POPULATION – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN FAWAZ HUSSAIN- « LES KURDES AUSSI SAVENT RÊVER »
LES KURDES AUSSI SAVENT RÊVER. Roman de Fawaz Hussain. Editions Frantz Fanon, Tizi
Ouzou, 2019, 187 pages, 600 dinars
Quatre jeunes kurdes, vivant dans un pays écartelé
entre Syrie, Iran Turquie et Irak, vivant…… la tête pleine de rêves…..rêves de
liberté, de fortune et d’amour. Objectif : L’Europe et, surtout, Paris, la
ville –lumières.
On a donc Sino, de Kotiya,
au Kurdistan turc…..Grand lecteur du Prince de Machiavel, fils d’un mollah
( imam) défroqué qui tire le diable par la queue mais qui, en
« fabriquant » des amulettes, arrive à (bien ) s’en sortir et
accepte, le gamin ayant décroché son bac, de le laisser partir…..avec le secret
espoir , bien sûr , de le voir revenir au pays au volant d’une belle voiture..et, peut-être même demander en mariage une jouvencelle de la
région issue d’une famille aisée et noble.
Il y a Dara, de Taliké, au Kurdistan irakien…..Fils unique de la famille,
né le 6 mars 1975, le même jour de l’Accord d’Alger qui avait mis fin aux
hostilités entre l’Iran et l’Irak et à la révolte kurde.
Il y a Sherko, de Mahabad, au Kurdistan iranien……Né le 1er février , l’année de retour de Khomeini
en Iran après quinze ans d’exil. Il voulait mettre fin à une vue dépourvue de
sens et il aspirait à vivre heureux « non comme un poisson dans l’eau , mais plutôt comme un toutou choyé dans un
appartement somptueux de Paris »
Il y a , enfin , Rustemé Zal, né en Syrie. Marié
et père d’enfants qui le comblaient de joie….il ne supportait pas d’être privé
de ses droits civiques et d’être considéré comme un étranger sur le sol où lui
et ses ancêtres avaient vu le jour
Tous les quatre ont le même passeur (un métier
florissant avec ses rabatteurs!) et empruntent la même filière mise
en place par la même organisation
Pour tout bagages (selon les consignes strictes du
passeur !) un maillot de corps, un caleçon, une paire de chaussettes, une
chemise de rechange et une trousse contenant le strict minimum pour se raser
devant un bout de miroir cassé……et donner une apparence de propreté à son
arrivée.
Paris, enfin ! D’autres
tracasseries…administratives, surtout pour obtenir le statut de réfugié
politique……Quatre aventures humaines douloureuses, émouvantes, avec leurs
espoirs de lendemains meilleurs, de rêves inaboutis…..Quatre autres histoires
qui se croisent mais qui ne se ressemblent pas …..avec
trois échecs –des décès - et une seule réussite……celle du mieux armé (bachelier
et connaisseur de Machiavel……devenu « croque-mort », spécialisé dans
les inhumations et les rapatriements des corps de ses
compatriotes)….Moralité : l’exil n’est jamais doré pour les damnés. Il est
bien souvent mortel !
L’Auteur : Ecrivain et traducteur
kurde. Né en Syrie en 1953...... études à la Sorbonne
(1978-1992), docteur en langue et littérature française (1988). Auteur d’une
dizaine de romans en français. Traducteur du français au kurde (Camus, Saint Exupéry...) et du kurde au français (auteurs kurdophones)
Extraits : « Dans la
région, et dans tout le monde musulman, quand on se projetait dans l’avenir et
qu’on voulait augmenter ses chances de réussite, on implorait systématiquement
l’assistance du Créateur des Deux mondes et on se plaçait sous sa
protection » (pp 29-30), « Cette terre qui n’avait connu que des
dictatures violentes dispersait ses habitants aux quatre vents pour y chercher
une vie meilleure » (p 43), « Toutes les raisons étaient bonnes pour
obtenir l’asile politique et les permis de séjour et de travail. Des Egyptiens,
musulmans depuis des dizaines de générations ,
prétendaient être des chrétiens coptes qui fuyaient la terreur exercée contre
eux par les Frères musulmans. Des Mauritaniens alléguaient fuir l’esclavage que
leur imposaient les chefs religieux et les seigneurs féodaux comme si l’on
vivait encore au Moyen Âge et non au troisième millénaire !Des pères de
famille, qui avaient laissé au pays des nuées de marmots, se disaient
homosexuels et donc très mal vus dans les sociétés arabo-musulmanes » (p
105)
Avis :Un roman certes mais , à
travers lui le récit de la « harga »
kurde......une région écartelée et écrasée par les dictatures
nationalistes et des populations écrasées par la misère.....et une Europe
idéalisée pas si accueillante que ça !
Citations : « Comme le dit un
adage kurde, à la racine de chaque poil de sa barbe, il y a un démon
accroupi » (p 24), « Dans l’islam, le monde entier tournait autour du
trou de la femme et de la membrane fragile qui le couvrait. La femme aux droits
bafoués et qu’on méprisait tant dans la vie ici-bas était l’ultime récompense
dans l’au-delà, la paradis promis aux fidèles de la
foi mohammadienne était avant tout connu pour ses vierges » (p 126)