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Roman Benchicou Mohamed - "La Casa Del Mouradia"

Date de création: 07-12-2019 13:29
Dernière mise à jour: 07-12-2019 13:29
Lu: 1103 fois


VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN BENCHICOU MOHAMED- « LA CASA DEL MOURADIA »

 

CASA DEL MOURADIA. Roman de Mohamed Benchicou. Koukou Editions, Alger 219, 146 pages, 600 dinars

 

Déjà bien des livres édités portant sur le mouvement populaire du 22 février 2019 (le « Hirak ») ! Ecrits , pour la plupart, par des journalistes qui ont essayé de retranscrire les évènements tout en tentant de les expliquer. Une très bonne chose que la  réactivité éditoriale.........encore que, peut-être, il fallait laisser « le temps au temps » , c’est-à dire laisser le mouvement suivre son cours normal, bien l’observer, le laisser se décanter puis, enfin    l’analyser. Une façon de participer à l’écriture de l’histoire « immédiate » comme une autre. On a déjà la photographie, l’humour et les slogans, les témoignages....De l’or en barre pour les chercheurs de l’Université qui auront bien du « pain sur la planche ». Tant mieux. Jusqu’ici, seuls octobre 88 et le Printemps berbère ont connu un pareil intérêt...des journalistes et autres « observateurs sociaux ».

Mohamed Benchicou,lui, désormais  plus écrivain – journaliste que journaliste-écrivain, a choisi une autre approche qui lui paraissait certainement bien plus convaincante. Il écrit donc le premier roman sur le « Hirak ». Il fallait y penser.....Il fallait pouvoir le faire . Bien et rapidement.

Ne voulant pas s’empêtrer dans des personnages d’actualité, il s’en est allé loin, bien loin.....En 2079. Soixante années après la « Révolution». Deux générations d’individus.

L’histoire démarre  simplement. Lilya,  une demoiselle d’origine algérienne,  domiciliée à Liège (en Belgique) reçoit, un jour, un colis d’une  maison de vieillesse d’Alger, rue Kamel Eddine Fekhar, Kouba : un gros document (« La casa d’El Mouradia ») envoyé par un grand père maternel  (inconnu d’elle jusque-là), Messaoud dit Socrate Tabess Rassou, un  professeur de philosophie....limogé de l’Université d’Alger, devenu presque clochard, et même revendeur occasionnel chez un marchand de vin .....Des notes éparses sur la vie tumultueuse d’un quartier d’Alger ( Houmet Pigalle) durant les journées d’une révolte populaire. « Un quartier sans prestige où l’on venait au monde sans grand enthousiasme, où l’on vivait sans grandes illusions et où l’on mourait sans grand panache ». On avait là Mélenchon, alias Chaâbane l’Emigré, Hamza le Moko, les lycéens Antar, Othmane et Kader..et Ali Bouchekra, le militant Fln ...... en 2019.....

Février 2019, des journées qui virent le grand-père...rencontrer la grand-mère Nora (morte en couches en donnant naissance à la mère de Litya) . La vie quotidienne, les espoirs, la frustration, les misères, l’amitié aussi,  la révolte, l’espoir,  l’amour, ..... le tout raconté avec finesse (ou délicatesse)  sans tomber dans la vulgarité d’une « histoire de cœur » ayant mal fini....Au contraire, l’amour fleurant bon la liberté !Peut-être tout ce qui manque actuellement aux jeunes Algériens ?

Car, le fond du livre (ainsi que ses chapitres essentiels)  est bien la description , dans les détails les plus significatifs , d’un système, d’un régime , d’un homme et de son clan.........et d’un quartier, déjà résigné devant l’injustice  des hommes....... encore plus désespéré depuis ce « fameux après-midi de février 2019 » quand on apprit que ........« Fakahmatou est candidat pour un cinquième mandat ! ». La ligne rouge de la hogra, de l’arrogance et   du mépris venait d’être dépassée !

 

L’Auteur : Ecrivain (et poète) , journaliste, directeur du quotidien « Le Matin ». Vu son opposition au régime Bouteflika- voir plus haut l’essai de Hammouche- , il sera emprisonné durant deux années et le journal fera l’objet d’ une « saisie-vente ».  Auteur de nombreux essais (dont le très fameux « Bouteflika, une imposture algérienne »....en 2004)  et romans ( « La parfumeuse » en 2012  et « La mission » en 2014 ) , d’un journal de ses années de prison (« Les Geôles d’Alger »....en 2009) , d’une pièce de théâtre (« Le dernier soir du dictateur »....en 2010) et d’un recueil de poèmes (« Je pardonnerai. Poèmes de prison »....en 2008) publiés en Algérie et à l’étranger. Il anime, aussi, un journal électronique d’informations .

 Extraits : «Ici, il n’y a pas de place pour les martyrs.  Je veux dire les vrais. Les héros bricolés, il s’en trouve dans toute la place, des petits, des gros, des grands, des jeunes, des moins jeunes, ceux qui se disent baroudeurs de la première heure, ceux qui se sont inventés une réputation de condamnés à mort ou d’évadés spectaculaires....Vous n’avez aucun moyen de vérifier ni de contredire.....» (p 19) , « L’argent se mit à couler à flots. C’était l’époque où les gouvernants eurent l’idée de s’offrir un peuple qui leur ressemblerait, réveillant ce qu’il y avait en chacun de cupidité, de disposition à l’amnésie et de talent à l’obséquiosité » (p 22 ), « Nous devrions être reconnaissants envers ceux qui nous ont caché la vérité. Grâce à eux, et à notre insu, en vertu du mensonge d’Etat, nous aurons été le premier peuple de l’histoire à être gouvernés en pyjama et en chaise roulante » (p 117)

 Avis :De la fiction ? Non de la réalité bien vraie....romancée, et racontée .....en 2079. Et, une larme  d’humour.....pour décrire une situation pourtant dramatique.

 Citations : « On ne se voit jamais agir en canaille. Ce sont les autres qui le voient pour vous » (p 41), « Dans un pays où, par tradition hypocrite les hommes politiques sont sérieux à l’excès, les gens saluèrent avec enthousiasme l’arrivée de la frivolité au pouvoir » (p 56), « La politique sourit avant tout à ceux qui savent l’exercer avec cynisme » (p 72), « Les conneries , c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer. Et puis,  il faut dire que ce soit la révolution ou le couscous, rien de ce qui est algérien n’est simple » (p 107), « Le pétrole algérien était géré dans l’ombre, par des mains expertes et des cerveaux façonnés par le Diable » (p 131)