CULTURE-
BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- LIVRES 2019- MON TOP 10(publiée in Mediatic/Le
Quotidien d’Oran , jeudi 16 janvier 2020) (II/II)
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6/ LES AMANTS DE THÉVESTE. Roman
historique de Abderrazek Bensalah, Casbah Editions, Alger 2018, 339 pages, 900
dinars
C’était le temps de la Berbérie byzantine.......et deux années à
peine avant l’invasion arabe en 647. Une histoire bien méconnue et qui
deviendra, par la suite, plus obscure et plus incertaine..... Le Maghreb était,
alors, durant environ deux siècles, occupé par les Grecs, succédant aux
Vandales. La monarchie byzantine avait
su s’allier aux Berbères et avait créé une remarquable vitalité ..... Le décor
est planté :
Théveste (aujourd’hui Tébessa) , en 645
après J.C...et en l’An 23 de l’Hégire.Une région dominée par l’Eglise chrétienne , et par des grandes familles grecques , mais au
bord de l’implosion. Des schismes à n’en plus finir ! Les donatistes, les
monophysites, des moines et des nonnes venus (en réfugiés) d’Egypte.......Et, des tribus aux rites
souvent païens, toujours prêtes à lutter contre le pouvoir central et à changer
de roi !
Lui, c’est Massil, un jeune garçon « charmant aux larges
épaules », catholique, descendant des tribus des Aurès, toutes petits
propriétaires de terrains agricoles et d’oliveraies. Ses parents s’étaient
sacrifiés pour la réussite de ses études de médecine. Trente ans d’âge à peine
et plus rien à perdre. Il quitte Madaure à peine pubère, seize ans d’âge. Il y
revient en musulman. Il ne le cache pas
bien que cela était très mal vu (pour la bourgeoisie et l’aristocratie
grecque, ses principaux clients, il était un « renégat »), sachant
bien que son art, exercé avec talent et humilité, rendant service aux pauvres
et aux démunis, allait faire la
différence....la foi faisant le reste.
Elle, c’est Mélanie, la fille du duc Jean .Ses parents appartenait à une vieille
famille grecque installée en Ifriquia depuis plus d’un siècle. Massil en est
immédiatement amoureux fou .Ils arriveront à se marier et à vivre
quasi-clandestinement leur amour.
Mais les Arabes sont aux portes de la cité.
L’Auteur : Né à
Annaba, médecin (Faculté d’Alger), spécialiste en Orl (Lyon), installé à
Annaba. Passionné de littérature et d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, en
majorité des romans historiques.
Avis :Une
histoire d’amour passionnante (et compliquée) sur fond d’une Histoire du pays
qui l’est encore beaucoup plus (passionnante et compliquée)
En fin d’ouvrage, une brève mais intéressante chronologie des
diverses occupations de la Berbérie.
Citations : « L’amitié
peut remplacer l’amour lorsqu’une personne fait à une autre la grâce de sa
présence » (p 116), « L’histoire de ce pays (la Berbérie) est un
éternel recommencement » (p 146).
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7/ LE DÉSORDRE COLONIAL. L’ALGÉRIE A L’ÉPREUVE DE LA COLONISATION
DE PEUPLEMENT . Essai
de Hosni Kitouni (préface de William Gallois). Casbah Editions, Alger 2018, 950
dinars, 378 pages
Un livre qui se limite seulement à la période 1830- 1900, mais qui
suffit amplement à montrer et à démontrer l’ampleur des désastres auxquels ont
abouti 70 années de guerre, de dépossessions et de fiscalité prédatrice. Des
causes importantes (bien qu’elles ne soient pas les seules) du chaos absolu.
Résultat : la création de deux « castes », celle des
« colons » et celle des « indigènes » (la plupart du temps
classés par la suite sous des termes génériques : les « pieds noirs
» et les « Arabes ») ; deux castes dont l’une , la
première citée, ne pouvait vivre et prospérer qu’aux dépens de l’autre
« comme une sangsue de sa bête » ...et ce durant plus de 130 ans. Et,
au final, deux peuples irréconciliables constitutifs d’une impossible société
nourrie de violence, de racisme et d’exclusion politique. Le trauma colonial
est tel qu’aujourd’hui encore , il
« occupe » la sphère mentale des Algériens, y compris bien des
jeunes, secoués par le récit des « pères ».......et se sentant incompris
par une « histoire de la colonisation » (mis à part quelques
exceptions à saluer) osant vanter ses « bienfaits ».
