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Utilisation exponentielle de l’internet et diversification des
contenus : La toile algérienne à l’ère du confinement
© AMEL BLIDI/El watan, 11 AVRIL 2020
Pour
beaucoup d’internautes confinés, le numérique se révèle être un substitut
efficace pour tromper l’ ennui et élargir les horizons.
Les Algériens tentent de s’occuper
comme ils le peuvent, en attendant de pouvoir retrouver une vie normale. La
lenteur de la connexion d’internet démontre, si besoin est, que l’appétit web
est en phase exponentielle
en cette période de confinement. Les contenus gratuits fleurissent sur
internet, donnant à voir des œuvres rares et précieuses, un humour éclatant et
quelques perles absurdes comme seule la Toile dz en a le secret. Tour d’horizon.
Pour beaucoup d’internautes dz
confinés, le
numérique se révèle être un substitut efficace pour tromper l’ennui et élargir
les horizons.
Depuis quelques semaines, ils assistent à l’éclosion de Radio
Corona internationale, la «radio de la fin du monde» dans laquelle le
présentateur Abdellah Benadouda,
un ancien de la Radio algérienne ayant fait un passage dans une chaîne privée
avant de s’installer outre-Atlantique, s’adresse aux «survivants
de l’apocalypse» et aux «résilients
de l’Algérie démocratique et populaire».
C’est là une petite merveille radiophonique, faite avec trois fois
rien et réussissant un équilibre miraculeux de blagues grivoises et de finesse
d’esprit. L’on y
parle, entre autres, d’amour et d’actualité, l’on y dissèque les discours de Gaïd Salah et le remède Bonatiro,
dans un esprit politiquement incorrect
Au-delà de l’aspect distractif, l’émission invite à la réflexion,
tout en entretenant la flamme du 22 Février. Le présentateur ainsi que ses
chroniqueurs manient parfaitement l’ironie, usant d’un savoureux humour
algérien.
De l’humour, les réseaux sociaux algériens ne désemplissent pas.
L’inénarrable chanteuse de raï, Warda Charlomanti, s’est, elle aussi, mise de la
partie. Ses petites vidéos, alliant sensibilisation et sketches à l’oranaise,
ont été visionnées deux millions de fois. La chanteuse ayant troqué ses robes
de soirée moulantes contre des djebas aux imprimées
tigrés, se lance, entre autres, dans une discussion surréaliste avec le
coronavirus himself.
Plus sérieusement, et pour aider leurs concitoyens à supporter le
confinement, de nombreux réalisateurs algériens ont choisi de mettre en ligne
leurs films. La rareté des projections des œuvres algériennes du fait du manque
de salles rendent ces initiatives précieuses.
L’on y trouve notamment les films documentaires
censurés du temps de Bouteflika, tels que Fragments de rêves de Bahia Bencheikh
El Feggoun et Vote-off de Fayçal Hammoum.
Mais il est aussi possible de consulter un catalogue fort riche de
court-métrages, long-métrages et documentaires algériens. Chaque jour, le
réalisateur Malek Bensmail permet aux internautes de
visionner l’une de
ses œuvres.
Dans ce festival cinématographique, figurent également les films Point zéro de Nassim Boumaiza, On ne mourra
pas d’Amel Kateb, Je te
promets de Mohamed Yargui, El Oued, el oued de Abdenour Zahzah, Afric hôtel de Hassan Ferhani et Nabil Djedouani, Des moutons
et des hommes de Karim Sayyad.
A l’initiative de l’Institut français d’Algérie, il a été possible
de visionner le très beau documentaire Fais soin de toi de Mohamed Lakhdar Tati, le
moyen-métrage Les jours d’avant de
Karim Moussaoui et Kindil el bahr de Damien Ounouri ainsi que le documentaire Derwisha de Leila Berrato et Camille
Millerand. Le Théâtre national algérien a également mis en ligne bon nombre de
pièces à succès.
Pour ce qui est des contenus des réseaux sociaux, il est à avouer
que le comble pour les internautes qui s’ennuient serait sans doute de regarder
les vidéos d’autres personnes qui s’ennuient. C’est pourtant ce qui se passe
sur Instagram, où influenceurs
et youtubeurs sont passés maîtres dans la mise en
scène du désœuvrement. Qu’à cela
ne tienne, les «directs» se multiplient dans lesquels les stars du Net
partagent leur quotidien, leurs coups de blues ainsi que des «tutoriels de
confinement».
Sur YouTube, et parmi les vidéos les
plus consultées, figure notamment les «routines de confinement» des influenceuses Dz. Il s’agit de
vidéos pouvant aller jusqu’à 20 minutes dans lesquelles elles racontent leurs
journées et donnent des conseils pour «s’organiser».
Amira Riaa,
dont la vidéo a été classée dans le top 3 sur Youtube, raconte son «angoisse des premiers jours de confinement». «Je ne mangeais plus
à l’heure, confie-t-elle, je ne
dormais plus à l’heure, je ne savais plus quel jour nous étions ni quelle
heure, avant de me remettre en question et de voir
le côté positif de cette situation.»
L’autre contenu qui a beaucoup de succès sur YouTube
concerne la cuisine. Les youtubeurs spécialisés, qui
avaient déjà commencé à accélérer la cadence à l’approche du mois de Ramadhan,
se sont adaptés à la situation.
Les stars du moment sont l’indétrônable Oum Walid, Dadah, Oum Acil et Hicham «el tabkh». Pour l’occasion, certains d’entre eux se sont
changés en apprenti-chimistes, présentant à leurs abonnés différentes manières
de fabriquer leur gel hydroalcoolique, avec plus ou
moins de succès.
Le contenu qui attire le plus d’internautes en ce moment est celui
de la confection du pain sous le hashtag «Pétris ton
pain à la maison». A cela, les créateurs de contenus sportifs et de mise en
forme, à l’instar de Melissa Titri ou d’Amira Merah, répondent par des
vidéos visant à donner aux internautes plus de motivation pour bouger chez eux.
Pour ce qui est des contenus éducatifs. Si le ministère de
l’Education a mis en ligne sur Youtube les leçons du
troisième trimestre pour aider les élèves et leurs parents contraints à faire
l’école à la maison, les profs déjà présents sur Youtube
depuis quelques années, n’ont pas cessé d’alimenter la Toile en leçons et
exercices filmés qui sont souvent, de l’avis des parents, d’une aide précieuse.
Pour résumer, et à en croire Nazim Baya, chroniqueur sur radio
corona international, «il faudrait 7200 ans pour regarder tout Youtube», soit, comptabilise-t-il, «l’équivalent de
3000 épisodes des Feux
de l’amour ou 300 plaidoyers de Fodil
Boumala». En gros, nous avons encore largement de qui nous occuper jusqu’à
la fin du confinement