FINANCES- ETUDES ET ANALYSES- CORRUPTION REGION MENA- ETUDE ARAB
BAROMETER
Rendu public
il y a quelques semaines et publié par Voix arabes via un blog de la Banque
mondiale, un sondage de l’Arab Barometer
révèle (début février 2020) , de manière très éloquente, la portée
atteinte par ce mal qui mine dans tous les sens la vie publique dans 11 pays
dont l’Algérie, de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (Mena) : la
corruption.
Source d’information intarissable depuis 2006, lorsqu’il a engagé ses enquêtes
en partenariat avec les Universités du Michigan et Princeton, pour aboutir à
des données scientifiquement viables concernant 14 pays de la région Mena, le
Baromètre arabe, à travers un blog de la Banque mondiale, a rendu publics, il y
a quelques semaines, les résultats d’un sondage sur la perception qu’ont de la
corruption les citoyens de 11 pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Des
résultats on ne peut plus parlants qui interpellent au plus haut degré les
autorités de ces pays, dont l’Algérie. Notre pays, comme l’illustrent les
nombreux procès ouverts ou en voie de l’être, tient une place tout en haut de
la hiérarchie dont, évidemment, on se serait volontiers passé.
« Une même doléance revient constamment dans les slogans qui résonnent à
travers les récentes manifestations dans le monde, et en particulier dans le
monde arabe : la corruption », note la publication dans son exergue avant de
détailler les résultats de l’enquête qui révèlent que dans l’ensemble de la
région Mena, les populations sondées affirment que l'ampleur de la corruption
dans les institutions publiques est importante ou moyenne et est passée de 78%
en 2010 à 84% en 2019. Cette augmentation est particulièrement marquée en
Tunisie et en Jordanie. La corruption était perçue lorsque le sondage a été
mené, en 2019, comme l'un des problèmes les plus importants, juste après
devancée seulement par la situation économique. Pour 17% de la population
arabe, cependant, la corruption arrive en première position des problèmes les
plus graves pour leur pays, et pour 19% au deuxième rang. En Iraq et au Koweït,
la corruption est considérée comme un problème plus urgent que l'économie : 32%
des Iraquiens et 42% des Koweïtiens estiment qu'il s'agit du problème
principal, est-il encore révélé. Globalement, pour ce qui concerne les services
essentiels de la vie courante dans les 11 pays sondés, la médiocrité ou
l'absence totale de services de base sont considérées parmi les conséquences
ayant induit la corruption. 42% des citoyens de ces 11 pays se disent
satisfaits du système éducatif de leur pays et une proportion équivalente (42%)
pensent qu'il est nécessaire de verser une « rachwa » à un fonctionnaire pour bénéficier, par
exemple, de meilleurs services éducatifs.
Pour ce qui concerne le système de l’éducation, les Algériens se disent à 36%
satisfaits ou très satisfaits de la scolarité de leurs enfants, autant que les
Égyptiens, 36% donc, et mieux que les Tunisiens et les Marocains (29%), mais
beaucoup moins que les Palestiniens (65%) ou les Yéménites (55%). Le
pourcentage des personnes sondées qui estiment qu’il faudrait payer un
pot-de-vin pour une bonne éducation est affolant. Ainsi, en Algérie, ils sont
45%, en Tunisie 43% et au Maroc 46%, alors que le pic est atteint en Égypte où 60%
de la population affirme qu’une « rachwa »
est inévitable pour une bonne scolarité.
Pour ce qui a trait aux services de santé, les citoyens des 11 pays s’estiment
à seulement 38% satisfaits des services de santé de leur pays. Le plus frappant
au sujet des services de santé publique, le sondage révèle que 47% des
personnes interrogées dans la région Mena estiment qu'il est nécessaire de
corrompre pour obtenir de meilleurs services de santé, une proportion de la
population qui atteint 69% en Égypte et 64% au Maroc. Les Algériens sondés sont
à 32% satisfaits de leurs services de santé, mais ils sont 56% à affirmer qu’il
faudrait payer une « rachwa » pour
bénéficier des meilleurs soins. Pour nos voisins du Maghreb, ils sont
satisfaits des services de santé à 18% au Maroc et 39% en Tunisie, alors que
pour le paiement d’un pot-de-vin pour bénéficier des meilleurs services de
santé, ils sont 47% et 64% au Maroc.
Quant à l’emploi, dans le sondage d’Arab Barometer, publié par Voix arabes sur le blog de la Banque
mondiale, il est dit que les populations des 11 pays sondés en 2019 sont 18% à
penser que le gouvernement faisait du bon travail en matière de création
d'emplois. En Algérie, ils sont 11% à louer les efforts des gouvernements dans
la création d’emplois, en Tunisie ils sont 17% et au Maroc 20%. Les Libanais,
quant à eux, ils ne sont que 4% de la population à accorder du crédit aux
efforts de leurs autorités pour vaincre le chômage. Pour 83% des populations de
la région Mena, le recours à des connaissances ou un
intermédiaire (wasta) pour trouver un emploi est
considéré comme une forme de corruption. Et ils ne sont pas moins de 88% à
estimer qu’un intermédiaire est nécessaire pour trouver un emploi.
Chez nous, 88% des sondés disent qu’il faut une « maârifa »
pour se dégotter un boulot, lorsqu’ils sont 92% en Tunisie et à peine mieux
lotis au Maroc, avec 80%. Sur cette question, les pays du Moyen-Orient battent
tous les records, comme l’illustrent les 95% des populations de Jordanie et du
Liban, et les 94% de Koweïtiens. Un sondage qui, en partie, explique pourquoi
la région est souvent assimilée à une poudrière et surtout dévoile, si besoin
est, les raisons des soulèvements populaires qui secouent ces pays.