COMMUNICATION-
GOUVERNEMENT- INTERVIEW PRESIDENT A. TEBBOUNE/RUSSIA TODAY ARABIC, VENDREDI
21/2/2020
Lors d’une entrevue accordée à la chaîne de télévision Russia Today Arabic
diffusée vendredi, M. Tebboune a déclaré : «Nous souhaitons hisser nos
relations avec la Russie, qui est quasiment un pays frère et non ami seulement,
au niveau de l’entente politique et de la similitude des principes de
libération», ajoutant vouloir voir ces liens franchir une nouvelle étape «pour
le renforcement des relations économiques et culturelles avec ce pays auquel
nous vouons estime et respect».
Dans ce sillage, le Président de la République a indiqué que l’Algérie était
honorée de tisser des liens étroits avec la Russie, pays au legs historique et
culturel, qui soient à la hauteur du rapprochement politique et de la
convergence des vues entre les deux pays. «L’Algérie n’a et n’aura aucun
problème avec la Russie, vu que nous partageons les mêmes principes», a-t-il
soutenu.
Dans le cadre des démarches communes visant le renforcement des relations
bilatérales, le Président Tebboune a indiqué avoir reçu une invitation de son
homologue Vladimir Poutine, pour une visite en Russie, ajoutant que cette
visite, qui le «réjouit», a dû être ajournée en raison de son agenda «chargé».
A une question sur le retour de la diplomatie algérienne au-devant de la scène
internationale, à la faveur d’une intense activité, M. Tebboune a affirmé que
l’Algérie, «par sa crédibilité et son intégrité», est «apte à jouer le rôle de
médiateur» et «sa démarche est désintéressée car procédant des principes de sa
Glorieuse Révolution du 1er Novembre», rappelant «la grande expérience de
l’Algérie dans ce domaine, notamment en matière de médiation et ce depuis
l’indépendance». «Le retour de la diplomatie algérienne est une revendication
populaire, issue de la profonde conviction des Algériens aux vertus de l’unité,
particulièrement lorsqu’il s’agit de nos frères (...). Il nous est difficile de
voir un peuple arabe souffrir et de ne pas agir.
Le cas est le même pour des peuples non arabes, la diplomatie algérienne est
connue pour son rôle dans plusieurs questions à travers le monde (Timor
Oriental, Sao Tomé et Principe, l’apartheid en Afrique du Sud, la question
palestinienne, le Sahara occidental ainsi que le dossier libyen), a-t-il
souligné. Pour le dossier libyen, le Président Tebboune a estimé que «les
démarches de l’Algérie pour le règlement de la crise dans ce pays frère
obéissent certes aux dénominateurs communs entre les deux pays et peuples,
algérien et libyen, comme la langue, la religion et le voisinage mais surtout à
un devoir de reconnaissance ‘inoubliable’ pour le peuple algérien à l’égard du
peuple libyen à savoir son soutien à notre guerre de Libération nationale».
Quant aux nombreuses visites de responsables étrangers en Algérie, le Président
Tebboune, a précisé que l’Algérie, partant de son principe de non alignement,
veillait à «observer l’équidistance vis-à-vis de tous les protagonistes et tous
les intervenants dans n’importe quelle question», assurant que «quand on veut
jouer un rôle de médiateur, on doit faire attention à ne pas prendre partie».
Soulignant que tous les intervenants dans le dossier libyen «sont des pays
frères et amis, que ce soit l’Egypte, les Emirats arabes unis, la Turquie ou la
Russie», M. Tebboune a soutenu que «la voix de l’Algérie peut, ainsi, être
écoutée, d’autant que son seul souci est de stopper l’effusion de sang dans ce
pays frère et mettre un terme à la tragédie que vivent les Libyens, sans
aucunes visées politiques, économiques ou expansionnistes».
Concernant la Turquie, le président de la République a déclaré : «nous avons
avec ce pays de solides relations séculaires, et nos relations se poursuivent»,
cependant, a-t-il insisté, «l’Algérie ne peut être impliquée dans une politique
qu’elle n’aura pas choisie. Notre politique, c’est nous qui la choisissons et
ne peut nous être imposée», a-t-il ajouté.
