CULTURE- PATRIMOINE-
YENNAYER 2970– AYRAD A BENI SNOUSS
L’Ayrad
chez les Béni Snouss
Il faut savoir que les populations des trois villages de la commune de Béni
Snouss (Ath Snous, wilaya
de Tlemcen) organisent le 12 janvier de chaque nouvel an la fête traditionnelle
dite d’Ayrad (lion en Tamazight) qui coïncide avec Yennayer. C'est donc une occasion où toutes les familles Snoussi préparent le berkoukès,
les beignets, les crêpes et autres plats. Le spectacle du dit carnaval se fait
dès la tombée de la nuit. Les participants à la fête passent ensemble
d’une maison à une autre à Khémis, l'un des trois
villages des Béni Snouss. Les comédiens sont
généralement au nombre de neuf, avec un guide, et sont tous déguisés portant
des masques à base de cornes, de peaux d’agneaux, etc. Le grand Ayrad quant à lui est tiré à l’aide d’une chaîne par une
personne, afin qu'il ne puisse s'échapper.
Le guide, pour sa part est muni d’un drapeau à la main. Il est
entouré des comédiens qui frappent aux portes des maisons. Dans le cas où le
propriétaire de la maison n’ouvre pas, les spectateurs disent à haute voix : «Chebriya mherssa moulat eddar emtalqa»
(la jarre est brisée et la maîtresse de la maison sera divorcée) ; puis déposent
un «kerkor» (amas de pierre) devant l’entrée de cette
maison.
La pérennité de ce carnaval depuis son
origine réside dans son authenticité
Lorsque la porte est laissée entrouverte, c’est la lionne (l’biyya) qui entre la première, accompagnée par des
spectateurs qui jouent du tambourin, du bendir et de
la ghaita tout en clamant à haute voix : «Hallou bibankoum rahna jinalkoum» (ouvrez vos
portes, nous sommes venus). Après avoir effectué quelques tours dans la
maison, la lionne tombe à terre et fait la morte à chaque séance.
Puis le grand Ayrad (le lion) entre avec fureur
et regarde la lionne en train de mourir. Après quelques minutes de jeu et au
réveil de la lionne, le maître de la maison remet au guide de l’argent -celui
de la ziyara- et surtout des fruits mélangés, des
gâteux, du pain, des grenades, des figues sèches, etc. Puis c’est au tour du m’qaddem de réciter la «Fatiha» à haute voix tout en
souhaitant une nouvelle année abondante en richesses et en priant Dieu
d'apporter sa miséricorde et sa clémence. Ensuite tout le monde se dirige vers
une autre maison et ainsi de suite jusqu’à l’aube et ce, durant trois jours.
Tous les dons recueillis ici et là sont partagés et remis aux nécessiteux et
démunis du vilage.
Il est regrettable que cette fête ancestrale ne soit plus célébrée
comme autrefois en raison des changements survenus au sein de la société et,
par la même, des mentalités. Mais elle n’est pas oubliée pour autant puisque
les personnes âgées se rappellent encore des exceptionnels moments de joie
passés. Car la pérennité de ce carnaval depuis son origine réside dans son
authenticité : il est spontané et tiré de nos us et coutumes et des croyances
les plus lointaines. Ne serait-ce qu'à ce titre, c'est le patrimoine de tous
les Algériens.
C'est pourquoi il est toujours célébré avec faste pour marquer à la fois le
nouvel An amazigh et s’inscrire dans l’esprit de la solidarité communautaire et
de l’attachement au sacré.