SANTÉ- MALADIE- ÉPIDÉMIES- PANORAMA HISTORIQUE
Peste bubonique, grippe espagnole, choléra ou
Sida... ces termes nous font frémir à leur évocation car ils résonnent en nous
comme synonymes de mort brutale.
De locales, ces épidémies peuvent se
transformer en pandémies, avec une portée intercontinentale ou mondiale. Elles
sont devenues de plus en plus mortelles au fil de l'Histoire, facilitées par la
densification des territoires et les déplacements de populations, et laissant
des traces durables dans les corps, les esprits et les mœurs.
La première épidémie dont il nous reste une trace
est la « peste d’Athènes » qui a ravagé la Grèce de 430 à 426 av.
J.-C. et aurait causé la mort de dizaines de milliers de personnes, dont le
stratège Périclès en personne. Rapportée par l'historien Thucydide, cette épidémie reste
un mystère pour les scientifiques qui continuent d’en chercher la cause. On a
d'abord pensé qu'il s'agissait du typhus mais des recherches récentes penchent
pour une fièvre typhoïde... Une chose est
sûre : l’histoire des épidémies continue de s’écrire...
La grippe espagnole - Cinquante millions de victimes
En quinze mois, de mars 1918 à mai 1919, l’humanité est frappée
par la plus terrible épidémie de grippe qu’elle ait jamais connue, avec près de
cinquante millions de victimes.
Les Européens, encore plongés dans la Première Guerre
mondiale, en prennent conscience par la presse espagnole, d’où son nom
de « grippe espagnole », mais c’est en Asie
que surviennent les quatre cinquièmes des décès.
Longtemps restée un mystère, l’origine du virus a été révélée
grâce aux recherches récentes menées par les scientifiques.
Charlotte Chaulin, avec l'aimable
contribution de l'historien Freddy Vinet
Tout commence en février 1916. Le médecin-major de première
classe Carnot observe à Marseille une « épidémie spéciale de pneumococcie » qui « a éclaté
chez les travailleurs annamites avec une gravité considérable ».
Le taux de mortalité atteint 50% dans les centres hospitaliers
qui accueillent ces appelés vietnamiens souffrant de pneumonie. Mais les
médecins français ne s’inquiètent pas, il s’agit probablement d’un mal exotique
étranger à la race blanche. Et, en pleine guerre, ils ont d’autres soucis en
tête.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils ont sous les yeux les
symptômes qui préfigurent la plus grande pandémie du siècle. Et que ce
pneumocoque (bactérie pathogène) n’est pas d’importation coloniale.
Particulièrement virulent, il s’attaque de prime abord aux
sujets étrangers à nos climats et vivant dans la promiscuité. Mais très vite,
les Européens ne sont pas épargnés...
Le médecin-major Trémollières, chef du
secteur de Besançon, témoigne : « Au cours de mes tournées
dans les diverses localités du secteur, j’ai constaté la grande proportion de
bronchites, de contagions pulmonaires, de pleurésies, de broncho-pneumonies et
de pneumonies par rapport aux autres maladies. En particulier la pneumonie
lobaire, franche, aigüe, semble prendre un regain de fréquence ; avant la
guerre, elle se faisait très rare dans les hôpitaux de Paris. Peut-être
l’était-elle moins à la campagne. En tout cas, le nombre des cas actuellement
observés vaut d’être signalé. »
On a longtemps cru que les premiers cas de grippe étaient
apparus au États-Unis le 4 mars 1918, dans un camp de formation militaire de
Fort Riley, au Kansas, avec 500 soldats en partance pour l'Europe hospitalisés
en une semaine. Mais c’est bien plutôt en Europe que le virus se manifeste
pour la première fois dès 1917.
En 1917, dans un camp militaire du nord de la France, à
Étaples-sur-mer, des soldats souffrent d’une forte fièvre dont il apparaîtra
plus tard que c'est la grippe « grippe espagnole ».
Comment le virus aurait-il atteint ces malheureux ? Peut-être par le biais
des oiseaux migrateurs qui nichent à proximité du camp, dans la baie de la
Somme, et ont pu l'amener d'Asie.
Les cas d'infection se multiplient dès lors à travers la France,
comme en avril 1918 dans les tranchées de Villers-sur-Coudun.
La propagation du virus est due à la promiscuité dans laquelle vivent les
soldats, dans des campements et des tranchées surpeuplés. Au mois de mai et
juin 1918, les pneumonies se font de plus en plus mortelles. C’est la première
vague de l’épidémie en Europe.
Les symptômes sont épouvantables : fièvre et insuffisance
respiratoire, hémorragies qui engorgent les poumons de sang, provoquant des
vomissements et des saignements de nez. Les malades, dont le visage se teint de
bleu par manque d’oxygène, meurent ainsi asphyxiés dans leurs propres fluides
corporels. Ce n’est pas de la grippe même qu’on décède, mais de toutes ces
complications qu’elle entraîne.
Au départ, les victimes sont, comme souvent, les plus
faibles : les plus jeunes et les plus âgés. Mais les mutations de la
souche la rendent si virulente qu’elle affecte de plus en plus les adultes en
bonne santé, de 15 à 35 ans. Finalement, ce seront eux les principales victimes. Dans
la guerre qui décime l’Europe, l’épidémie passe inaperçue et les décès sont
régulièrement attribués à la pneumonie.
Quelle est la différence
entre un virus et une bactérie ?