S’agissant de la visite prévue de l’Emir de Qatar, le Président de la
République a indiqué que «l’Emir du Qatar est un frère qui est le bienvenu»,
précisant que «nous n’attendons aucune contrepartie ni des frères qataris,
émiratis, saoudiens, égyptiens ni même d’autres pays amis».
Dans le même contexte, M. Tebboune a fait savoir qu’il voulait effectuer une
visite en Arabie saoudite, «mais mon agenda interne chargé avec l’ouverture de
plusieurs chantiers m’a amené à reporter la visite à ce pays auquel nous vouons
fraternité et considération», a-t-il expliqué.
Concernant les relations avec le Maroc et la possibilité d’ouverture des
frontières, le président de la République a affirmé que «pour qu’un mal
disparaisse, il faudrait que ses causes le soient», soutenant qu’«aucun
reproche ne peut être fait à l’Algérie pour une insulte au Maroc ou à son
peuple...» «Le peuple algérien voue des sentiments d’estime et de fraternité à
son frère marocain...», a-t-il ajouté, relevant la réciprocité du peuple
marocain comme l’a démontrée l’ambiance de joie partagée dans plusieurs villes
marocaines lorsque l’Algérie a remporté la dernière Coupe d’Afrique, organisée
en Egypte.
Quant aux frontières avec le Maroc, le Président Tebboune a dit que leur
fermeture avait été «une réaction», précisant que cette fermeture «pour une
deuxième fois, avait été plus douloureuse que lors de la première».
Dans ce cadre, il a rappelé la rencontre tripartite qui a réuni le défunt
président Chadli Bendjedid et les Rois Fahd Ben Abdelaziz et Hassan II avant la
réouverture pour la deuxième des frontières, lors de laquelle le Président
Chadli avait déclaré : «Je crains la fermeture, une autre fois, des frontières
qui serait très douloureuse pour les relations bilatérales».
Dès lors, a poursuivi le Président Tebboune, il a été convenu de laisser le
dossier du Sahara Occidental entre les mains des Nations unies et de
l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) (UA actuellement), avec le
rétablissement des relations de fraternité et des échanges commerciaux». La
décision de fermeture des frontières intervenait dans «une conjoncture qui nous
était très défavorable et éminemment critique pour nous accuser de terrorisme
et imposer le visa aux Algériens, d’autant qu’à ce moment un pays européen
cataloguait tous les Algériens de ‘’terroristes’’ et avait fermé son espace aérien
à l’Algérie (...)», a-t-il souligné.
Mettant en avant la profondeur des liens entre les pays du Maghreb arabe, M.
Tebboune a estimé qu’il «est difficile de parler le même discours lorsqu’il y a
des intentions sous-jacentes. Nous, nous sommes clairs et notre pays est très
lisible dans sa politique».
Dans ce contexte, le Président a conclu en souhaitant «voir la situation, avec
le Maroc pour lequel nous n’avons aucune animosité, aplanie loin de toute
manœuvre ou tentative d’isolement de l’autre...».
Cause palestinienne: «le Deal du siècle» voué à l’échec
Concernant la position de l’Algérie au sujet de ce qui a été qualifié de ‘’Deal
du siècle’’, le président de la République a rappelé que «la position de
l’Algérie vis-à-vis de la Cause palestinienne, est une position de principe
immuable», exhortant les Palestiniens à la réunification des rangs pour sortir
de «la situation de division et de dispersion» que vit la Palestine et même les
pays arabes.
Se disant «convaincu» que ce deal «ne pourra aboutir, car non fondé sur des
bases logiques, historiques ou éthiques, ni même sur les principes du droit
international», M. Tebboune a déclaré que ce plan «est voué logiquement à
l’échec» et que l’Etat palestinien «sera inéluctablement instauré».
Pour ce qui est du rôle que peut jouer l’Algérie, le président de la République
a indiqué que les Etats-Unis «sont un pays ami avec lequel nous n’avons jamais
eu de problème. La voix de l’Algérie est la voix du droit. «Il est question-là,
de l’histoire d’une nation et n’ont d’une transaction commerciale», a-t-il
soutenu.
