COMMUNICATION-
GOUVERNEMENT- ENTRETIEN PRESIDENT A.TEBBOUNE/LE FIGARO,20/2/2020
© Synthèse
El Watan/ Nadjia Bouzeghrane
Dans une interview au Figaro publiée jeudi, et dont nous reproduisons des extraits, Abdelmadjid Tebboune affirme être «décidé à aller loin dans le changement radical pour rompre avec les
mauvaises pratiques, moraliser la vie politique et changer de mode de
gouvernance».
Sur le hirak
et les manifestations qui continuent, le chef de l’Etat algérien affirme
que «bien qu’il y ait encore, tous les vendredis, une présence
citoyenne dans la rue, les choses commencent à s’apaiser. De nombreux Algériens
ont compris qu’on ne peut pas réformer, réparer, restaurer ce qui a été détruit
pendant une décennie en deux mois…»
Il estime que «le hirak a obtenu pratiquement tout ce qu’il voulait : il n’y
a pas eu de 5e mandat, ni de prolongation du 4e mandat,
puis le Président a démissionné. Les têtes les plus visibles de l’ancien
système sont également parties, et la lutte a été engagée contre ceux qui ont
mis l’économie à genoux. Restent les réformes politiques, j’en ai fait ma
priorité, et je suis décidé à aller loin dans le changement radical pour rompre
avec les mauvaises pratiques, moraliser la vie politique, et changer de mode de
gouvernance».
Sur la revendication du hirak d’un «Etat civil, non militaire» et
sur le véritable rôle de l’armée, Abdelmadjid Tebboune
estime que «ce slogan date du 19 juin 1965 ! L’armée accomplit ses missions
constitutionnelles, elle ne s’occupe ni de politique, ni d’investissement, ni
d’économie. Elle est là pour sauvegarder l’unité nationale, protéger la
Constitution et les Algériens contre toute infiltration terroriste et toute
tentative de déstabilisation du pays. Vous ne trouverez aucune trace de son
immixtion dans la vie du citoyen, si ce n’est lors du service national».
Sur la «mafia
politico-financière» et sa neutralisation, «la corruption et
l’accumulation de l’argent sale ne s’effacent pas avec du correcteur. La tête
de la mafia a été coupée mais pas le corps».
«Nos maux viennent de l’importation débridée»
…«L’Algérie est vue par ses
partenaires comme un grand marché de consommation. Nos maux viennent de
l’importation débridée, génératrice de surfacturation, une des sources de la
corruption favorisée par de nombreux pays européens, où se faisait la
bancarisation, la surfacturation, les investissements de l’argent
transféré illicitement. Cela a tué la production nationale. Nous allons par
exemple arrêter l’importation de kits automobiles. L’usine Renault qui est ici
n’a rien à voir avec celle qui est installée au Maroc. Comment créer des
emplois alors qu’il n’y a aucune intégration, aucune sous-traitance ?»
L’article 51 qui empêche les
binationaux d’accéder aux hautes fonctions de l’Etat «va être
changé». «L’immigration d’origine algérienne à l’étranger a toute sa place
ici, et nous œuvrons pour qu’il n’y ait plus de séparation entre les citoyens
émigrés et ceux qui sont restés au pays. Ils ont les mêmes droits et possibilités.
Qu’ils soient momentanément ou définitivement à l’étranger, leur pays d’origine
demeure l’Algérie, et ils y sont les bienvenus.» Un
bémol toutefois. «Certains postes, ultrasensibles, qui touchent à la sécurité
nationale, ne peuvent pas être ouverts à n’importe qui. C’est une pratique
mondiale.»
Sur le travail de mémoire sur
l’occupation coloniale française de l’Algérie que le président Macron veut entreprendre, le président Tebboune
indique : «J’ai eu quelques contacts avec le président Macron,
et je sais qu’il est honnête intellectuellement, qu’il n’a aucun lien avec la
colonisation. Il essaye de régler ce problème qui empoisonne les relations
entre nos deux pays. Parfois il est incompris, et parfois il fait l’objet
d’attaques virulentes de la part de lobbies très puissants… Notre indépendance
a presque 60 ans. Il est quand même bizarre que l’Algérie revienne encore dans
presque toutes les actualités politiques françaises ! Et quand on en arrive à
écrire une loi qui glorifie la colonisation, on est loin de ce que nous
attendons.» «Nous sommes pour des relations sereines avec la France, fondées
sur un respect mutuel. A un certain moment, il faut regarder la vérité en face.
Un premier pas est de reconnaître ce qui a été fait, le deuxième pas est de le
condamner. Il faut du courage en politique. Mais il y a un autre lobby, dont
toute la politique repose sur l’endiguement de l’Algérie, et qui est présent en
France. C’est un lobby, aux accointances économiques et sociales, qui a peur de
l’Algérie.» Vis-à-vis de la France, «de notre
côté, il n’y a pas de rancœur. Il y a des réactions aux actions de haine, de
xénophobie et d’islamophobie qui se manifestent de l’autre côté. C’est ce que
j’ai expliqué à M. Macron. Les Algériens ne veulent
pas que l’on s’occupe de leurs affaires.»