L’Auteur : Chercheur
indépendant en histoire du fait colonial. Déjà auteur d’une monographie sur la
Kabylie orientale dans l’histoire (2013) et de plusieurs études consacrées à la
violence et aux changements induits par les dépossessions massives au cours du
XIXème siècle
Avis : On
en apprend des choses....que même les
historiens académiciens n’avaient pu déceler. De plus, les mots utilisés sont
justes et forts car dépourvues de la froide rigueur du scientifique. D’où , un livre sans ressentiment complètement utile.
Citations : « En
raison des désastres humains dont elle a été la cause, la colonisation de
peuplement est devenue synonyme de barbarie et de génocide » (p 17),
8/ LES AILES DE DAOUYA, roman de Rabia
Djelti ( traduit de l’arabe par Mohamed
Sehaba),Editions Barzakh, Alger 2019 , 201 pages, 800 dinars.
Elle est jeune, elle est belle, elle est riche, elle est
généreuse......si jeune, si belle, si riche (très à l’aise matériellement), si
généreuse....qu’il se met à lui pousser des ailes. Et pourtant, sa grand-mère
Hanna Nouha ,
l’avait moult fois mise en garde : « La beauté est à la fois,
une bénédiction et un châtiment »..... « La beauté fatigue, même
si elle possède des ailes »......« Quand Dieu veut châtier une
fourmi, IL lui fait pousser des ailes ».....
Paroles prémonitoires que celle-ci, car Daouya, la bien-nommée
avait bel et bien des ailes qui lui poussaient. Sans savoir, au départ, le
pourquoi du phénomène physique qui lui paraissait assez handicapant au départ.
D’où sa manie de toujours s’envelopper
d’un manteau marron.
Elle voyage beaucoup à partir de sa ville natale, Oran. Alger.......Damas surtout
Heureusement , il y a
Ibrahim.....rencontré par « hasard » lors d’un voyage, dont elle
tombe assez vite amoureuse. Enfin !
Mais hasard, dites-vous ?
En fait, Daouya fait partie
des « Ailés ».
L’Auteure : Née en août
1954 à Bouaânani (et épouse de l’écrivain Amin Zaoui) .
Etudes primaires au Maroc, secondaires à Oran, universitaires à Oran
(littérature arabe) . Magister et Doctorat d’Etat à
Damas. Enseignante universitaire. Poétesse, romancière et traductrice
, auteure de plusieurs œuvres
.....et Prix de la Création littéraire arabe pour
l’ensemble de son œuvre (Abu Dhabi, 2002).Elle est l’épouse d’Amin Zaoui.
Avis : Roman
du réel, roman d’anticipation, un savant mélange que l’écriture que l’on
ressent délicate, musicale même -
surtout si on se met à la penser,
parallèlement, en arabe- ( l’âme est profondément poétique) rend aisé à lire. Prenant
jusqu’à la dernière ligne.
Citations : « La
beauté est à la fois une bénédiction et un châtiment. Elle est souffrance et
jouissance. Toute femme, aussi belle fut-elle, verra, avec le temps, la vérité
dans son miroir. Elle se verra, nue. Tel sera alors le lot de son
apparence » » (p 13), , « Toutes les guerres sont sales :
il n’y a pas de guerre sans coupables et sans victimes » (p 64) ,
« L’immobilisme invite à la destruction, aux malversations, aux atteintes
physiques, à la barbarie, à la tuerie, en un mot, à la négation de tout ce qui
réfère à la civilisation humaine » (p 124), « Le temps chez les
Arabes est comme un vieux gardien d’immeuble à la vue basse. Sa présence est de
pure forme. Il dort la bouche ouverte.... » (p 170)
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9/ JEUX DE POUVOIRS EN ALGÉRIE.PLUMES REBELLES.
