CULTURE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ESSAI ABDOU ELIMAM (ABDEL JLIL)- « LE MAGHRIBI, ALIAS
« ED-DERIJA »… »
Le maghribi, alias « ed-derija » (la langue consensuelle du Maghreb). Essai de Abdou Elimam (Abdel Jlil) , Editions Frantz Fanon, Alger 2015, 244 pages, 600
dinars(Pour rappel. Déjà publié)
Une présentation
de prime abord surprenante, et il y a de quoi, que cet éclairage (scientifique) , dès la fin des
années 90 puisque l‘auteur en est à sa troisième édition. La langue
consensuelle au Maghreb ...c’est le Maghribi ;
en fait une appellation qu’il estime plus correcte que celles de « arabe
algérien », ou « arabe dialectal », ou « dialecte » ou
« ed darija » ou
« el umiya ».....Autre chose : Il y a
une relation de parenté entre le punique et le maghribi.Cette
dernière aurait des origines puniques (puisant ses racines dans l’Afrique du
Nord carthaginoise) . Mais
attention ! Il ne s’agit pas , pour l’auteur, de
chercher à « constituer » une langue pour l’ensemble du Maghreb. Cela
relève du « pur fantasme »...car il est difficile de tenter de
réaliser ce que l’histoire sociale des peuples
a permis d’élaborer au fil du temps. Et, surtout de parvenir à formuler,
dans un contexte d’exclusives « pan-arabistes », à formuler les
contours d’une (nouvelle ?) identité culturelle et linguistique nationale.
L’espace « dialectisant » s’était recroquevillé, hormis quelques « bravades »de
la chanson raï. Et, seul l’espace berbérisant
recelait des voies d’espérances .
On donc préféré une « fuite en avant féconde »....dans la langue
(arabe) fosha.
L’auteur révèle
dans ce cadre que le Président Ahmed Ben Bella , alors aux commandes du pays,
avait « acheté » (pour l’ensevelir, car le contrat stipulait que les
résultats de l’enquête ne devaient, en aucun cas , être divulgués) une
recherche menée par des linguistes de l’Université de Berkeley ayant séjourné
en Algérie en 1963-1964 : Les chercheurs se seraient vite rangés à l’avis
de promouvoir le « dialectal » car c’était véritablement la langue de
l’échange interrégional la plus utilisée et la plus consensuelle . Ils auraient
également suggéré la reconnaissance et la promotion du berbère.
L’Auteur : Né à
Oran, docteur d’Etat et professeur de linguistique.A
exercé dans plusieurs établissements universitaires étrangers. A publié
plusieurs articles et ouvrages de sociolinguistique, de didactique et de
linguistique cognitive. Se réclame du courant énonciatif (E. Benvéniste, G. Guillaume, A. Culiolii,
R. Lafont......)
Extraits : « Les
langues nous préexistent car les mécanismes biologiques de réception/émission
sont toujours- déjà – inscrits dans nos gènes et dans nos neurones à la naissance.
Quant à l’évolution des langues en contact, elle est (toujours)
synthèse transitoire. Se présente donc aux linguistes un horizon ouvert
à l’infini » (p 12), « Désastreuse est la décision politique
lorsqu’elle tente de substituer aux langues maternelles une langue nationale
unique dont la caractéristique principale est d’être non native « (p 82),
« Chaque société du « monde arabe » a, dans son espace
géographique propre, dans son histoire sociale et humaine ,
un support linguistique qui la perpétue et la distingue. Ces supports ne sont
autres que les langues natives, les langues maternelles » (p 86).
Avis : Ouvrage
très, très technique, conseillé aux spécialistes, les linguistes.
« Aboutissement de la prise en charge d’un refoulé » comme l’avoue
l’auteur. Donc, comme pour lui , il va (peut-être) vous servir de « cure
analytique » qui vous aidera à « assouvir cette faim identitaire qui
plonge ses racines dans cette Afrique du nord carthaginoise »
Citations : «
Une formation linguistique témoignant de son autonomie métalinguistique est une
« langue » à part entière » (20), « Lieu de matérialisation
des significations, les langues auraient cette puissance phénoménale d’agir au
lieu et place des hommes » (p 21)