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A.Belhimer, ministre de la com'/Entretien Aps, lundi 16/3/2020

Date de création: 17-03-2020 12:47
Dernière mise à jour: 17-03-2020 12:47
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COMMUNICATION – OPINIONS ET POINTS DE VUE- A.BELHIMER, MINISTRE DE LA COM’/ENTRETIEN APS LUNDI 16/3/2020

 

Les récents événements ayant marqué le pays, les enjeux du néo-Hirak animé par des tentatives de «forces antinationales» de transformer  le Hirak originel en mouvement insurrectionnel non armé visant la paralysie du pays, ainsi que les appels des voix de la  aison à une pause salutaire et à une trêve préventive devant les menaces qui pèsent sur le pays sont autant de sujets abordés dans cet entretien accordé à l’APS, par le professeur Ammar Belhimer, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.

Quel bilan faites-vous de l’évolution de la situation politique et sociale depuis février 2019 ?

Pr Belhimer : Bien avant l’irruption du coronavirus comme risque anthropique majeur pour le pays et pour le reste du monde, le Hirak perdait au fil des semaines son caractère de mouvement populaire, historique,  car inédit, spontané et surtout rassembleur à grande échelle. Sa grande dimension, sa masse critique, son amplitude, sa récurrence et sa résilience lui ont permis de traverser l’ensemble de la société algérienne au-delà même des classes sociales, des ancrages idéologiques, des sensibilités politiques, de l’appartenance identitaire et du sentiment religieux.
Le mouvement du 22 février, consacré «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie» par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui culmine avec l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, commence à produire ses premiers effets, avec la formation d’un gouvernement de compétences engagées sur la base d’un programme entièrement dédié aux libertés et au renouveau économique, ainsi que l’élaboration d’un projet de constitution qui sera soumis à débat et à référendum, et dont il est attendu qu’il produise une solide assise législative qui concilie démocratie représentative et démocratie participative, qui facilité l’émergence d’une société civile libre et fort,e et d’une vie politique intense de nature à consolider les espaces de médiation requis pour la stabilité et la transparence, ainsi qu’une presse libre et responsable.
Le temps est à la reconstruction. Aidons ce processus à aboutir dans les meilleurs délais.

Peut-on considérer que les choses ont radicalement changé et que la contestation n’a plus lieu d’être ?

On ne reconnaît plus, au fil du temps qui passe, le mouvement des origines. Un an après sa naissance, favorisée par la tentative du passage en force du président déchu — alors incapable — pour un cinquième mandat destiné à préserver les intérêts mafieux d’une caste parasitaire aux commandes du pays, le néo-Hirak fait du surplace et s’installe dans l’impasse. À l’origine mouvement transcourant et transgénérationnel, il a fini par être parasité par certains courants politiques qui l’ont rejoint, pour mieux le faire dévier de sa vocation citoyenne, patriotique, démocratique et plurielle. Il est donc à craindre que le Hirak s’inscrive de plus en plus dans le prolongement de ces «bouleversements préfabriqués» qui, au demeurant, révèlent chaque jour davantage leur caractère contre-révolutionnaire.
Des ONG qui ont pignon sur rue à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l’ex-FIS et des revanchards mafieux de l’ancien système travaillent d’arrache-pied, y compris par derrière les barreaux ou à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), pour propager les mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence.
L’accumulation effrénée de ressources financières et le positionnement de leurs relais dans tous les appareils d’État et à tous les niveaux de décision leur confèrent naturellement une force de frappe qui n’a pas encore été totalement contenue. Ils escomptent un retour aux affaires et aux commandes à l’aide de marches quotidiennes là où elles peuvent être tenues, appuyant des mots d’ordre hostiles à l’institution militaire et aux services de sécurité. Ce qui est en fait visé, ce sont les institutions, l’ordre public, la stabilité et la souveraineté nationale.

Quels enjeux particuliers se profilent derrière ces nouvelles tendances ?

