COMMUNICATION- PERSONNALITES – BOURGES
HERVÉ
©
Amira Soltane/Ecran libre/
L’Expression, jeudi 27/2/2020
«Je n’étais ni un traître ni un
barbouze. J’étais simplement quelqu’un qui essayait de rendre service à
l’Algérie et de donner une image de la France qui soit convenable.» Hervé Bourges
La disparition d’Hervé Bourges (dimanche 23 février 2020 à Paris) , figure du monde des médias français et P-DG de RFI, TF1
et de France Télévisions, à l’âge de 86 ans, a été accueillie avec une grande
tristesse par les Algériens. Hervé Bourges est surtout un militant
anticolonialiste du temps de la guerre d’Algérie, un amoureux de l’Afrique et
un fervent défenseur de la francophonie. Personnage inclassable aux multiples
facettes, journaliste (note :
il fut fondateur et directeur d’une Ecole de journalisme en Afrique francophone) , patron successif des chaînes de télévision TF1, France 2
et France 3, et de radio (RFI), Hervé Bourges avait été à la tête du conseil
supérieur de l’audiovisuel (CSA) de 1995 à 2001. En 1963, il fut le premier
conseiller du premier président algérien Ahmed Ben Bella. Après sa chute, en
1965, Hervé Bourges choisit de rester en Algérie comme conseiller du ministre
de l’Information, Bachir Boumaza (note : où il
essaya de créer un Centre de formation des journalistes, l’Ensj
alors existante ne suffisant pas mais le projet ne vit pas le jour) , ce qui
lui a valu d’être arrêté (note :
par la suite, Bachir Boumaza ayant choisi l’opposition
et l’exil) et emprisonné dans les geôles
algériennes, il ne devra sa libération qu’à l’intervention conjuguée du
cardinal Duval à Alger et, à Paris, du jeune Jacques Chirac, alors conseiller
du Premier ministre, Georges Pompidou. Accusé de traîtrise par les nostalgiques
de l’Algérie française ou, au contraire, d’être un barbouze infiltré par les
Français, Hervé Bourges répondra bien plus tard :
« Je n’étais ni l’un ni l’autre. J’étais simplement quelqu’un qui essayait de
rendre service à l’Algérie et de donner une image de la France qui soit
convenable. » Fin observateur du monde politico-médiatique, il est l’auteur de
plusieurs ouvrages consacrés au tiers-monde (Les 50 Afrique, en collaboration
avec le journaliste Claude Wauthier, 1979) ou à son
expérience audiovisuelle (Une chaîne sur les bras, 1987, La télévision du
public, 1993), d’ouvrages autobiographiques également : De mémoire d’éléphant
sur l’Algérie et, en 2016, J’ai trop peu de temps à vivre pour perdre ce peu ;
Abécédaire intime. Il avait signé en 2012 un dernier documentaire, «L’Algérie à
l’épreuve du pouvoir», avec le réalisateur Jérôme Sesquin.
Mais le plus grand travail que l’Algérie attendait, c’est de transmettre son
savoir-faire pour l’ouverture audiovisuelle algérienne. Hervé Bourges était
venu en Algérie en 2003 pour justement aider le pays à trouver une ouverture
sérieuse pour développer son audiovisuel. C’est notamment lui qui conseilla le
ministre de la Communication de l’époque Bélaïd Mohand Oussaïd, les services de
Rachid Arhab. Ex-membre du CSA et fin connaisseur de
l’audiovisuel français et arabe, Bourges qui était à la fois à la francophonie
et dans l’audiovisuel était un homme très occupé. Un personnage caractériel
qu’on surnommait à Alger le «Abdou B Français», en raison des similitudes dans
le physique, mais aussi dans le caractère et la passion pour le cinéma et la
télévision.