CULTURE- ETUDES ET ANALYSES- CULTURE
AMAZIGH - PRODUCTION- HAKIM HAMZAOUI
(ENTRETIEN)
(c) Hakim Hamzaoui/EL WATAN/ENTRETIEN HAFID
AZZOUZI, mercredi 13 NOVEMBRE 2019
Hakim Hamzaoui. Docteur en sciences de
l’information et de la communication : «Les médias sont importants dans la
préservation du patrimoine culturel»
Pouvez-vous nous parler des recommandations du
colloque national sur la production culturelle amazighe que vous avez organisé
à l’ENSJSI d’Alger ?
En résumé,
les recommandations du colloque visent à encourager cette production par des
moyens financiers et davantage de formations pour l’effectif humain. Cela pour
répondre aux besoins du public. L’Etat et le secteur privé sont appelés à
s’impliquer davantage dans cette action. La promotion de cette langue et
culture doit être également gardée comme objectif principal pour éviter d’être
utilisée à des fins idéologiques. Les participants au colloque ont relevé
surtout l’importance de la problématique abordée comme ils ont émis le vœu de
voir ce genre de rencontres se multiplier.
Quel est, selon vous, l’apport des médias dans
la promotion de la production culturelle amazighe ?
Les médias
peuvent jouer le rôle de retransmettre l’héritage culturel afin qu’il soit
inscrit et présent dans la mémoire collective de la société. Les contes qui
peuvent être transformés en scénarios de films, de dessins animés ou même
romans sont un meilleur exemple. Les films documentaires s’inscrivent
essentiellement dans cette logique. Grâce aux médias aussi, un nombre considérable
de mots sont devenus connus et couramment utilisés par les gens dans la
société. Certaines productions ont redonné vie à un patrimoine immatériel
(proverbes, devinettes,etc.),
voué à la disparition. C’est le cas pour certains mots
Certains
textes pris dans des livres ou poèmes chantés sont utilisés par les enseignants
de langue amazighe comme support pédagogique. On peut parler également fonction
économique qui valorise la langue et la culture : c’est vrai que nous ne
disposons pas de chiffres qui nous permettent de faire le point sur cet aspect,
mais en tant qu’observateur qui a eu, par le passé, exercé dans les médias
(journaliste à la radio Chaîne II), il est clair que ce domaine est à l’origine
du déclenchement d’une dynamique de production, de vente et de consommation
considérable, surtout dans quelques secteurs, comme celui du livre. Cela donne
une valeur fonctionnelle à cette langue et à cette culture.
Les communications présentées lors de ce
colloque ont porté sur l’entreprise, professionnels, circuits de distribution
et réception de la production culturelle amazighe dans les médias, pouvez-vous
nous expliquer les raisons du choix de ce thème ?
L’entreprise,
professionnels, circuits de distribution et réception sont les principaux
acteurs qui peuvent asseoir les fondations de cette langue en cette période de
transition de l’oralité vers l’écrit. Ce sont aussi les principaux canaux
d’influence. Les entreprises subissent constamment les influences du
propriétaire et de la logique économique.
La logique
militante est moins présente et influente dans certains cas. Heureusement que
certaines maisons d’édition sont fondées par des militants et des propriétaires
convaincus du combat amazigh et connaisseur de la sociologie de la réception du
produit culturel et même du système politique. Les professionnels et
particulièrement ceux qui travaillent dans les médias de masse ne travaillent
pas dans des conditions socioprofessionnelles favorables à la création
intellectuelle et artistique.
C’est pour
cela qu’ils se sont inscrits plutôt dans la logique de fonctionnaire. Ce qui
explique d’ailleurs le recul de la production dans certains domaines, comme
celui du cinéma amazigh par rapport aux années précédentes. Sur le plan
linguistique, je pense que les responsables des entreprises productrices
doivent mettre en place un programme de formation continue pour une remise à
niveau, étant donné que ces professionnels ne sont pas tous formés en
tamazight.
Comment évaluez-vous justement la production
culturelle amazighe en Algérie ?
Dans
certains secteurs, la production et la consommation sont abondantes, à
l’exemple de celui de la chanson. Même son effet sur la promotion de la langue
et sa socialisation est considérable. Mais malheureusement, les textes
retranscrits sont peu et nous perdons un nombre considérable de poèmes. Les
travaux de recherches sur cette production sont également insuffisants. Dans
d’autres secteurs comme celui du cinéma, elle a considérablement régressé. Cela
est dû, en particulier, à la particularité de la production cinématographique
qui demande beaucoup de moyens financiers et de savoir-faire.
C’est
dommage pour la culture amazighe parce que le cinéma a un pouvoir
«extraordinaire» de faire connaitre la culture et l’identité d’un peuple au- delà
des frontières nationales. C’est le cas du cinéma indou ou chinois et d’autres
après s’être industrialisés.
Dans le
secteur public, les acteurs (journalistes, réalisateurs, animateurs, etc.)
souffrent essentiellement de liberté de création et d’initiative. Je pense
qu’on doit également profiter d’internet pour réfléchir sur la meilleure
manière de faire connaître la langue et la culture amazighes et la valoriser
sur le plan économique.