Ce qui se profile dangereusement derrière un mouvement qui a porté la cause juste d’un changement démocratique, grâce à sa formidable discipline et à son caractère non violent, c’est la quête d’une nouvelle hégémonie coloniale. Les millions de manifestants mobilisés par le Hirak en vue de mettre un terme au culte de la personnalité, renouer avec les libertés pour mieux en élargir le champ d’exercice et installer l’alternance au pouvoir, ont été efficacement exclus par la nouvelle secte autoproclamée «révolutionnaire» — le manque d’organisation politique nationale permettant aux personnalités et partis de «l’opposition» néolibérale et conservatrice d’aspirer à conquérir le pouvoir. Et ce n’est certainement pas un hasard si certains mass media encensent le caractère «spontané» des luttes (et non les revendications socioéconomiques) et confèrent un éclairage défavorable au rôle de sauvegarde et de stabilisation de l’Armée nationale populaire (ANP).
Gare à la manipulation ! Les masses sont encensées pour leur «héroïsme», la jeunesse pour son «idéalisme», mais on ne les propose jamais comme acteurs politiques centraux dans le nouveau régime.

Vous suggérez l’existence de menaces, mais demeurez toutefois confiant et optimiste...

Tout indique que l’issue ne sera pas forcément celle que l’on escompte. Et que dans ce scénario, le danger n’est pas toujours là où il est annoncé ou attendu.
Dans ce scénario, où «la forme d’exercice antilibérale, anti-rentière et antiautoritaire de la politique d’émancipation reste à construire», dixit l’ancien ministre de l’Économie, Ghazi Hidouci, l’Algérie ne semble malheureusement pas épargnée et il est attendu de toutes les forces patriotiques une vigilance de tous les instants.
L’un des mots d’ordre récurrents les plus pernicieux est celui d’une «nouvelle indépendance» destinée à faire valoir l’idée que l’Indépendance arrachée de longue et haute lutte à l’ancienne puissance coloniale, n’a pas apporté les acquis que le monde entier reconnaît pourtant à notre peuple en matière de libération et de libertés, d’éducation et de développement, en général, apport sur lequel on peut légitimement rester assez critique par souci de toujours mieux faire.
En opérant sciemment un divorce entre le peuple et la révolution nationale qu’il a enfantée et portée à son terme, les commanditaires du néo-Hirak restent cependant fidèles à une vieille litanie néocoloniale qui stipule qu’«avant, c’était mieux» et que l’Indépendance n’a pas été au niveau des «bienfaits de la colonisation».
Comme l’écrivait feu Abdelhamid Mehri, le 15 février 2011 : «La majorité des Algériens considère que le régime politique chez nous n’est pas fidèle aux principes de la révolution algérienne et à ses orientations et ne répond pas à la soif d’intégrité, de liberté, de démocratie et de justice sociale pour laquelle le peuple algérien a sacrifié des centaines de milliers de ses enfants.» Le trait est accentué délibérément, l’histoire réduite à quelque chose d’autre que ce qu’a retenu la mémoire collective comme scènes de liesse et d’espoirs au lendemain de la sortie de la nuit coloniale.
Quid alors du mouvement social, de la société civile, des partis, des syndicats, des associations et des autres institutions qui, suivant un parcours inégal, ont nourri le jeu institutionnel, directement ou indirectement ? Comme le rappelle encore, et fort justement, feu Abdelhamid Mehri, dans la même lettre déjà citée : «C’est un régime à l’édification duquel a participé quiconque a assumé une part de responsabilité publique depuis l’indépendance, que ce soit par son opinion, son travail ou son silence.»

Une masse critique d’incertitudes semblent donc se profiler. Quelle évaluation en faites-vous ?

On l’a bien vu, le néo-Hirak n’est plus que l’occasion de procès à charge des hommes et des femmes qui ont sacrifié leur vie et donné au monde un exemple de lutte et de sacrifices inégalables.
Le pays est confronté aujourd’hui à la montée des périls et à la conjugaison des menaces. Menaces de déstabilisation en interne et menaces terroristes aux frontières qui s’ajoutent désormais aux sérieux dangers représentés par la baisse draconienne des revenus des hydrocarbures et la menace globale qui se précise sous la forme d’une propagation exponentielle du Covid-19. Sans compter qu’une grande lame de fond de contestation sociale se profile, corrélée à la raréfaction des ressources financières et indexée sur un héritage empoisonné en la forme d’une masse de promesses démagogiques faites par l’exécutif précédent. Faute de pouvoir injecter des quantités d’hydrocarbures supplémentaires en dehors du gaz – malheureusement sans incidence notable au regard de la douceur qui a gagné l’Europe cette année — l’Algérie, au même titre que les autres pays membres de l’OPEP, continue de subir.
Aussi, au cours actuels du baril, les recettes escomptées ne pourront pas dépasser les vingt milliards de dollars, cette année, ce qui affectera fatalement, dans le sens d’une baisse drastique, nos réserves de changes.

