AGRICULTURE-
FORÊT- CYPRÈS DU TASSILI
© APS, samedi 29
février 2020
Remarquable
par sa résistance sous un climat hyperaride et par sa longévité dépassant les
2000 ans pour les plus vieux spécimens, le cyprès du Tassili, une espèce
endémique du Sahara central, est menacé de disparition.
En cause, les
variations climatiques qui compliquent sa régénération dans son habitat
naturel, disent les spécialistes. Découverte en 1924, cette espèce —appelée
aussi le cyprès de Duprez ou «Tarout»
en Tamashaq (langue des Touareg)—
est classée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn) parmi les 12 espèces végétales menacées d'extinction
dans le monde. Le résineux, qui peut atteindre jusqu'à 20m de haut et 12 de
circonférence, est l’unique représentant de l’endémisme du parc culturel du
Tassili N’Ajjer, classé patrimoine mondial en 1982 et réserve de biosphère en
1986.
Grâce à son
feuillage dense qui — en plus de procurer de l’ombre pour les hommes et les
bêtes— absorbe l'humidité de l'air, le cyprès s’est adapté à l’aridification
progressive du Tassili, selon les spécialistes. Cependant, le nombre réduit
d'arbres —seulement 233 individus au dernier recensement de 2001— inquiète les
scientifiques qui mettent en cause les conditions climatiques extrêmes
empêchant sa régénération dans son milieu naturel. Fatiha Abdoun,
universitaire et auteure d’une thèse de doctorat sur la répartition, le
dépérissement et la régénération du cyprès, déplore surtout un «défaut
d’entretien», parmi les facteurs de déperdition de ce conifère millénaire.
Pour elle, «une
germination par siècle à l’abri des troupeaux et des hommes serait suffisante
pour perpétuer cet arbre longévif qui a besoin d’un
apport annuel en eau de 30 mm, en plus des condensations atmosphériques».
Or, explique la
chercheure associée au projet algéro-tchèque pour la
réintroduction du cyprès dans le Tassili, la baisse des précipitations
annuelles ne dépassant pas les 20 mm dans la région de Djanet «réduit les
chances de régénération in situ» de cet arbre tassilien
qui plus que jamais «a besoin d’irrigation». Hors habitat naturel, «le recours
à des techniques de germination en laboratoire reste à ce jour la seule possibilité
de perpétuer l'espèce», affirme-t-elle à l'APS. De fait, 16 cyprès, cultivés in
vitro par des botanistes tchèques, ont été récemment réintroduits en Algérie :
11 pour être plantés dans la région d'Illizi (Tassili) et le reste des jeunes
pousses à Alger, dont deux individus au Jardin d'Essai du Hamma.
Cette opération est le fruit d'une coopération entre l’Office national du parc
du Tassili N'Ajjer et le Jardin botanique de l'université Charles de Prague
(Tchéquie).
Plan d'urgence et stations d'acclimatation
Hamida Diaf,
ingénieure à l'Ann (Agence nationale de conservation de la nature, unité de
Laghouat) pointe du doigt le «tourisme anarchique» et la main de l'homme,
«responsables» de la raréfaction du cyprès du Tassili et de l'accélération de son
dépérissement.
Son propos est
appuyé par Mme Abdoun qui préconise un
«accompagnement des excursions dans le plateau du Tassili, alliant activité
touristique et respect de la biodiversité». Pour éviter le déboisement du
cyprès —même si l'espèce utilisée comme bois combustible est d'un rendement
énergétique faible, précise-t-elle—, la spécialiste juge nécessaire la
plantation d’autres espèces à usage combustible, à l'image de l'acacia, pour
les besoins domestiques des nomades du Tassili. Et pour mettre à l'abri les
derniers individus survivants et prendre en charge la multiplication du cyprès
du Tassili, elle recommande un plan d'urgence, dédié à la régénération de
l'espèce «par des procédés scientifiques et techniques avérés».
A propos de la
régénération ex situ, l’ingénieure de l'Ann insiste sur la création de stations
d'acclimatation et de suivi des espèces en difficulté, à l'exemple du cyprès du
Tassili, du pistachier de l'Atlas, du sapin de Numidie et du cèdre de l'Atlas.
Même souci pour le directeur général du Jardin d’Essai d'El Hamma,
Abdelkrim Boulahia, qui fait savoir que son
établissement reste dépourvu d’un laboratoire de reproduction in vitro, alors
même que l'inventaire et la préservation de la flore algérienne entrent dans
ses missions scientifiques.
Avec le sapin de
Numidie, l’autre conifère à caractère endémique, le cyprès du Tassili a pour
seule patrie l’Algérie.