CULTURE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECUEIL DE TEXTES AGNES SPIQUEL –« LAADI FLICI ET
D’AUTRES.ALGER 1967….. »
LAADI FLICI ET D’AUTRES.ALGER 1967, , UN SI PROCHE ETRANGER. Recueil de
textes présenté par Agnès Spiquel. El Kalima Editions, collection Djib,
Alger 2018, 157 pages, 600 dinars
« Camus n’est
pas un traître à l’Algérie puisqu’il n’était pas Algérien. Il n’était pas un
déserteur puisqu’il n’a jamais rejoint les rangs de ceux qui ont fait
l’indépendance. Il n’était pas un objecteur de conscience puisqu’il avait en
réalité préféré sa mère à la Justice. Nous n’avons aucun droit de le condamner
puisqu’il n’était pas à nous, avec nous, de chez nous. Mais, nous avons le
devoir de remettre les choses à leur place et Camus à la sienne, de démystifier
une légende qui tendrait à présenter cet écrivain comme un artisan de l’anti-colonialisme, comme un serviteur de l’Algérie. Camus
n’a trahi que l’espoir que sa génération mettait en lui. Il n’est pas le seul
dans ce cas » (Malek Haddad). Tout est dit en quelques phrases….. Il est
vrai qu’en dehors de ses convictions idéologiques « intimes » ou
avouées qui n’ont jamais réussi à prendre le dessus sur ses penchants politiques « pied
–noirs », préférant ainsi la « fuite » - en se réfugiant
derrière la mère et le soleil- à
l’ « aveu » franc de son « européanité ».
Déchiré ? Malheureux ? Peut-être ! Il sera « sauvé»
par une mort inattendue ,et peut-être recherchée, dans
un banal accident de la route.
Pourtant l’image de
Camus et de son œuvre continue de hanter
l’imaginaire littéraire (et philosophique)……du monde et, aussi, paradoxalement,
de l’Algérie et des intellectuels algériens.
Cela ne date pas d’aujourdui ! On se souvenait de l’année 67, lorsque la
vie intellectuelle de la Capitale a tourné un bon bout de temps autour de notre
homme….Il est vrai que le tournage à Alger du film « L’Etranger » par
Luchino Visconti ,avec pour acteur Marcello
Mastroianni ,avait donné le « la ». Puis, Max Pol Fouchet (janvier 1967). Puis,
les Chergui (Guy Hennebelle
et son épouse) avec leurs articles dans
le quotidien national « El
Moudjahid ». Puis, Laâdi Flici,
le médecin engagé, prolifique écrivain. Puis, Ahmed Taleb Ibrahimi.
Puis Malek Haddad dans le quotidien régional An Nasr »….Le
sujet de l’année ! Et, ça reprend aujourd’hui, Kamel Daoud (et ses
soutiens ou adversaires) ayant relancé le débat, avec sa fameuse « Contre-enquête… »…
Agnès Spiquel a averti, dans sa présentation, en revenant à Laâdi Flici : Revisiter
l’œuvre de Camus en ne s’enfermant pas dans des assignations simplistes (tout
particulièrement les « dénis d’algérianité »)
et s’intéresser à la capacité de
l’écrivain à transcender les déterminismes sociaux , à
montrer l’efficacité de son écriture, mise au service d’une dénonciation de
l’injustice et d’une célébration de la solidarité humaine. Elle a ,aussi,
rappelé les contextes politiques avec un conservatisme musulman dominant , déjà
dans les années 50…..et en août 67 ,entre autres, avec les attaques contre
Mouloud Mammeri « considéré comme un auteur kabyle, mais pas comme un
écrivain algérien »…puis durant les premières années de l’Indépendance….puis
après le coup d’Etat de Boumediène , avec
l’inscription encore plus prononcée de l’Etat dans la tradition
arabo-musulmane….référence constitutive de l’ « algérianité ».
L’Auteur : Professeur de
littérature à Valenciennes, Agnès Spiquel a collaboré
à l'édition des œuvres complètes de Camus dans "La Pléiade"
(Gallimard). Présidente de la
société des études camusiennes, elle a établi
l'édition de « Albert Camus ou La naissance d'un romancier : 1930-1942 » de
Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, 2006.
Sommaire :Présentation/ Laâdi Flici (1
texte) /H. et M. Chergui (3 textes) /Emmanuel Roblès (1 texte)/ Hocine Mezali/ Benyazzar El Hadj (1
texte. Ndlr, correctif :en fait Benyezzar El Hadi, un journaliste constantinois )/Malek
Haddad
Extraits : « Ni son
intelligence ni sa culture (Camus) ne l’ont empêché de faire passer les
réflexes avant la réflexion, la défense d’une communauté avant la défense des
valeurs universelles » ( Ahmed Taleb Ibrahimi
cité , conférence du 10/2/1967, p 27),
« Le seul respect que je dois à Camus est celui que je dois aux
morts » (Malek Haddad cité, article in An Nasr,
18/2/1967) , « Selon Camus, la plupart des hommes , pour se masquer
l’absurdité de la vie, s’inventent des lois morales ou religieuses, se figent
dans des attitudes pour se faire exister. Celui qui refuse cette duperie, qui
reste à l’écart, est condamné » ( Article de M.
et H. Chergui, El Moudjahid, 10 janvier 1967)
Avis : Intéressant à lire car
il présente les multiples facettes de la « critique ». Pour
lecteurs très pressés.
Citations : « Tous les hommes
portent la peste en eux et il est des gens qui ne le savent pas ou qui se
trouvent bien dans cet état, et des gens qui le savent et qui voudraient en
sortir » (Laâdi Flici,
p 60), « La peste : qu’est ce que cela signifie ? C’est la vie
et voilà tout !Et la vie exige une solidarité. Telles
est la signification de « La Peste » (de Camus) » (Laâdi Flici, p 62), « La
vieillesse n’est pas redoutable seulement par la laideur qui l’accompagne , mais
surtout parce qu’elle n’a pas d’issue » (Article de M. et H. Chergui, El
Moudjahid, 18 janvier 1967),
« Camus….un écrivain qui se montra plus brillant dans les drames
qu’il écrivait que dans ceux que nous avons vécus » (Malek Haddad,
article, An Nasr, 18 février 1967)