Affirmant qu’un «peuple entier ne peut pas être rayé comme ça de la carte», il
a rappelé «les voix qui s’élèvent contre ce Deal au sein du Congrès américain
et de l’Union européenne (UE), outre son rejet par les Etats issus des
Mouvements de libération et même par une grande partie de la société
israélienne, ce qui confirme que son sort c’est l’échec», a-t-il déclaré. «Il
faut aller vers un Etat palestinien indépendant aux frontières de 1967 avec El
Qods Echarif pour capitale», a soutenu le président de la République.
Pour ce qui est de la Syrie, M. Tebboune a réaffirmé
que l’Algérie, fidèle à ses principes, «ne peut accepter aucune atteinte à un
pays arabe», rappelant que «la Syrie est l’un des pays fondateurs de la Ligue
arabe et un pays séculaire, dont l’effondrement ne nous est jamais venu à
l’esprit».
Ce qui a affaibli la Syrie au niveau international», a-t-il expliqué, «c’est
d’être le seul pays à n’avoir jamais envisagé la normalisation (avec Israël) et
d’être un Etat de front, une position qui a sous-tendu, des années durant, sa
politique, son économie et ses institutions, d’où un rétrécissement de l’espace
démocratique et des libertés».
Référendum sur la Constitution : avant la fin de l’année
Concernant le calendrier des réformes politiques en Algérie, le Président
Tebboune a affirmé que «le chantier de la révision constitutionnelle sera
achevé au plus tard d’ici le début de l’été, et, avant la fin de l’année, nous
aurons terminé avec la Constitution et le Code électoral pour parvenir, ainsi,
aux élections législatives et locales».
Pour ce qui est des appels à la dissolution du Parlement et à l’organisation de
législatives anticipées avant l’amendement de la Constitution, M. Tebboune a
expliqué que «la logique dans la construction d’une maison, voudrait que l’on
commence par les fondations».
La Constitution, a-t-il dit, est «le fondement de tout Etat et il n’est pas
normal de commencer par des élections avant de définir le rôle des élus et la
question du contrôle».
«Les mêmes raisons produisant les mêmes effets, la dissolution du Parlement et
l’organisation d’élections législatives conduira au même résultat, car l’argent
sale continue à circuler et le trafic d’influence existe encore».
«Une fois réglementés tous ces aspects juridiques et criminalisées certaines
pratiques, nous pourrons aller vers un Parlement dont la majorité des membres
seront des jeunes intellectuels ayant suffisamment d’autorité morale pour
agir», a-t-il poursuivi. En réponse à une question sur le Hirak populaire
que vit le pays depuis une année, le président de la République a affirmé
«avoir qualifié le Hirak de ‘béni’ en connaissance de cause», précisant que
«l’Etat algérien a frôlé l’effondrement et la disparition de ses institutions
et cela s’inscrivait dans le cadre de l’agenda de ceux qui voulaient faire de
l’Algérie une autre Syrie, une autre Libye ou un autre Irak». Par
ailleurs, M. Tebboune a indiqué que «le Hirak a sauvé l’Etat algérien également
des dérives autocratiques et des velléités de perduration de la tragédie
politique que vivait l’Algérie». Après avoir rappelé le rôle du peuple algérien
dans toutes les étapes phares de l’Histoire du pays, notamment durant la Guerre
de libération nationale, M. Tebboune a souligné que «par ce Hirak, le peuple
algérien a montré qu’il était un peuple pacifique, cultivé et politisé et qu’il
n’était nullement violent ou terroriste comme le prétendaient même certains
frères».
