ENVIRONNEMENT – CLIMAT-
TRADITION – ANZAR
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Aps, février 2020
Après plusieurs années d'éclipse, la
tradition ancestrale amazigh «Anzar» a fait son grand
retour ces derniers jours (février 2020) dans les villages de Bouira, où les populations locales ressuscitent ce rite
mythologique dans l’espoir d’obtenir la pluie en cette période de sécheresse de
plus en plus inquiétante. Le retour de cette tradition dans les villages
berbérophones à Bouira est un fait marquant cette
année, qui coïncide avec une période de sécheresse préoccupante pour les
paysans d’Aguouillal, Semmache
(El Adjiba), Aqemqoum
(El-Asnam), Ath Chaib (Bechloul).
«L’absence de pluie nous préoccupe profondément.
Sans l’eau, l’agriculture est morte, nous sommes en hiver mais il n’y a
toujours pas de pluie», s’est inquiété Si Mouh, un
sage du village d’Aguouillal. Selon la définition que
lui a été attribuée par des historiens et les spécialistes comme, Gabriel
Camps, dans l’«Encyclopédie berbère», ‘Anzar’ est
considéré comme un élément bienfaisant, qui renforce la végétation, donne la
récolte et assure le croît du troupeau. Selon les études de ce spécialiste, Anzar est célébré dans toute l’Afrique du Nord, mais avec
des variantes locales. Pour obtenir la pluie dans cette période de vaches
maigres, les habitants de plusieurs villages à Bouira-est
ont eu recours ces derniers jours au recours à cette tradition. Vendredi
dernier, les habitants du village montagneux d’Aguouillal,
village connu pour son passé révolutionnaire glorieux, hommes, femmes et
enfants, étaient tous mobilisés pour organisé et célébré cette fête avec
la préparation de repas traditionnels et d’un repas collectif. Revisité aussi
dans d’autres villages d’El Adjiba, il y a quelques
jours, «Anzar se pratiquait, autrefois, dans toute la
Kabylie au moment de la sécheresse. Le rite consiste à déguiser une louche en
mariée, habillée d’une robe kabyle avec (une fouta),
un foulard à la tête, un écusson en argent sur le front et un collier pendu au
cou», a expliqué Na Ouardia, une des vieille du village.L’initiative a été prise par les vieilles femmes
qui voulaient revivre l’ambiance d’antan. Munie de la louche déguisée en
mariée, suivie par une marée de femme et enfants,
Na Ouardia a fait du
porte à porte pour demander de la nourriture, notamment de la semoule, de
l’huile, du sel, du sucre, du café tout en chantonnant en chœur, dans une
ambiance festive, «Anzar, anzar,
a Rebbi Essew-itt ar azar.
Anzar, anzar a Rebbi erz-ed
aghourar» (Anzar, anzar, Dieu arrose-là jusqu’à la racine! Anzar, anzar, Dieu met fin à la
sécheresse). Une fois les provisions amassées, le cortège s’est rendu au lieu
de la fête, où des crêpes, des beignets, du café et du thé ont été
préparés. Tout le monde est convié à ce festin. Un climat de joie festive
et de solidarité régnait sur les lieux. Le bruit né des cris des enfants est
entendu de loin. Les notables, les fidèles et tous les citoyens du village se
sont regroupés autour du repas collectif (du couscous au poulet) en guise de
solidarité et de fête avant de procéder à une prière collective pour demander
de la pluie et prier le Tout puissant pour qu’il mette un terme à la sécheresse
qui menace leur agriculture. «Cette fête est une tradition héritée de nos
ancêtres amazighs dont l’objectif est de nous solidariser pour prier Dieu afin
qu’il nous donne de la pluie», a expliqué pour sa part, Mohammed, un sage du
village.
«Cette tradition est en voie de disparition.
Nous sommes en train de la revivre ces jours-ci car tout le monde a peur en
cette période de sécheresse», a confié à l’APS Na Ouardia.
A propos de cette légende mythologique berbère,
le président de l’Académie algérienne de la langue amazighe (AALA), Mohamed Djellaoui, a expliqué que la ressuscitation de cette
tradition «entre dans le cadre de l’éveil culturel ancestral amazigh». «Il
s’agit d’un retour aux origines historiques et civilisationnelles»,
a souligné M. Djellaoui dans une déclaration à l’APS.
M. Djellaoui, qui est
également directeur du laboratoire des études littéraires linguistiques et
didactiques amazighes à l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira, a ajouté que ce rite est célébré par les
populations pour prier naïvement afin d'obtenir la pluie, ajoutant que cette
tradition est un patrimoine culturel historique amazigh.