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Roman Saad Khiari- "Le fils du caid"

Date de création: 27-01-2020 18:10
Dernière mise à jour: 27-01-2020 18:10
Lu: 1050 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SAAD KHIARI- « LE FILS DU CAÏD »

LE FILS DU CAÏD. Roman de Saad Khiari. Hibr Editions, Alger 2019, 293 pages, 950 dinars

Cela commence fort  ....au Club des pins, pardi...et , déjà, on voit venir  l’auteur  avec une histoire très liée au Système ainsi qu’à l’histoire du pays . A travers  une histoire toute simple et quelque peu incroyable (chez nous, tout est possible !) .....plusieurs décennies après l‘indépendance du pays.

Voilà donc un richissime gros, très gros  « affairiste », devenu un véritable pilier du Système en place ....Pourtant fils d’un  Caïd du temps de la colonisation,  pourri jusqu’aux os (et , d’ailleurs, éliminé par un fidaï durant la guerre de libération nationale ) qui se met à « traquer » un ancien moudjahid –émigré en France-  suspecté (non, « accusé » !) d’être le meurtrier (décidément le monde à l’envers) du père. Il a même passé un « contrat » pour le descendre.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les « services » sont au courant mais ils ont les mains assez liées face au puissant oligarque. Ils se contentent de mettre au courant la future victime et de régler le problème en douce, sans trop de vagues. Le « Big Boss » lui-même a pris les choses en mains. C’est dire !

Nous assistons donc à toute une suite de rencontres et de « négociations » (au niveau le plus haut du pouvoir « réel »)  pour prouver l’innocence de l’ami et frère émigré ou, au minimum, pour dissuader le nouveau « justicier »  de renoncer à son projet criminel.

C’est, aussi et surtout , l’occasion , pour l’auteur, de décrire la nouvelle petite société des nouveaux oligarques, celle qui est devenue , peu à peu, plus puissante que le « pouvoir politique en place », grâce à son immense fortune née des « affaires » et des « amitiés » ou complicités, politiques et autres.

L’occasion, aussi, de montrer les ravages causés par  le « détournement du fleuve révolutionnaire », celui sincère ayant pris sa source en novembre 54. 

L’occasion, enfin, de décrire une société perdue, mais pas abattue....capable, un jour, de se révolter contre un système trop pourri pour durer : « Les héros de la libération du pays, alliés à une baronnie très puissante qui tient le pays sous une coupe réglée avec la bénédiction des forces étrangères. Tel est, ce moment,  le sentiment général qui a eu raison de la patience et de l’espoir d’un peuple pourtant jeune »

Cela a commencé au Club des pins, « lieu de séjour, de refuge et de villégiature de la Nomenklatura, placé sous  haute protection et figurant la plus belle trahison des promesses de la Révolution de Novembre » .....Le tsunami viendra-t-il de là-bas ?

 

L’Auteur :Cinéaste diplômé, de l’Idhec (Paris), longtemps journaliste et plusieurs ouvrages dont « Le soleil n’était pas obligé » (Hibr Editions. Prix Escale littéraire Sofitel , section coup de cœur   Alger 2018)

Extraits : « La capitale est fatiguée et n’en peut plus de vieillir à un rythme accéléré. Quand on l’a quittée depuis de nombreuses années, on a l’étrange sensation que des forces mystérieuses veulent l’enfoncer dans la mer et qu’elle s’accroche désespérément à ce qu’il lui reste de souvenirs pour résister et survivre » (p 18) »Un Algérien qui ne fume pas, qui ne chique pas, qui n’a pas pris de café, qui n’a pas assez dormi, qui s’est levé tôt et qui ne sait pas où il va parce qu’on ne lui a rien dit, c’est quelqu’un à éviter de préférence. Et si de surcroît , il a déserté le lycée, quitté ses parents, raté un caïd, reçu des ordres d’une femme, dîné de beignets froids et de pastèque tiède, c’est quelqu’un à éviter à tout prix » (p 41) , « Chez nous (Constantine)l’argent n’est pas tout. Ici quand on dit de quelqu’un qu’il est d’une grande famille, cela veut dire deux choses : grande par le nombre parce que parfois il y a de véritables tribus, ou grande par la bonne réputation, c’est-à-dire , l’érudition, la moralité, le patriotisme. Mais jamais grande par l’argent » (p 113), « On célèbre les nouveaux riches comme des héros des temps modernes.....au point que les survivants incontestés de la guerre de libération sont ringardisés au rang de pièces de musée ou de vétérans hors d’page ayant eu leurs heures de gloire et méritant tout juste d’être exposés au soleil les jours de célébrations périodiques »(p 227)

Avis : L’histoire de la collusion dévastatrice de l’argent et du pouvoir. Ambiance de thriller......et de l’humour et de la dérision à gogo. Peut-être un peu trop. Et, une écriture rapide (Pas étonnant, l’auteur ayant eu une bonne  formation de cinéaste) : toute une gymnastique de phrases et de mots, de bons mots et de jeux de mots. De temps en temps des digressions qui nous éloignent du sujet du roman. Exemple  du portrait des imams(p 157).

Ouvrage techniquement parfait....avec , en plus,  une très belle couverture signée.........Slim   

 

Citations « Il n’y a que chez nous qu’un dadais de soixante ans se dit orphelin de père, réclame des passe-droits parce que son père est mort au maquis, ou qu’un père de famille réclame des droits parce qu’il a dix enfants à nourrir. Comme si l’Etat l’avait obligé à les faire » (p 54), « Il faut dire que les Arabes aiment bien les animaux, mais chacun chez soi » (p 67),  « L’affection ou l’amour ou l’amitié , ce sont des sentiments qui se méritent parce qu’ils nécessitent le passage par des épreuves nombreuses, complexes et parfois imprévisibles » (p 281)