CULTURE- CINÉMA- RENÉ
VAUTIER
Un homme de conviction, engagé en faveur des causes justes, pour le respect
de l’humain, quitte ce monde, sans avoir abdiqué ni marchandé quoi que ce
soit.
Il laisse une riche filmographie, une œuvre majeure, où se mêlent
politique, cinéma et vie. Ses films sont les jalons de tous les fronts de lutte
essentiels durant ces dernières décennies. Anticolonialiste farouche, il
stigmatisa cette plaie dans « Afrique 50 », ce qui ne lui évitera
pas de subir les foudres de l’administration française.
Cinéaste rebelle et prolifique, il connaitra l’emprisonnement, la censure,
les grèves de la faim, mais aussi de nombreux prix qui vont émailler un
parcours singulier. Sa caméra est constamment présente sur tous les fronts. De
la lutte de libération nationale menée en Algérie par le FLN et l’ALN, aux
luttes sociales, des essais nucléaires dans le Pacifique, à la marée noire de
l’Amoco Cadiz, René Vautier filme sans relâche,
dénonce sans complaisance ni dolorisme, s’efforçant de laisser s’exprimer les
acteurs impliqués dans des combats pour la dignité.
Ce grand ami de l’Algérie naquit le 15 janvier 1928 dans le Finistère. Il
s’engage très jeune dans la lutte antinazie, dans le maquis français, pendant
la seconde guerre mondiale. A la fin des hostilités, il passe le concours de
l’IDHEC pour militer en Afrique, notamment en Algérie, en Côte d’Ivoire, au
Sénégal…, sans oublier la Bretagne. Entre 1961 et 1965, il est le
directeur du centre audiovisuel d’Alger, et il formera la première génération
de cinéastes algériens. Il créera les fameux ciné-pops, ou association
populaire de culture citoyenne par le film, qui est une préfiguration de ce qui
adviendra plus tard la cinémathèque algérienne. Caméra au poing, René Vautier témoigne sur la condition ouvrière dans «Un homme
est mort» ou «Quand tu disais Valery», un film où il retrace la longue grève
des travailleurs de l’usine de fabrication de caravanes à Trignac, un
document classé meilleur film français au festival de Rotterdam, en 1975. Bête
noire du colonialisme, il réalise «Une nation, l’Algérie», une histoire de la
conquête de notre pays. René Vautier est poursuivi
pour atteinte à la sûreté de l’Etat et condamné pour avoir prononcé que
«l’Algérie sera de toute façon indépendante». Il réalise encore «Algérie en
flammes», «Un peuple en marche», «Avoir 20 ans dans les Aurès». Il combattit le
racisme et l’extrême droite en France, l’Apartheid en Afrique du sud, s’élève
contre les dégâts de la pollution, les explosions atomiques, la torture en
Algérie durant la guerre de libération, en citant le cas de Hadj Boukhalfa, torturé par l’officier parachutiste Jean Marie Lepen. Ce document sera utilisé pour défendre «le Canard
enchainé» lors du procès que lui a intenté Lepen, la
condition de la femme…
Difficile de retracer de manière exhaustive tout le travail de ce cinéaste
hors pair que lui ont consacré nombre de ses collègues, des films en hommage à
sa stature, comme par exemple «René Vautier,
l’indomptable», « René Vautier, l’homme de paix»,
«René Vautier, franc-tireur »… L’homme n’est
plus, mais ses films restent. On aurait souhaité que la cinémathèque
algérienne lui consacre un cycle ou une rétrospective qui illustre, un tant
soit peu, des facettes de sa passionnante et féconde œuvre. Ce sera une
occasion précieuse de montrer au public les films de ce que fut cet homme
généreux, ce réalisateur infatigable. Ce serait lui rendre justice que de
les donner à voir et à revoir. C’est une reconnaissance louable de sa contribution
à la défense de la condition humaine, à sa mémoire et à ses engagements
pluriels.