SPORTS- DISCIPLINE –
FOOTBALL - PROFESSIONNALISME – BILAN
Football - Ligue 1: Le professionnalisme en... 10 ans !
© par Adjal Lahouari/Le Quotidien
d’Oran, mardi 24/3/2020
Cette pause forcée du championnat de Ligue 1 recèle
tout de même quelques aspects positifs pour certains clubs ayant des joueurs
blessés ou en voie de guérison. Par ailleurs, elle devrait permettre aux
acteurs saturés de se reposer. Pour meubler ce « vide » que tout le monde
souhaite le plus bref possible, tous les entraîneurs ont remis à leurs poulains
des programmes individualisés afin que ces derniers entretiennent leur forme en
vue d'une éventuelle reprise. C'est une bonne occasion pour les remplaçants
aussi de progresser et convaincre les staffs techniques afin de postuler à une
place de titulaires. Hélas, un arrêt définitif du championnat de Ligue 1 n'est
pas à écarter. Et déjà, du côté de Laâkiba, on se prend à rêver de titre, le
fait que le CRB se trouvant en tête alimentant ce souhait. A l'inverse, les
clubs actuellement en difficulté dans ce palier attendent avec impatience une
décision. Disons-le franchement, au risque de déplaire à ces calculateurs : ce
serait anormal et injuste d'effacer des résultats enregistrés sur le terrain
selon les mérites de chacun. En outre, ce serait une « première » arbitraire
qui aurait des conséquences pour l'avenir du football algérien, déjà malade de
ses pratiquants et de ses dirigeants. Cela étant, il nous a paru utile de
scanner cette Ligue parcimonieuse en satisfactions. « Les hommes mentent, les
chiffres non », dit-on. Ces chiffres démontrent clairement le niveau très moyen
de ce championnat prétendument professionnel.
L'indispensable retour à la formation
Pour cerner les causes de ce désolant constat, on citera en premier lieu l'absence
de formation sérieuse au sein des clubs. Les dirigeants préfèrent miser sur les
mercatos pour se renforcer en se livrant à une intense surenchère, quitte à
menacer l'équilibre financier de leurs clubs. De ce fait, ces dirigeants
reconnaissent de facto leurs faiblesses, un aveu qui en dit long sur leur
incapacité à mettre sur pied un projet viable. « Ce que l'on n'a pas, on
l'achète ! » Telle est leur démarche préférée. Le PAC est sans aucun doute
l'exception grâce à un audacieux projet qui a fait largement ses preuves,
puisque c'est auprès de cette Académie que les clubs font leur marché, à
l'instar d'ailleurs des clubs du vieux continent. Question : qui est-ce qui
empêche ces clubs de suivre l'exemple du Paradou ? Il y a des réponses : par ce
que ce projet exige du temps, des entraves insurmontables pour ces gens trop
pressés et avides de résultats immédiats. Outre une bonne organisation de base,
c'est-à-dire un terrain, un encadrement qualifié et objectif, des opérations de
prospection à grande échelle, de la passion et de la patience sont exigées !
Visiblement, c'est trop leur demander. On citera une authentique anecdote. Un
dirigeant d'un club d'élite a déclaré aux clubs formateurs : « Formez, formez
bien, et lorsque le jour viendra, je prendrai vos joueurs, quitte à verser des
centaines de millions ! ». Comment qualifier un tel comportement ? En gens
pressés donc, les dirigeants changent plusieurs fois d'entraîneurs en quelques
mois seulement lorsque les victoires se font rares. On a vu des entraîneurs
renvoyés même lorsque les résultats sont bons. Il y en a qui se font éjecter
plusieurs fois sur une saison, et la plupart s'en accommodent pour peu qu'il y
ait un « arrangement à l'amiable ». Une minorité a affiché une dignité. Comment
alors les équipes pourraient-elles progresser ? Il faut signaler des effectifs
sans cesse remaniés d'une saison à une autre. A ce constat, on ajoutera le
constant bouleversement de la barre technique, chaque entraîneur ayant sa
propre conception du football, ce qui déboussole les joueurs. Mis sous
pression, les entraîneurs en viennent à exiger de leurs poulains une attitude
de « guerriers » ! Ce terme est déjà impropre dans une discipline où le
fair-play doit être le maître mot, car cette dernière sollicite aussi bien les
qualités physiques permises par les lois du jeu, que les vertus morales. « My
game is fair-play » est la devise préférée de l'institution suprême du
football, la FIFA. Hélas, il y aussi la violence, un thème quasi inépuisable
pour tous les médias et que notre journal a très souvent évoqué dans ses
livraisons.
