VIE POLITIQUE- ETRANGER- MONDE
MUSULMAN- PREMIERE CONSTITUTION TUNISIENNE (1861)
Le 26 avril 1861, dans
le souci de se concilier ses créanciers européens, le bey de Tunis promulgue
une Constitution qui instaure en Tunisie un régime monarchique de type
parlementaire à l'occidentale ! C'est la première Constitution promulguée dans
un pays musulman.
© Alban Dignat/Janvier 2020
À l'avant-garde du
monde islamique
Comme l'Algérie
voisine, la Tunisie avait été placée par le sultan ottoman, dès le XVIe
siècle, sous la garde d'une troupe de janissaires commandés par un
bey. L'administration civile était confiée à un représentant du sultan, le
pacha. L'administration fiscale relevait d'un officier choisi parmi les
janissaires, le dey.
En 1705, Hussein ibn
Ali, bey des janissaires, s'empare du pouvoir, supprime les fonctions de pacha
et de dey, et devient le souverain héréditaire et absolu du pays, sous la
tutelle nominale de la Sublime Porte. La dynastie des Husseinites va régner sur
le pays jusqu'en 1957 !
Kheireddine Pacha
(1822-1890) Son lointain successeur Mahmoud bey massacre les janissaires après
qu'ils aient tenté de le renverser le 30 avril 1816.
Mais, après que les
représentants de la Sainte-Alliance, réunis en congrès à Aix-la-Chapelle le 20
novembre 1818, lui en aient intimé l'ordre, il doit renoncer à la guerre de
course, autrement dit à la piraterie, qui a fait jusque-là la fortune de Tunis
et des autres ports barbaresques de l'Afrique du Nord.
Cette concession
l'oblige à moderniser son pays en vue de trouver des ressources de
substitution.
Après sa mort, le 28
mars 1824, son fils Hussein II bey voit la France occuper l'Algérie voisine.
Son inquiétude grandit quand, en 1835, le sultan ottoman rétablit par la force
son autorité sur la Libye voisine.
Plus que jamais
désireux de trouver des ressources de substitution à la guerre de course, son
successeur Ahmed bey, au pouvoir de 1837 à 1855, engage un vigoureux effort de
modernisation en s'inspirant du vice-roi d'Égypte Méhémet Ali et en s'appuyant
comme lui sur la France.
Il proclame en 1846 le
droit de tout esclave à être affranchi. La France qui, à cette date-là, tolère
encore l'esclavage dans ses îles à sucre, le reçoit à Paris comme un souverain.
Il émancipe les juifs,
autorise l'ouverture d'écoles chrétiennes et, toujours à l'image du vice-roi
d'Égypte, se donne une armée et une marine modernes. Il lance la construction
du palais de la Mohammedia et d'un réseau de chemin de fer.
Tout cela, il est vrai,
coûte cher et nécessite un appel à l'épargne française. Ces emprunts sont
encouragés par Paris qui obtient ainsi des motifs de s'ingérer dans les affaires
tunisiennes...
Échec de la
modernisation
La Tunisie recense au
milieu du XIXe siècle un million d'habitants dont une moitié d'agriculteurs,
sur la côte, et une autre moitié de bergers nomades. À Tunis et Kairouan, qui
comptent respectivement 100.000 et 15.000 habitants, l'artisanat traditionnel
tente de résister à la concurrence occidentale. La guerre de course n'est plus
qu'un lointain souvenir.
Craignant la mainmise
occidentale, Mohammed bey, au pouvoir en 1855, tente de se rapprocher du sultan.
Il envoie des troupes combattre aux côtés des Ottomans pendant la guerre de
Crimée.
Au terme de cette
guerre, toutefois, la France revient en force en Tunisie. Elle contraint le bey
à promulguer le 9 septembre 1856 le Pacte fondamental (Ahd al Aman) qui
garantit la sécurité des personnes et des biens, l'égalité de tous devant la
loi et l'impôt ainsi que la liberté du commerce. C'est l'amorce d'un État de
droit.
Mohammed es-Sadok, bey
de Tunis En promulguant une Constitution, le nouveau bey Mohammed es-Sadok (on
écrit aussi Muhammadal-Sadiq), au pouvoir de 1859 à 1882, complète l'effort de
modernisation de ses prédécesseurs. Il est conseillé en cela par le Grand vizir
ou Premier ministre Kheireddine (on écrit aussi Khérédine ou Khayr al-Dîn),
ancien esclave d'origine caucasienne.
Mais il manque de
fermeté et son effort vient trop tard, d'autant que le pays souffre de famines,
de mauvaises récoltes et d'épidémies de choléra, ce qui met à mal les réformes
antérieures.
La France prend pied
dans la régence en 1869, par le biais d'une commission anglo-italo-française
destinée à résorber la dette extérieure de l'État. Le Grand vizir Kheireddine
réussit toutefois à rétablir les finances et relance la politique de réformes.
Malgré ses efforts, la
Tunisie va néanmoins tomber sous protectorat français.