COMMUNICATION- OPINIONS ET POINTS DE VUE- ENTREVUE PRESIDENT/MEDIAS
NATIONAUX (I/II)
Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune
a accordé, mercredi 22 janvier 2020, , une entrevue à
des responsables de médias nationaux publics et privés au cours de laquelle il
a évoqué plusieurs questions nationales et internationales, dont voici le texte
intégral (Aps) :
Question: Vous avez mené une série de rencontres avec des personnalités
nationales et des dirigeants de partis. Est ce que ces consultations seront
couronnées par une conférence de consensus national ou par une motion de
propositions globales sur le projet de la nouvelle République. Et est ce que
les idées de ces personnalités seront cristallisées dans le prochain amendement
constitutionnel?. Est ce que l'ancien président
Liamine Zeroual a été convié à prendre part à ces concertations ?
Réponse: Les consultations se poursuivent mais la
date de leur clôture n'est pas arrêtée. Il y a la volonté de la part de tous
les personnalités influentes sur l'opinion publique, les gens qui ont de
l'expérience et d'autres qui ont été marginalisés par le passé. L'avis de tous
sera pris en compte en ce qui concerne la méthodologie à suivre mais également
les
problèmes dont souffre le pays. Ces avis pourront entrer dans l'élaboration de
la mouture finale de la Constitution et l'occasion sera également donnée à
d'autres personnalités car la Constitution concerne certes l'ensemble de la société
mais son élaboration doit être confiée à des spécialistes en droit
constitutionnel. Un comité technique se penchera sur la cristallisation de
toutes les propositions à ce sujet.
Pour ce qui est des personnalités rencontrées, il était de mon devoir de le
faire pour briser la glace entre Algériens et écouter les gens qui ont une
expérience dans la gestion des affaires de l'Etat et qui sont aujourd'hui dans
les rangs des citoyens. Je tiens à remercier toutes les personnes avec
lesquelles je me suis entretenu et qui m'ont été très
bénéfiques.
Pour l'ancien président de la République, Liamine Zéroual, c'est un homme pour
qui j'ai beaucoup d'estime, je l'ai connu lorsqu'il était directeur de l'Ecole
militaire de Batna, c'est un pur nationaliste et d'une droiture exemplaire. Il
a des circonstances particulières pour lesquels il n'a pu faire le déplacement
à Alger mais nous avons des échanges téléphoniques et il m'encourage. Je suis
prêt à le rencontrer au siège de la Présidence ou en ce lieu de résidence, et toute
discussion avec lui ne sera que bénéfique.
Question: Monsieur le Président vous avez consulté des personnalités
nationales, est-ce que ces consultations s'inscrivent elles dans le cadre des
revendications du Hirak populaire. Les idées dégagées
de ces consultations seront-elles cristallisées dans la Constitution que vous
comptez amender?
Réponse: La réponse à cette question se recoupe un
peu avec ce que je viens de dire, mais je répondrais en rappelant que je
m'étais engagé, notamment durant la campagne électorale, à poursuivre la
satisfaction des revendications du Hirak que j'ai
qualifié de béni. Il y a des revendications qui ont été satisfaites, certaines
peuvent trouver des
réponses immédiates mais d'autres ont des horizons politiques. Je me suis engagé
à satisfaire toutes les revendications du Hirak béni,
y compris l'amendement de la Constitution et des lois, outre le changement
radical des fondements de notre démocratie en Algérie et l'édification d'une
démocratie réelle, la lutte contre l'exclusion, sous toutes ses formes, la
lutte contre la corruption et la moralisation de la société. Tout ceci
faisaient partie des revendications et je l'ai pris en compte et je
continuerais à le faire.
Et pour être franc, les personnalités que j'ai reçues, qu'elles soient du Hirak ou non, n'était pas le propos pour moi, ce qui
m'importait et m'importe c'est leur poids dans la société algérienne, en tant
que faiseurs d'opinions et elles ont toutes souligné la nécessité de mesures
d'apaisement, et tout en étant favorables à l'amendement de la Constitutions,
elles craignent, tout comme les citoyens, qu'elle soit encore une révision sur
mesure.
Personnellement, je n'ai pas de Constitution.