Bilan amer et alarmant
Beaucoup oublient que le professionnalisme a été instauré il y a déjà 10 ans
suite aux injonctions de la FIFA. Décrété « à la hussarde » soudainement et
sans préparation, le football algérien est aujourd'hui dans une impasse. Les
plus optimistes diront qu'il se trouve à la croisée des chemins. Si tel est le
cas, il est urgent d'opter alors pour la meilleure direction, même si elle
recèle des aspects rébarbatifs. Un dicton populaire dit bien : « Choisis la
chose qui te fait pleurer », allusion faite aux promesses fictives de projets
en apparence séduisants et finalement trompeurs. Cet article serait incomplet
si l'on n'évoquait pas la situation de la poignée de clubs formateurs. Hélas,
en l'absence d'une règlementation claire, ces derniers ne sont pas protégés des
dirigeants disposant de moyens financiers conséquents. Les premiers
prospectent, dénichent et forment avec amour et passion. Lorsque le « fruit »
est mûr, les seconds arrivent en chapardeurs séduisants pour les parents des
joueurs. Le « combat » est inégal à une époque où l'aspect économique est très
puissant. En 2020, le bilan est amer et alarmant. Tous nos représentants ont
été éliminés des compétitions continentale et arabe, et il en est de même pour
nos sélections de jeunes. Les clubs prétendument professionnels réclament sans
cesse l'aide de l'Etat. En outre, ils traînent des contentieux avec des joueurs
et des entraîneurs. Il a été constaté que pour être « libérés » des contraintes
de leurs contrats, des joueurs cèdent leurs salaires et primes aux clubs. C'est
tout simplement du racket. Ces derniers mois, les dirigeants des clubs se sont
avérés incapables de fournir leurs bilans et de réunir les dossiers pour obtenir
la licence pro pour la prochaine saison. Il reste à souhaiter que les coulisses
ne fassent pas de dégâts. Il y a eu déjà des précédents qui ont faussé la
compétition et découragé la maigre frange de responsables de clubs. Comme on le
voit, actuellement, il y a trop de déchets dans ce football que nous aimons
tous, malgré tout…
Jeu défensif et peu attrayant
Les statistiques sont éloquentes : le football pratiqué en Ligue 1 est des plus
défensifs, à rendre jaloux les nostalgiques
du Calcio des décennies 60/70. En effet, la moyenne par match est très faible :
1,07 en divisant les 375 buts par les rencontres jouées. On comprend mieux le
manque d'attrait de ces joutes où on exige des joueurs de ne pas perdre, les
défaites étant considérées comme des catastrophes. Ce constat est indéniable
car, mis à part quelques matches avec de gros scores, les personnes ayant
déboursé des sommes conséquentes aux guichets n'ont pas eu droit à du football
spectaculaire. La principale cause vient d'être évoquée, la peur de perdre.
Ensuite, il y a le nivellement des valeurs par le bas, constamment signalé dans
nos analyses. Souvent, certaines équipes se contentent de résultats « nuls ».
Au terme de la 22ème journée amputée des rencontres CRB - PAC et USMBA - ASO,
on a enregistré 94 nuls pour 125 victoires et autant de défaites bien
évidemment. A 110 reprises, les attaques ont fait chou blanc, il y a eu 18
matches où aucun but n'a été inscrit. Enfin, 50 rencontres se sont achevées sur
le score de 1-0. Quels systèmes de jeu sont appliqués dans ce championnat où
tout le monde bat tout le monde ? Il est donc admis que c'est un constat très
inquiétant, comme en Liga espagnole. Mais la différence par rapport au
championnat espagnol, c'est que les rencontres ne manquent pas d'attrait, contrairement
à la Ligue 1 algérienne. Certes, les médias évoquent des tactiques de base,
c'est-à-dire au coup d'envoi des rencontres mais, pour la suite c'est le «
naturel » qui reprend le dessus avec des stratégies défensives inspirées par
des entraîneurs soucieux de ne pas perdre pour conserver leurs postes. On osera
évoquer une sorte de « reflexe pavlovien ». Le plus étonnant, c'est que cette
frilosité défensive ne suffit pas lorsqu'on totalise le nombre de techniciens
limogés. Dans ce football fait de calculs et de spéculations, un buteur fait
figure de vedette. Il n'y a qu'à citer le nombre restreint de leurs «
performances ». Actuellement, Belhocini (USMBA), Abid (CSC) et Tiaiba (ASAM)
sont en tête de ce classement avec 10 buts seulement. Ils auront certes
l'opportunité d'inscrire d'autres buts, mais ils sont très loin de leurs
prédécesseurs, tels Bouiche (JSK), Pons (ASMO), Gamouh (MOC), Baïleche (JSK)
plus de 20 buts, et la liste est très longue. Aujourd'hui, il suffit d'inscrire
une dizaine de buts pour figurer en tête des goléadors. Dans cette popularité
des rôles tenus par les buteurs, les médias ont une certaine responsabilité.