Une bactérie est un être vivant microscopique
constitué d’une unique cellule entourée d’une paroi et dépourvue de noyau.
Certaines, présentes dans notre corps, sont bénéfiques pour l’Homme (pour la
digestion par exemple), tandis que d’autres sont à l’origine de maladies
graves.
Le virus est, lui, un « poison », d’après son
étymologie latine. C'est un agent infectieux, vingt fois plus petit que la
bactérie, qui nécessite un hôte, souvent une cellule, qu’il utilise pour se
répliquer.
Le choléra et la peste sont des maladies
bactériennes tandis que la grippe et la variole sont des maladies virales.
Quelle maladie les Indiens d'Amérique ont-ils transmis aux Européens
?
En échange du virus de la variole importée par
les Européens lors de la conquête du Nouveau
Monde, les Indiens d’Amérique leur transmettent une maladie
vénérienne bactérienne, la syphilis. L'épidémie sévit pendant cinq siècles,
jusqu'à la découverte de la pénicilline.
Le typhus est transmis à
l'homme par un insecte, mais lequel ?
Depuis le début du XXème siècle, on sait que ce
sont les poux qui transmettent le typhus à l'homme. En 1928, Charles Nicolle
reçoit le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur le typhus en découvrant
le rôle du pou dans la transmission de l’infection chez l’homme.
À qui doit-on
l'élaboration du premier vaccin ?
Le 14 mai 1796, le médecin Édouard Jenner
inocule un vaccin contre la variole à un jeune garçon. Il utilise pour cela du
pus provenant d'une maladie apparentée mais bénigne, la vaccine des vaches.
Alors que ses prédécesseurs inoculaient directement la maladie aux patients,
Jenner révolutionne la pratique et invente la vaccination.
Terribles épidémies - Entre la peste et le choléra
La plus ancienne et la plus effroyable des
pandémies demeure la peste, qui a sévi en Eurasie pendant près de deux mille
ans et causé plus de victimes que les pires des conquérants. Elle a
été repérée pour la première fois dans le bassin méditerranéen en 541-542, au
temps des rois mérovingiens et de l'empereur Justinien.
Par ses ravages brutaux, en particulier à Byzance et au Proche-Orient, elle a
ruiné les efforts de Justinien pour restaurer la grandeur
romaine.
Chaque année ou presque, depuis lors, elle a
prélevé son lot de victimes dans la population de l'empire, affaiblie par
la misère et l'insécurité propres aux temps barbares. Puis, à partir de 767, au
temps de Charlemagne, les chroniques occidentales en ont perdu la trace... mais
elle est restée endémique en Orient, en Inde et en Chine.
Sous sa forme bubonique (avec apparition
de « bubons » ou tumeurs à l'aine), la peste a
fait sa réapparition en 1320 en Mongolie. En 1344, les Mongols assiègent
la ville de Caffa (aujourd'hui Féodossia,
en Crimée)
et envoient des cadavres contaminés par-dessus les murailles. Des marins
génois arrivent à fuir la ville mais en emportant avec eux le terrible bacille.
En accostant à Marseille le 1er novembre 1347, ils vont ouvrir au fléau les portes de l'Occident.
L'épidémie se développe d'autant mieux et
plus vite que la population est épuisée. Après trois siècles d'expansion
démographique, l'Europe est saturée d'hommes que les sols peinent à nourrir.
Les disettes, famines et « chertés » se font plus
fréquentes et à ces pénuries alimentaires s'ajoute la guerre entre Français et Anglais.
Les Européens croient au début que les
miasmes de la peste se répandent par voie aérienne. Aussi n'ont-ils rien de
plus pressé, lorsque l'épidémie atteint une ville, que de fuir celle-ci.
Le poète Boccace raconte cela dans le Décaméron, son recueil de contes écrit après que
Florence a été atteinte par l'épidémie de 1347. Ce que ses contemporains
ignorent, c'est que la fuite est la pire attitude qui soit car elle a pour
effet d'accélérer la diffusion de l'épidémie.
La « Grande Peste » ou « Peste
noire » va ainsi tuer en quelques mois jusqu'à 40% de la
population de certaines régions, ressurgissant par épisodes ici ou là. En
quatre ans, 25 à 40 millions d'Européens vont en mourir. Par milliers, des
villages sont désertés. Les friches, la forêt et les bêtes sauvages regagnent
le terrain perdu au cours des deux siècles précédents qui avaient vu les
campagnes se développer et se peupler à grande vitesse...
La Chine n’est pas épargnée. La dynastie des
Yuan, fondée par les Mongols, disparaît en 1368, peu avant que meure son dernier
empereur, Toghon Teghur,
non de la peste mais de la dysenterie. Les itinéraires commerciaux reliant
l'Europe au reste du monde deviennent les grand-routes mortelles de la
transmission de la peste noire. Ils seront remplacés au siècle suivant par des
routes maritimes.
Peste
bubonique, peste pulmonaire
La peste proprement dite est de deux sortes.
On distingue :
• La peste bubonique avec des pustules qui se nécrosent et des bubons dans le
cou, des accès de fièvre, des vertiges et des délires, et néanmoins quelques
guérisons quasi-miraculeuses,
• La peste pulmonaire, occasionnée par la présence du bacille dans la salive et
entraînant une mort inéluctable dans les trois jours.
La variole, une arme de conquête ; la
syphilis, un prêté pour un rendu
Également très meurtrière, la variole a
régulièrement frappé les Eurasiens...