L'actuelle
Constitution a montré ses limites avec la crise en étant incapable d'apporter
des solutions aux problèmes de l'Algérie. Il y a des lacunes mais aussi
des clauses incomplètes. La démocratie c'est pouvoir aller loin sans
toucher à l'Etat national et ses fondements, le défendre sans remise en
cause de l'identité nationale, question que le peuple a tranché clairement
et qui est indiscutable.
Autrement,
la révision de la Constitution est impérative pour éloigner le spectre des
crises à l'avenir. Il faut savoir que plus la Constitution est claire, plus
elle saura préserver le pays en cas de crises ou de perturbations et empêcher
les dirigeants, y compris le président de la République, d'exercer le pouvoir
individuellement, et qui a toujours été
rejeté depuis de l'indépendance.
Question: Quand est ce que sera amendée la Constitution? Quand auront
lieu les élections législatives? et est ce qu'il y des
élections locales anticipées?
Réponse: Je tiens à ce que le citoyen soit bien
informé de tout le processus de révision constitutionnelle. J'ai fait appel à
des spécialistes qui ont la maitrise du langage et du contenu constitutionnels.
J'ai personnellement défini les cadres sous-tendant ce changement, revendiqué
par l'ensemble des Algériens, qu'ils soient du Hirak
ou non. Lorsque la
première mouture de la Constitution révisée sera prête, elle sera distribuée à
toutes les catégories de la société pour être enrichie. Il n'y aura pas de
débats anarchiques.
Par la suite, la Commission se réunira, une nouvelle fois, pour étudier toutes
les observations, enrichir ou apporter des changements aux propositions
initiales. Elle peut introduire 10, 15 voire 20 clauses, comme elle peut
reformuler un article donné en réponse à des revendications de citoyens
souhaitant voir le pays immuniser contre certains comportements.
Une fois la mouture finale prête, elle sera présentée aux deux chambres du
Parlement pour débat et adoption avant de la soumettre au référendum populaire.
J'ai préféré que le débat passe par le Parlement et que toutes les explications
soient données aux citoyens afin qu'ils puissent avoir une idée claire et que
le référendum soit supervisé par l'Autorité nationale indépendante des
élections (ANIE). Que le peuple cautionne ou pas ne sera nullement un problème,
nous opérerons d'autres amendements et changements jusqu'à ce que nous parviendrons
à une Constitution consensuelle.
Après toutes ces étapes, la Constitution sera soumise au référendum, ce qui
voudra dire que l'ensemble des Algériens se sont prononcé et qu'il ne s'agit
nullement d'une Constitution sur mesure pour un président, un clan ou un mode
de gouvernance. Cette Constitution marquera le début de l'étape fondamentale.
Concernant la loi électorale, elle interviendra dans une seconde étape.
Elle sera une loi rigoureuse qui criminalise l'utilisation de moyens illégaux,
qui empêche les citoyens d'être à pied d'égalité devant les urnes et qui
criminalise également l'utilisation de l'argent sale et d'autres formes de
luttes d'influence.
L'opportunité sera donné aux compétences pour postuler aux Assemblées locales
et à l'Assemblée populaire nationale (APN), notamment à la jeune génération,
les 25, 30 et jusqu'à 40 ans, une génération intègre qui a un sens élevé de
patriotisme et qui nous permettra d'entrer confiants dans l'ère de l'Algérie
nouvelle.
Question: Vous vous êtes concentré sur le
politique et même les médias se sont focalisés sur ce volet, alors que pour
beaucoup, il n'y a pas eu de décisions économiques, ceci est-il dû à la
difficulté de la situation économique ou bien est ce que c'est la réforme
politique qui aplanira la voie à la réforme économique?
Réponse: La
politique sert l'économie et inversement. Nous avons une approche politique
intégrée en ce sens que la politique nourrit l'économie.
La reconstruction de l'économie est une entreprise de longue haleine.
Certes des solutions urgentes s'imposent et nous y travaillons. Il y a aussi
des décisions à moyen et à long termes et c'est les décisions urgentes qui
ouvrent la voie à celles à long termes.
