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Essai Karim Khaled - "Les intellectuels algériens....."

Date de création: 07-04-2020 10:21
Dernière mise à jour: 07-04-2020 10:21
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CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI KARIM KHALED- « LES INTELLECTUELS ALGERIENS………..  »

LES INTELLECTUELS ALGÉRIENS.EXODE ET FORMES D’ENGAGEMENT. Essai de Karim Khaled (préface de Aïssa Kadri). Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou, 2019 , 248 pages, 800 dinars

La migration intellectuelle algérienne. Comment mais surtout pourquoi ? Telle est la problématique de l’ouvrage.

Jusqu’ici, beaucoup, tout particulièrement les « producteurs des savoirs sur commandes »  et « les logiques scientistes des institutions internationales » ont travaillé sur  des catégories d’analyses centrées surtout sur la crise sécuritaire des années 90 et/ou la précarité socio-économique.

Une voie de recherche facile ou, surtout, arrangeant bien des « pouvoirs »  d’ici et d’ailleurs. Chez nous, on (un officiel, ministre de son état ) est même allé (décembre 2011) jusqu’à accuser la « fuite des cerveaux » d’acte relevant de la « trahison envers la mère –patrie ».C’est tout dire !

L’auteur remonte à bien loin pour chercher, trouver et livrer les causes profondes et réelles de l’exil, que celui-ci soit vers l’extérieur ou dans son propre pays.

Comme le précise d’emblée le préfacier, la champ d’analyse a abordé l’analyse dans les années 80,…..les catégories sociales concernées ayant été très vite objets, lieux et enjeux de débats idéologiques, notamment à partir de l’avancée du processus d’arabisation. Mais pas que…..tant il est vrai que l’intellectuel et/ou tout ce qui lui est apparenté a , toujours, été mal considéré .

En fait, l’attitude anti-intellectuelle face à la migration algérienne date des années 20 …

On a eu d’abord le sentiment de méfiance durant la crise dite « berbériste » .

 Puis ,   durant la guerre de libération nationale , on a eu , notamment dans l’affaire dite « la bleuite », beaucoup de lycéens et d’ étudiants ayant rejoint les maquis, subissant un sort funeste.

L’Algérie indépendante va, dans  la foulée connaître un syndrome anti-intellectuel qui ne l’a pas encore totalement quitté.

Les années 90 ont vu l’assassinat par les terrorismes islamistes de tous ceux qui portaient une cravate, ou portaient un cartable ou écrivaient ou pensaient différemment …On a alors assisté à  de nouvelles migrations… fuyant les menaces,  le nationalisme politique hégémonique , une université prise aux pièges de son fonctionnement idéologico-administratif  et de la « recherche utile »……

Mais il n’y a pas  que la migration des intellectuels qui est interrogée. Il ya , aussi, la question de l’autonomie intellectuelle –par rapport à l’Etat et la société - qui est analysée….C’est évident, « l’effet le plus marquant de l’émigration est d’avoir modifié les frontières sociales qui séparent les groupes en donnant aux émigrés, particulièrement les catégories intellectuelles , les moyens d’une promotion venant de l’extérieur » (Aissa Kadri). Et ce n’est pas peu, d’autant que cette autonomisation s’inscrit généralement dans la rupture avec l’unanimisme national et les mythes nationaux jusque-là prégnants. On le remarque bien cette dernière décennie et tout particulièrement depuis février 2019, avec la rôle et la présence (tout particulièrement au niveau des réseaux sociaux et des télévisions)  de personnalités – des diasporas - ayant une certaine « épaisseur » intellectuelle et politique…..que l’on soit pour….ou contre.

 

 

 

L’Auteur : Docteur en sociologie (Paris 8/France). Chercheur au Cread (Alger, 1998-2018) puis à l’Institut national de recherche en Education, Inre (Alger).

Table des matières :Les « quatre âges » de l’ émigration intellectuelle algérienne/Etat « épistémique » et usage  pratique de l’identité en Algérie/ Dynamique des formes identitaires du nationalisme algérien et crise de médiation politique/ Crise de médiation dans le « nationalisme hégémonique » et émergence des « identités  clandestines » / La migration intellectuelle algérienne/L’enseignement supérieur et la formation des « foyers migratoires intellectuels dormants »/Les identités sociales et professionnelles aux sources de la migration intellectuelle en Algérie/ Crise des transactions sociales au sein des systèmes institués et l’émigration intellectuelle en Algérie /Conclusion/ Bibliographie

Extraits : « Le nationalisme et son avatar, le populisme, ont été les principaux supports de processus qui ont gelé et contrecarré l’émergence de la conscience de la citoyenneté » (Aissa Kadri, p13), « L’interférence du politique depuis les réformes des années 1970 a dénaturé et domestiqué les savoirs en Algérie » (p 20), « L’émigration intellectuelle algérienne n’a rien d’économique. Elle est purement politique, amorcée et « boostée » par un nationalisme hégémonique qui empêche l’émergence des individus pensant, sensés prendre librement leur destin social en main » (p 109), «.La gestion des institutions de savoirs a, à vrai dire, perverti le fonctionnement naturel des métiers intellectuels. Elle les a privés d’autonomie, de liberté d’entreprendre et d’organisation  individuelle et collégiale.ces dysfonctionnements d’ « ici » et le contact d’ « ailleurs » , dans le cadre des politiques de formations et de recyclages depuis les années 1970-1980, ont alimenté davantage le désir d’émigration » (p 160), « Les augmentations salariales en 2008 ont contribué à la perte du sens du mérite et de la compétition intellectuelle au sein de l’institution universitaire ;l’université a, à cette occasion, achevé de perdre son esprit académique » (p 171)

Avis : Destiné beaucoup plus aux chercheurs et aux étudiants en anthropologie (politique)  et sociologie…..ainsi qu’aux (nouveaux) décideurs politiques…..afin qu’ils puissent – si possible- réparer les profonds dégâts déjà causés…..et entreprendre une véritable « refondation »

 

Citations « La culture politique en Algérie, comme produit de l’Histoire, est soumise à l’impensé et à l’impensable. Ce processus d’occultation systématique et systémique est un mécanisme de perpétuation à la domination hégémonique de la société par le Pouvoir d’Etat » (p 58), « Oublier ou vouloir faire oublier l’histoire réelle de la société , c’est vouloir « instituer le mensonge »( p 64), « Le problème de l’intelligentsia algérienne est un problème purement politique. Il ne peut y avoir des corps sociaux intermédiaires réflexifs dans une ambiance idéologique unanimiste qui s’est forgée dans les institutions au nom du nationalisme statutaire » (p 86), « La formation sociale réflexive (de l’individu)  ne peut se réaliser sans la liberté, elle-même entretenue et garantie par le droit » (p 90) , « Il n’y a pas d’individus dans le peuple, corps homogène et compact qui n’a pas besoin du droit pour se reproduire » (Lahouari Addi cité, p 91), « L’exil et l’asile des intellectuels sont des caractéristiques sociohistoriques qui ne concernent que des Etats dictatoriaux. Les système politiques autoritaires instaurés juste après les indépendances sont les causes principales et le noyau central de l’effritement et de l’hémorragie du champ intellectuel dans ces pays » (p 133)