Essai de Mohamed Koursi. Editions Médias Index, Alger 2019, 454 pages, 800
dinars
L’histoire de la presse nationale et du journalisme a, certes,
commencé depuis assez longtemps, avec ses travaux de recherche
universitaire ou de simples écrits mémoriels et des auteurs désormais connus .............................
Mais , l’histoire de la presse nationale contemporaine (poste-62) restait
encore à (par-)faire ........................Il manquait, cependant, quelque
chose. Son histoire racontée de l’intérieur par un journaliste –enseignant
universitaire de surcroît - qui y a vécu assez longtemps et qui y a
pratiqué ; une histoire des (grands
et petits) faits et des (grands et petits)
hommes ainsi que des (larges ou restreints) contextes ;ceci pour mieux comprendre (accepter ou rejeter) les
attitudes (politiques surtout) et les comportements dans le traitement de la
nouvelle. En temps de paix comme en temps de crise.
C’est désormais fait.....et le titre, « Jeux de
pouvoirs.....plumes rebelles »,
annonce d’emblée les « couleurs ».
Un ouvrage qui traverse le temps
L’Auteur : Sociologue
de formation, enseignant universitaire et journaliste. Son ouvrage,
« Journalistes en Algérie : Destins individuels, histoire
collective » a reçu le Prix Essai à la Journée du manuscrit francophone
(Paris, 2018)....Il l’a revu et augmenté , tenant
compte de la « révolution du 22 février 2019 »
Avis : Une
grande « biographie de l’absence » qui rappelle à la mémoire des
lecteurs et auditeurs de presse, toujours rapidement oublieux, les existences
d’hommes et de femmes d’Algérie ayant fait la légende d’un métier dur, mais à
la vie trépidante et endiablée ; d’hommes et de femmes qui ont construit
l’information nationale face aux multiples pouvoirs toujours se voulant dominateurs. Plus
qu’utile.........Absolument nécessaire
aux futurs journalistes. Trop nostalgiques, s’abstenir !
Citation:
« Ce système (régime Bouteflika ) qui se nourrit d’une matière et d’une
croyance est adossé à une architecture sociale segmentaire : la rente
énergétique, la rente symbolique et le ciment népotique..........Trois rentes
qui ont causé un désordre moral, historique, social, technique et
politique » (p 449)
10/ LIBERTÉS, DIGNITÉ, ALGÉRIANITÉ. AVANT ET PENDANT LE
« HIRAK ». Essai de Mohamed Mebtoul, Koukou
Editions, Cheraga Alger 2019, 222 pages, 800 dinars.
Un ouvrage qui s’est construit à partir d’une chronologie des
événements socio-politiques majeurs qui ont eu lieu durant six mois en Algérie.
Un ouvrage structuré en quatre parties. Un mode, nous dit l’auteur,
qui rend compte de la temporalité politique à l’origine d’événements saillants
avant et après le 22 février 2019 :
Conclusion : « Il est impossible, quelle que soit l’issue
des événements ultérieurs, de faire abstraction du mouvement populaire qui a
émergé de façon inédite, le vendredi 22 février 2019 ».....
L’Auteur : Professeur
de sociologie (Université Oran II), chercheur associé au Gras (Unité de
recherche en Sciences sociales et Santé), auteur de plusieurs ouvrages (auteur
dont le tut dernier , présenté déjà in Mediatic,
« La citoyenneté impossible ? », Koukou 2018/
direction/collectifs)
Avis : De
la real-sociologie, toute chaude, comme on voudrait en consommer tous les jours.....pour mieux
supporter (ou se révolter) notre quotidien.
Citations : « La
violence du politique a profondément structuré la société algérienne. Elle
s’incruste dans les différentes institutions nationales et locales fabriquées
par le politique » (p 16), , « Le pouvoir
est comme une tumeur, il faut une chimiothérapie « chaque vendredi »
( une jeune fille lors des marches, citée p 88), « Mes rêves seront vos pires
cauchemars . Nos chants vos pires réveils » ( un
slogan lors des marches du Vendredi, cité p 89), « La réussite sociale
éteint la colère comme les bons repas assouvissent les appétits. Il faut de la
vertu pour cultiver de la colère »( Garrigou A. « Un jeune homme en colère », Paris
2005, Ed. du Croquant, cité p 125),