Les Algériens, a-t-il poursuivi, «ont donné ainsi des leçons au monde,
notamment quant au caractère républicain de l’Armée nationale populaire (ANP),
laquelle a démontré par son patriotisme qu’elle était la digne héritière de
l’Armée de libération nationale (ALN)», rappelant à ce propos qu’«aucune goutte
de sang n’a été versée». «En barrant la route au cinquième mandat et au
prolongement du quatrième, le Hirak a fait tomber les têtes qui ont mené le
pays à cette situation et conduit à la poursuite de tous ceux qui exploitaient
l’économie nationale à des fins personnelles et qui sont aujourd’hui en
prison», a-t-il ajouté dans ce sens. Concernant le reste des revendications du
Hirak, le Président Tebboune a précisé qu’il s’agit «maintenant de revoir le
mode de gouvernance du pays, de garantir la plus large marge possible de libertés
et d’instaurer l’équilibre entre les institutions pour éviter la domination de
l’une ou l’autre, et partant, se prémunir contre tout dérapage vers
l’autocratie et l’autoritarisme». S’agissant des citoyens qui continuent
d’investir la rue chaque vendredi, le président Tebboune a déclaré :
«personnellement, je n’y vois aucun inconvénient, c’est leur droit et c’est ça
la démocratie». «La seule crainte, c’est les dérapages résultant de
l’infiltration des rangs du peuple, même s’il en est conscient», a-t-il ajouté.
Edifier une économie propre, créatrice de richesses et d’emplois
Au volet économique, le Président Tebboune a affirmé que l’Algérie aspirait,
sous son mandat, «à l’édification d’une économie propre et intègre, dont la
principale finalité est la création de richesse et d’emplois et le traitement
de la tragédie sociale infligée au citoyen».
«Il est impératif de sortir de la dépendance à la rente pétrolière et
d’aller à la quête d’autres ressources afin d’asseoir une économie qui n’est
pas axée sur l’importation mais fondée sur des bases logiques et nationalistes,
une économie profitant au pays et au citoyen et non à un clan d’oligarques»,
a-t-il insisté.
Concernant le gaz de schiste, le Président de la République a rappelé que cette
question «a été instrumentalisée pour susciter la colère». «Je n’ai jamais dit
que nous allions exploiter le gaz de schiste», a-t-il précisé, soulignant
«avoir simplement relevé, chiffres à l’appui, que le développement et la
croissance de l’Algérie nous ont amenés à consommer la moitié de notre
production gazière».
Et d’affirmer «la décision est subordonnée aux conclusions des experts, c’est
eux les spécialistes».
Dans ce contexte, M. Tebboune a déclaré que l’Algérie avait des trésors de
ressources, dont la plupart non connus, mettant en avant «l’agriculture aussi
bien dans le Nord que dans le Sud du pays». L’agriculture saharienne, a-t-il
relevé «n’est pas assez exploitée en dépit de l’existence d’eaux souterraines
estimées à 15.000 milliards de m3, parfois à moins de 50 m de profondeur, sans
parler des grandes étendues de terres». «Avec peu des moyens techniques,
l’agriculture algérienne a pu produire, fin 2018, l’équivalent de 18 milliards
USD», a-t-il poursuivi, évoquant «le potentiel humain important avec la sortie,
chaque année, de 200.000 étudiants des universités algériennes».
Concernant le sujet de la devise, M. Tebboune a réaffirmé d’abord qu’une fois
la situation économique améliorée», il «augmentera la valeur de l’allocation
touristique pour préserver la dignité des Algériens». Le marché parallèle de la
devise servait «la contrebande», «d’où l’impératif de construire une économie
propre et transparente avec une industrie réelle et non factice, une économie
qui apporte des solutions au pays», a-t-il ajouté. M. Tebboune a mis en avant,
dans le même ordre d’idée, l’importance de promouvoir le tourisme, de libérer
l’initiative et de faciliter l’accès des jeunes aux crédits.
Interrogé sur ses impressions au sujet du film documentaire sur «les zones
d’ombre», projeté devant les walis lors de leur dernière rencontre avec le
Gouvernement, le président de la République a indiqué que «ces images sont
réelles et je les connaissais de par mon expérience en tant que responsable
local, des années durant». «Le plus triste est que personne ne s’est intéressé
à la souffrance de ces citoyens et que tous étaient focalisés sur
l’embellissement des villes», a-t-il déploré.
A ce propos, le Président Tebboune a fait état de l’importance qu’il attachait
au monde rural pour plusieurs raisons, notamment historiques, rappelant «les
affres endurées par les populations rurales durant le colonialisme et même
durant la période du terrorisme avec 70% des victimes».