Notre économie est basée sur le commerce et l'importation qui ont tué la production
nationale. L'économie doit être le fondement de la richesse et de la prospérité
du citoyen. L'économie qui ne crée pas de richesse est une économie politique
vaine et l'économie qui n'a pas d'impact direct sur le niveau de vie du citoyen
et sur le développement du pays n'est avantageuse que pour certains.
Nous devons mettre en place de solides fondements à notre économie nationale
grâce aux potentialités disponibles en industrie et à travers les start-up.
Nous avons les énergies créatives de jeunes diplômés d'universités algériennes
qui ont fait leurs preuves à l'étranger. J'ai discuté récemment avec les
professeurs Habba et Melikechi
qui se sont dits
disposés à aider les jeunes dans l'édiFication de ce
secteur sur de solides bases. Les ministres jeunes sont présents dans le
gouvernement, la décision politique leur revient et les start-up ont désormais
leur propre banque. Il n'y a plus aucun obstacle à la relance d'une économie
nationale génératrice de richesses et d'emploi.
Lors de la dernière Foire de la production nationale, j'ai constaté la réussite
de certains jeunes dans la création de postes d'emploi à travers des start-up.
S'agissant de l'investissement, nous n'avons pas le temps d'entrer dans des
luttes mais force est de constater que la politique du passé n'a donné aucun
résultat. Tous les opérateurs nationaux intègres ont les
capacité et les moyens pour contribuer au développement du pays et à la
création des richesses pour sortir de cette situation de dépendance au prix du
pétrole, au demeurant une ressource épuisable. Il faut trouver le moyen de
créer d'autres richesses et notre jeunesse a les capacités pour le faire.
Je suis triste de voir que les portes avaient été fermées devant des start-up
qui voulaient travailler en Algérie, et qu'aujourd'hui ces mêmes entreprises
exportent vers l'Algérie à partir d'un pays arabe où les opportunités leur ont
été offertes, je souhaite que de telles situations ne se reproduisent plus.
Je veux que les compétences algériennes, là où elles se trouvent, sachent
qu'elles sont les bien bienvenues et qu'elle trouveront l'écoute et l'aide
pour l'émergence de l'Etat Algérien, tel que voulu par les Chouhada.
Les réformes économiques ne sont pas ajournées, nous y travaillons mais il n' y a pas de marge d'erreur possible. J'ai demandé aux
ministres de l'Industrie et du Commerce d'organiser une rencontre nationale sur
la nouvelle économie pour un changement de mentalités dans la gestion des
banques en vue de parvenir à une économie fondée sur des bases solides. Des
cadres algériens avaient permis au pays, dans les années 1970, d'atteindre un
certain niveau de développement mais malheureusement, et en raison des crises,
nous somme revenus à la case de départ. Nous pouvons aujourd'hui relever le
défi.
Il est honteux que l'Algérie importer aujourd'hui de l'électroménager.
L'intérêt national doit être au-dessus des intérêts particuliers. Le nouveau
plan créateur de richesses et de postes d'emplois est à même de consolider
l'Algérie économiquement.
L'économie étant liée à l'exportation, je considère actuellement que nous
pouvons exporter des produits agricoles et développer l'agriculture
industrielle. Il y a un dysfonctionnement dans le fait que l'excédent de la
production de pomme de terre ou de fruits soit un problème pour les
agricultures. C'est là, une preuve que notre économie est sous-développée
puisque les moyens de stockage et de refroidissement sont disponibles. Il faut
en finir avec les mentalités arriérées à travers une économie moderne,
il faut aller vers les industries de transformation pour remédier à cette
situation.
Nous n'allons pas repartir de zéro, il faut réparer ce qui a été détruit dans
l'économie et moraliser la pratique économique. L'édification d'une économie
nécessite beaucoup de temps, de la stabilité sociale et des lois pérennes.
Si la démocratisation et la moralisation de la vie politique est une question
de quelques mois, la réforme économique est plus ardue, néanmoins je suis
optimiste et même très optimiste que les start-up pourront entrer en production
dans une période n'excédant pas une année et demi et assureront l'emploi et
exporteront leurs produits. Je suis optimiste car il y a un éveil national dans
tous les domaines, notamment politique et économique.