N’y a-t-il pas des raisons d’espérer ?

En vertu des tentatives des forces antinationales de transformer le Hirak en mouvement insurrectionnel non armé visant la paralysie du pays, et au vu de ce qu’il représente aujourd’hui comme risque sanitaire majeur, des voix de la raison se sont élevées dans le pays et dans la diaspora, notamment à travers les réseaux sociaux, pour appeler à une pause salutaire, à une trêve préventive. Des leaders d’opinion lucides et réalistes appellent même à l’arrêt pur et simple des marches et des rassemblements. Car la pandémie du coronavirus est sérieuse, attestée par la rigoureuse OMS, l’Organisation mondiale de la santé.
Ces mêmes voix de la lucidité citoyenne et de la raison patriotique appellent à cesser les marches dans un contexte national aussi complexe et aussi périlleux, marches pour lesquelles elles ne trouvent plus aucune raison d’être, car le Hirak est déjà victorieux. Et il a gagné sur plusieurs fronts. Grâce à sa convergence initiale avec l’ANP, qui l’a accompagné et protégé, il a permis de faire barrage au 5e mandat d’un président cacochyme utilisé comme devanture politique par une caste mafieuse et des réseaux transversaux d’accaparement et de dilapidation des richesses nationales. Grâce à son insurrection pacifique et intelligente, il a révélé au pays et au monde la colossale et effroyable corruption du régime précédent et de ses insatiables clientèles. Et, toujours de son fait, le Hirak a favorisé l’avènement d’une opinion publique agissante, influente et désormais écoutée. De même qu’il a permis aux Algériens de s’approprier la politique en lieu et place de structures de médiation, d’intermédiation et de représentation défaillantes, discréditées et inaudibles. Et par-dessus tout, il a rendu possible le changement pacifique et ordonné.

Quel avenir pour le Hirak dans un contexte exceptionnel d’alerte sanitaire ?

Le Hirak est intelligent et généreux. Il doit le rester et même l’être plus encore lorsqu’il y a péril majeur en la demeure. Ceux qui s’obstinent, dans un entêtement suicidaire, à le maintenir coûte que coûte et quoi qu’il en coûtera à la nation tout entière, ne doivent pas concourir à son échec, voire à sa disparition. Ils devraient en être empêchés par la force de la raison citoyenne et par celle du droit qui est au-dessus de tous.
La raison exige la cessation des marches et des rassemblements. Et, une fois la crise grave du coronavirus résorbée par la mobilisation de tout un peuple, rien n’empêchera alors le Hirak de reprendre son cours si d’ici là, des avancées démocratiques et sociales majeures n’auront pas été enregistrées.
In fine, il faudrait donc écouter cet éditorialiste algérien, par ailleurs voix porteuse du Hirak qui dit : «Nous sommes déjà meilleurs grâce au Hirak. Et ce Hirak doit nous aider à vaincre nos colères et à donner victoire à la raison. Organisons-nous autrement, restons vigilants, utilisons au maximum les réseaux sociaux, continuons à informer sur les atteintes aux libertés, mais nous devons, sans attendre, décider de nous donner toutes les chances de gagner la longue bataille politique pacifique engagée le 22 février 2019. C’est parce que le Hirak nous a rendu meilleurs, plus intelligents et plus responsables que nous devons le décider : les marches et les rassemblements doivent être suspendus. Vainquons nos colères, car nous-nous aimons. Nous serons encore meilleurs et plus forts pour les batailles qui viennent.»
Ces batailles sont déjà amorcées, comme en témoignent les correctifs et retouches qui ne manqueront pas d’être apportés par la loi de finances complémentaire dans trois directions : primo, le renforcement du pouvoir d’achat des ménages, grâce à l’exonération de l’IRG pour les salaires n’excédant pas 30.000 dinars et la revalorisation du SNMG dès janvier prochain. Secundo, les mesures encourageant l’installation des entreprises étrangères et la suppression de la règle de répartition du capital social 49/51. Tertio, les mesures visant à améliorer le recouvrement fiscal à un moment critique d’érosion des ressources
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