ENERGIE- RAFFINAGE- SONATRACH- RACHAT RAFFINERIE AUGUSTA/ITALIE
Le montant déboursé pour
l’acquisition de la raffinerie, «vieille de sept
décennies», est proche de «725
millions de dollars, semble-t-il, ce qui paraît très surpayé», a estimé
la revue Petrostrategies (janvier
2020/synthèse El Watan, dimanche 26/1/2020)
La revue
spécialisée Petrostrategies a
sévèrement critiqué le rachat par le groupe Sonatrach de
la raffinerie d’Augusta, qui appartenait à la filiale italienne d’ExxonMobil, évoquant une «gestion
hasardeuse». «S’il est un dossier emblématique de la
gestion hasardeuse – pour ne pas dire plus – que le secteur des hydrocarbures a
subie ces dernières années en Algérie, c’est bien celui de l’achat de la
raffinerie d’ExxonMobil à Augusta, en Italie, par Sonatrach», indique la revue, dirigée
par Pierre Terzian, dans son dernier numéro.
Petrostrategies a d’abord
rappelé le contexte de l’acquisition de la raffinerie fin 2018, marquée par de
vives critiques et oppositions : «Les Italiens s’étaient ‘‘étonnés’’
de la ‘‘précipitation’’ de Sonatrach à acquérir une
usine pour laquelle ExxonMobil avait en vain cherché
un acheteur depuis 2015.
En Sicile, où se trouve la
raffinerie, on évoquait, entre autres, la vétusté des installations, le
caractère déficitaire de l’usine et les sommes importantes qui devaient être
engagées pour la rendre conforme aux normes environnementales.» Et
d’ajouter : «A Alger, la presse criait au ‘‘scandale’’ et à ‘‘l’arnaque’’,
alors que le PDG de Sonatrach, au contraire, vantait
le ‘‘prix extraordinaire’’ auquel l’acquisition était faite.
En secret, les initiés la
critiquaient sévèrement et exhortaient le gouvernement à ne pas l’approuver. La
transaction est cependant allée jusqu’au bout.» Plus d’une année après
l’acquisition, Petrostrategies a fait
part de «son étonnement des logiques» qui ont
présidé à cette opération : celle «des montants en jeu», celle de «la pertinence
industrielle» et celle de «la cohésion de l’opération avec la
politique que Sonatrach suivait en matière de
raffinage».
Le montant déboursé pour
l’acquisition de cette raffinerie «vieille de sept décennies» est
proche de «725 millions de dollars, semble-t-il, ce qui paraît très surpayé», a jugé
la revue. «A cela s’ajoutent des engagements à honorer des dépenses
immédiates de mise en conformité avec les normes environnementales
(décontamination des sols), ainsi qu’une question de prise en compte de stocks
de produits qui n’appartenaient déjà plus à la raffinerie.
Au total, un coût réel qui
dépasserait très largement 1 milliard de dollars. Sans compter les
investissements de conformité environnementale à venir et les pertes
d’exploitation. Car l’usine achetée est ‘‘structurellement déficitaire’’, selon
les experts. Ce qui explique pourquoi, depuis son acquisition, Augusta n’est
maintenue à flot que moyennant des apports de fonds de Sonatrach,
sans perspective de rétablissement des comptes», a
poursuivi Petrostrategies.
De plus, Sonatrach a même dû recourir à des emprunts de 250 millions
de dollars auprès d’Apicorp pour la «maintenance» de
l’usine et pour l’achat de brut saoudien nécessaire à son opération. Outre le
montant de l’acquisition, la revue a critiqué sa «logique
industrielle».
A l’époque, les dirigeants de Sonatrach avaient mis en avant le fait que le pays
importait 3 Mt/an de produits raffinés et que l’usine en question allait
suppléer à ce déficit en traitant du brut algérien. «En somme,
une opération de façonnage de brut à l’étranger, mais qui était réglée au moyen
d’un investissement très lourd.
Le problème, c’est qu’Augusta était
conçue pour des bruts de densités moyennes et lourdes et non pour du brut léger
de la catégorie de ceux que produit l’Algérie. Il faut donc acheter ces bruts
auprès de tiers, car on ne peut pas façonner du pétrole algérien dans cette
usine. Une situation aggravée par le fait que Sonatrach
s’est engagée auprès d’ExxonMobil à ce que l’usine
d’Augusta lui fournisse un volume donné de lubrifiants pendant dix ans.
En clair, le nouvel opérateur n’est
pas libre de caler le fonctionnement des installations de l’usine sur ses
besoins propres ou ceux du marché ; le calage doit être celui qu’exige le
respect de cet engagement décennal», a relevé la revue. En dernier
point, Petrostrategies a démonté «la
logique politique» de l’opération.
«Au moment où Sonatrach négociait cette acquisition, elle avait déjà
réalisé un programme de rénovation de ses raffineries existantes et projetait
la construction d’une nouvelle raffinerie. Elle savait donc que ses besoins
d’importation de produits allaient diminuer, puis disparaître (…)»,
a-t-elle rappelé.
A ce titre, la revue s’est interrogé sur la raison qui a poussé la direction de Sonatrach et son actionnaire, l’Etat, à s’engager dans un
investissement «perdant», alors qu’«ils auraient pu pallier le déficit en important
des produits et/ou en façonnant du brut à l’étranger». «Ce façonnage
leur aurait coûté quelque 15 dollars/tonne et le transport A/R environ 12 à 13
dollars/tonne, soit au total 90 millions dollars par an au début, qui devait
diminuer avec le temps pour disparaître en 2024.
Calculée très grossièrement, une
dépense de façonnage maximale de quelque 400 à 500 millions dollars sur la
période 2019-2024, soit moins de la moitié des coûts d’acquisition auxquels
s’ajoutent les pertes d’exploitation annuelles récurrentes», lit-on
dans le compte rendu de la revue. «Que va faire Sonatrach
d’Augusta quand l’Algérie n’aura plus besoin d’importer des carburants ?
La vendre sera quasi impossible (à
moins de la brader), alors que garder cet outil (déficitaire) sur un marché
international où la demande de produits diminue tendanciellement n’aura aucun
sens économique», a conclu Petrostrategies.