SANTE- ETUDES ET ANALYSES-
COVID19 EN AFRIQUE- FONDATION MO IBRAHIM
© agence ecofin/Borgia Kobri, 10 avril 2020
- Dans
son dernier rapport intitulé « Covid-19
en Afrique : un appel à une gouvernance coordonnée des structures de santé
améliorées et de meilleures données », la Fondation Mo
Ibrahim fait remarquer que la démographie du continent semble constituer un
avantage comparatif dans la lutte contre la pandémie. Par contre, certains
facteurs spécifiques au nombre desquels figure la faiblesse de son système de
santé indiquent que l’Afrique est particulièrement vulnérable faisant craindre
un taux de létalité plus élevé sur le continent.
Un
continent peu exposé à la pandémie
Après
le déclenchement de l'épidémie de covid-19 en Chine
fin décembre 2019, et sa diffusion dans certaines parties de l'Asie, de
l'Europe, du Moyen-Orient et des Etats-Unis, l'Afrique semble avoir été
épargnée d’une épidémie majeure pendant des mois, enregistrant son premier cas
confirmé seulement le 14 février 2020 en Egypte.
Reprenant
les données de The Lancet, le rapport de la Fondation Mo Ibrahim
souligne que malgré les liens étroits entre la Chine et l’Afrique, son risque
d'importation du covid-19 est plus faible qu'en
Europe (1% à 11% respectivement), expliquant peut-être la propagation
relativement tardive du virus sur le continent.
Au 25
mars 2020, les chiffres étaient limités par rapport aux autres régions :
43 pays africains traitaient 2412 patients atteints du nouveau coronavirus, et
64 décès étaient enregistrés. À ce stade cependant, relève la Fondation, il
faut se demander si ces faibles chiffres reflètent la réalité ou un manque de
données fiables.
L’avantage
d’une population jeune
Pour la
Fondation Mo Ibrahim, l'Afrique semble avoir des avantages comparatifs en
matière de lutte contre le covid-19. Un de ces
avantages est sa démographie.
L'Afrique
est le plus jeune continent du monde avec un âge médian de moins de 20 ans, et
il semble actuellement que les populations plus jeunes souffrent moins des
symptômes du virus que les personnes âgées qui ont un risque significativement
plus élevé de contracter des symptômes graves.
Les
premières données de la Chine suggèrent que la majorité des décès dus au covid-19 sont survenus chez des adultes âgés de 60 ans et
plus. Seulement 3% de la population de l’Afrique subsaharienne est âgée de plus
de 65 ans, contre environ 12% en Chine.
Un
autre avantage pourrait être lié à son climat. Parmi les nombreux facteurs
environnementaux qui influencent la survie et la propagation des infections
virales respiratoires, l'air et la température jouent un rôle crucial et dans
les climats tropicaux, la grippe et les virus respiratoires sont transmis
principalement pendant les plus froides saisons.
En
outre, relève le rapport, il existe actuellement des différences de température
marquées entre les pays les plus touchés (plus froids) et les moins touchés
(plus chauds) par la pandémie de covid-19. Toutefois,
de façon assez prudente, la Fondation précise que ces deux dernières
affirmations devront être confirmées à mi-parcours.
Un
système de santé et d’autres facteurs qui accroissent la vulnérabilité de
l’Afrique
Selon
le rapport, bien que les experts ne soient pas formels sur l’explosion de la
pandémie en Afrique, certains facteurs indiquent que le continent est
particulièrement vulnérable.
Le
premier de ces facteurs est l’urbanisation galopante et non contrôlée. Selon
les chiffres de 2019, près de 43% de la population africaine vit dans des zones
urbaines, y compris dans les mégapoles ; des zones densément peuplées avec
une croissance rapide et une forte mobilité de la population. Ces grandes
agglomérations urbaines posent ainsi un défi dans la lutte contre le covid-19 en raison de possibilités réduites pour une
distanciation sociale, d’une hygiène et d’un assainissement souvent médiocres,
des difficultés de mise en œuvre des réglementations telles que la désinfection
des lieux, ainsi que le nombre limité d'hôpitaux et d'établissements de santé.
Le
deuxième facteur est le niveau élevé de maladies infectieuses et respiratoires
en Afrique. Le continent accueille 22 des 25 pays les plus vulnérables aux
maladies infectieuses, selon l'indice de vulnérabilité aux maladies
infectieuses 2016 (IDVI).
L'incidence
des affections telles que la maladie pulmonaire obstructive chronique ou
l'asthme est élevée en Afrique. Les personnes souffrant de ces problèmes
respiratoires constituent la catégorie la plus vulnérable au nouveau
coronavirus. En outre, la pneumonie, la tuberculose ou les maladies
respiratoires associées au VIH sont parmi les maladies aiguës les plus
courantes au sein des populations africaines. A cela s’ajoute une forte
augmentation des maladies non transmissibles, dont le diabète qui apparaît
également comme un facteur aggravant dans le cas du covid-19.
Enfin,
le continent se caractérise par la faiblesse de son système de santé, tant en
termes d’infrastructures que de chaînes d’approvisionnement en médicaments et
autres équipements de santé. Le continent et particulièrement l’Afrique
subsaharienne compte environ 2,1 médecins pour 10 000 habitants
comparativement à l’Europe et à l’Asie centrale qui comptent 24,9 médecins pour
10 000 habitants, ou l’Amérique latine et les Caraïbes avec une moyenne de
21,6.
Ainsi
pour la Fondation Mo Ibrahim, alors que seuls 10 pays africains fournissent des
soins de santé gratuits et universels à leurs citoyens, et que les soins de
santé dans 22 pays ne sont ni gratuits ni universels, les gouvernements doivent
apporter des améliorations rapides pour gérer et améliorer l'accès aux services
de santé de base.
Une
gouvernance saine et coordonnée est nécessaire à travers le continent. Dans ce
sens, souligne le rapport, il est urgent de donner suite aux enseignements
tirés de l'épidémie d'Ebola en 2015 et de remédier aux faiblesses spécifiques
des structures de santé en Afrique, à savoir : améliorer les systèmes de
santé et l’accès des citoyens, et plus généralement renforcer les données et
capacités statistiques.