L'exemple le plus significatif est de considérer comme un milieu offensif un
attaquant. Et cela souligne on ne peut mieux la tendance de « recul » qui est
apparue depuis plusieurs décennies dans les équipes de Ligue 1. Ce n'est pas un
fait isolé. A titre d'exemple, l'ancien international français Anelka, ému par
cette tendance, a décidé d'ouvrir une académie exclusivement pour les
attaquants ! Ce que nous souhaitons, c'est que les centres de formation et
autres académies qui sont en voie de création en Algérie, accordent une
attention particulière au jeu offensif. Car, nous croyons toujours que la
meilleure défense c'est l'attaque, au risque de paraître comme partisan d'un
système de jeu tombé en désuétude selon les partisans du faux réalisme dont les
porte-drapeaux sont Mourinho et Diego Simeone. Question : pourquoi un joueur
qui marque un but exalte, transporté par une joie extrême qu'il ne peut
contenir ? Réponse : parce que la finalité d'un sport comme le football, c'est
de marquer au moins un but pour prétendre gagner des points. Un ancien
technicien a dit un jour : « Défendre, c'est conserver. Attaquer, c'est
conquérir ». Si Mahrez, Bounedjah, Slimani, Belaïli et Ounas n'avaient pas
attaqué et trouvé le chemin des filets de leurs adversaires l'été dernier,
l'équipe d'Algérie n'aurait pas remporté la CAN 2019. Il serait souhaitable
donc que la stratégie développée par Belmadi et ses joueurs soit une source
d'inspiration pour les formateurs chargés de préparer les futures générations.
Il est indispensable de s'appuyer sur ce bel exemple, plutôt que de céder au
faux réalisme qui consiste à la recherche anarchique du résultat immédiat, et
forcément éphémère. Espérons que ces modestes suggestions soient prises en
considération par les responsables, chacun dans son domaine.
L'Algérie, berceau de buteurs
Un coup d'œil aux archives nous apprend que l'Algérie a toujours possédé de
grands buteurs, que ce soit en clubs ou en équipe nationale. Il y en a qui ont
brillé dans les deux registres, d'autres non. Et pourtant, ils avaient du
talent à revendre. En championnat d'Algérie, la palme revient à Nasser Bouiche,
dont le record risque de tenir très longtemps. Avec 36 buts, le longiligne
avant-centre a placé la barre très haut et précède de valeureux anciens, tels
Hocine Saâdi (NAHD 25 buts), Gamouh (MOC 24 buts), Hadj Adlane (JSK 23 buts),
Griche (ESS 21 buts), auxquels s'est joint la saison écoulée le jeune Zakari
Nadji (PAC 20 buts). Le populaire Abdelkader Reguieg « Pons » en a inscrit
autant (ASMO 20 buts), ainsi que Baïleche (JSK). En équipe nationale, c'est
Abdelhafid Tasfaout qui figure en tête avec 36 buts. Son record est l'objectif
actuel de Slimani qui en est à 29. Belloumi, Madjer, Menad, Bensaoula, Lalmas,
Assad, Dali, Meçabih, Dziri, Yahi, Kalem, Hachouf, Fergani, Ighili, Saïfi,
Cherrad, Bencheikh, Akrour, Boutabout, Akli, Antar Yahia, suivent avec 7 et 6
buts. Chez les joueurs encore en activité comme Slimani, on citera Soudani,
Bounedjah, Belaïli, Brahimi, Ghoulam, Taïder, susceptibles d'améliorer leurs
performances.