CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
AMIN ZAOUI- « ALLAH N’HABITE PA S A LA MECQUE »
ALLAH N’HABITE PAS LA MECQUE ! essai de Amin Zaoui, Tafat éditions, Alger 2019, 151 pages, 500 dinars
Un recueil de chroniques, déjà parues ou non
dans la presse. Des écrits tous de feu....mais, ne vous inquiétez pas, sans
flammes. Destinés assurément au « réveil » des esprits et des
consciences.
Un total de 45 textes......45 sujets traités
en un style concis, précis et au contenu bien documenté, notre homme ayant une
double culture renforcée par une
identité amazighe décidée.
Des textes
tournant pour la plupart autour de la religion musulmane et de
compréhension et sa pratique....surtout en Algérie (et en Afrique du Nord)
D’ailleurs, ceci est assez bien écrit dans
l’avant-propos avec la question résumant le tout : « Quelle est
l’image de Dieu dans la « tête » d’un musulman Algérie ? ».
Question pas si étonnante que ça puisque
c’est cette image, fournie à l’école coranique puis à l’école publique.....républicaine...n’est que
l’incarnation de la violence......L’image, quelle que soit l’appellation (Dieu,
Yahvé, Allah...) a une apparence qui est la même, représentant le
« brasier éternel ». Les deux écoles
« commercialisent » la même idée , le
même discours, la même pellicule.....Le même cauchemar est inculqué aux
enfants....un « cauchemar à perpétuité » . Bref, dans l’imaginaire de
l’islam politique (plutôt, selon moi, dans l’imaginaire de l’islam exploité par le politique), « Dieu est
sadique » et le musulman n’aime pas son Dieu...il en a peur. D’autant
qu’il lui est accolé beaucoup
d’attributs guerriers (sur les 99
noms) au dépens d’un Dieu de l’amour, ce dont profitent surtout les « islamistes ». Quoi
d’étonnant si, par la suite, les présidents, les rois, les califes, les walis,
les maires, les Directeurs, Dg et Pdg ne peuvent
incarner que la dictature, la censure, l’humiliation....et sont donc sinon
haïs, du moins très mal aimés. Connaissez –vous un « rab eddzair » (et il y en a (vait ?)
beaucoup en Algérie, même au niveau d’un petit comptoir d’administration
locale) aimé ?
Il est vrai que l’ivresse du
« pouvoir » aidant, ils en arrivent à « tuer » pour
que Dieu puisse continuer à « exister ». Il en va de même des
« islamistes » chez qui l’image de Dieu est construite à la taille du
chef terroriste.
Quelques sujets, les uns austères, et
d’autres à l’humour décapant....comme « Journal intime du rédacteur des
lettres du Président » : « Le harem », « Islam () au
pluriel singulier », « Je veux que mon pays ressemble aux pays des
impies » , « L’ère de la brebis qui parle en arabe », « Une
omra pour se laver les os » ,
« Après les hydrocarbures, l’exportation des imams », « Le hadj
et la rente divine », « La bédouinisation islamique, Alger et ses
moutons » , « Harcèlement sexuel, pédophilie et silence des religieux »,
« Au commencement étaient les Berbères », « Le soi-disant cheveu
du Prophète à Ouargla », « Grève d’imans : quand l’usine de
production de foi est bloquée », « Les vingt commandements de la Rue
algérienne » (article écrit après le « hirak »
de février 2019), « Les deux mots qui fâchent les algériens »
(Régionalisation et laïcité), « Le Vendredi algérien ! »,
« Comment les communistes arabes et maghrébins ont contribué à la
religiosité de leur société ? ».....
L’Auteur : Romancier , essayiste , chroniqueur de presse,
enseignant i (littérature moderne, Université d’Alger) , ancien Directeur de la
Bibliothèque nationale d’Algérie, auteur de plusieurs œuvres dont
plusieurs sont traduites en plusieurs
langues.......Epoux de Rabia’ Djelti.
Extraits : « L’Algérie
a vécu deux épreuves historiques consécutives : le mal de la colonisation
orientale et celui de la colonisation occidentale. Notre peuple a goûté aux deux recettes !! Shawarma et Omelette ! »(p
11) « On ne vit pas en Algérie, on décompte les jours » (p 15)
, « La Charia a vidé l’islam de sa spiritualité. Elle a donné la religion
aux politistes et aux marchands » (p 23), « Depuis le nom d’Allah au
laser, passant par le nom du Prophète écrit sur la pastèque, et jusqu’au bouc
au lait béni, la société algérienne dérive, s’égare loin de la modernité et de
la conscience historique » (p 29), « La bonne gouvernance d’un pays
ne dépend pas de l’âge du gouverneur suprême, mais d’une vision claire, loin de
la zone grise. Elle dépend aussi du courage intellectuel convainquant des
décideurs » (p 51), « Dans « le pays de la jeunesse », tout
le monde veut partit à La Mecque. Et La Mecque pour l’Algérien, est le chemin
vers le monde de l’au-delà ! Ceci dit : tout le monde veut mourir. Ou
en train de mourir ! A l’heure de mourir ! » (p 82),
« Depuis l’école coranique passant par l’école républicaine jusqu’à
l’université populiste, ils ont cultivé une psychologie individuelle et
collective concentrée sur l’adoration divine du Zaïm.
Les musulmans adorent le zaïm, le sauveur,
l’ombre d’Allah sur terre. Ils n’arrivent pas à vivre libres sans zaïm » (p 123) ,
« La violence de la décennie rouge a été mijoté sur le feu doux des
frérots des années soixante-dix ! » (p 133)
Avis :
Droit au but et dit sans détours ni fioritures. Au total ,
un véritable essai...un seul thème, la
religion ; plusieurs sujets, presque tous sur la pratique de la religion en terre d’islam.
A lire l’esprit de l’essai......mais, un chapitre par jour pour apprécier le
style, pour mieux garder son calme et surtout pour comprendre. Un livre
pédagogique mais destiné à un public « averti ». Un livre critique de
l’hypocrisie politico-religieuse, creusant « dans la culture et dans
l’inculture ». Bref, « un voyage libre et libérateur » ! Pourvu , aussi, que.....Dieu l’entende !Amen.
Citations : «
La lecture est l’autre face de l’écriture, elle est le partage de la
liberté » (Avant-propos, p10), « Une société qui ne rêve pas est une
société suicidaire » (p 38), « Fêter la science et la culture sous un
parapluie religieux est un piège historique, en Algérie » (p 40) , « La société qui respecte son poète
jouit d’une immunité contre le pessimisme » (p 57)