et cette vertu pédagogique aura aussi été sollicitée par les
établissements scolaires de Constantine comme le collège Khadidja
Oum El Mouaminin, sis au Coudiat,
centre-ville de Constantine.
Il était clair pour la société des musiciens et les mélomanes que Hadj Kaddour, excellent luthiste — qui avait aussi un beau filet
de voix rappelant l’immense Omar Chaqlab — vivait
d’abord les musiques avant d’en faire un métier exigeant. Dès décembre
1964 et «la rencontre d’El Ryad», la première du genre en Algérie consacrée au
patrimoine musical, à laquelle il prit part, il était évident que la sauvegarde
serait son horizon militant.
Il sera ainsi de la partie pour l’enregistrement des textes, prendra part
avec succès à l’historique «festival de la musique classique algérienne» en
1968 – dont il sera lauréat à la tête de l’association «El Moustaqbal
El Fenni» — et dirigera l’enregistrement, sous
l’autorité de l’Office national des droits d’auteur et droits voisins, des nawbate du malouf.
Membre dirigeant de l’«Association de sauvegarde de la musique classique
algérienne», animée par le regretté maître Sid Ahmed Serri,
Hadj Kaddour aura été, avec élégance et rigueur, de
tous les débats sur les musiques algériennes.
Avec lui, disparaît aussi le dernier témoin de «Mouhibi
El Fenn» et du «Chabab El fenni», associations pionnières des musiques citadines à
Constantine.
La culture algérienne est aujourd’hui orpheline. Notre famille aura
constamment été dans sa proximité et elle pleure un proche comme elle avait
pleuré Abdelmoumen Bentobbal
ou Hadj Mohamed Tahar Fergani.
Abdelmadjid* et Mériem* Merdaci
• Professeur des
Universités, sociologue, mélomane et auteur du Dictionnaire des musiques
citadines de Constantine, éditions du Champ Libre
• Éditrice, ancienne
ministre de la Culture