VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
MEMOIRES ANNE MARIE LOUANCHI- « SALAH LOUANCHI. PARCOURS.... »
Salah Louanchi.Parcours
d’un militant algérien. Mémoires de Anne-Marie Louanchi.Editions
Dahlab
,Alger 1999. 215 pages, 800 dinars
Né le 21 juin 1923 à Ighil
Mal (un village tout en longueur suivant une ligne de crête), au sein de l’Axxam des Ath Aoudia , Salah Louanchi , décédé en juin 1990, a objectivement marqué la Révolution
algérienne. Celle d’avant et d’après 54, mais aussi celle qui a suivi
l’Indépendance du pays, en 62. Pour ceux
qui ont fréquenté ou travaillé dans le secteur de l’information fin des années
60- années 70 (la Communication
n’existait pas encore.....honni soit qui y pensait !), tout
particulièrement au niveau du parti du Fln, on se souvient bien de lui .
Hélas, son épouse, celle qui a cheminé et
lutté à ses côtés durant 37 ans, n’ a eu que le temps d’écrire et de décrire son
(leur) parcours jusqu’au 19 juin 1965
(le plan prévu pour l’ouvrage allait jusqu’à 1990 avec « le retour en
politique : 1968-1975 ».....). A ce moment, Salah Lounachi
– voyant que Boumediene le pragmatique
allait donner la primauté au développement économique et faire d’un Etat fort
la cheville ouvrière de son action.... » avec une
mise au pas du parti » - avait
décidé de se mettre en marge
volontairement, s’opposant à tout exil et préférant s’occuper ...de sa fille,
nouveau-née....et de son jardin. Son meilleur ami de l’époque était un revendeur de plants des pépinières de Boufarik qui
venait toutes les semaines dans le quartier avec sa 404 bâchée. Ya hasra ya zmen !
Salah Louanchi ?
un politique inconnu des masses et même des militants
du Fln, mais un homme de poids et d’influence tout particulièrement dans le
domaine de l’Information....et de la propagande....toujours au service
du pays, cela s’entend. On ne pouvait attendre moins d’un homme au parcours
militant si riche :
1930, l’école......l’Année de la célébration
du Centenaire de la colonisation. Un signe ? Juste après
, il commence à lire « El Ouma ».
Une phrase de Messali Hadj le marque :
« L’Algérie ne fut jamais française. Elle n’est pas française .Elle ne
sera jamais française, de par la volonté de ses enfants ». Toujours plongé
dans les livres. Ensuite les Scouts Musulmans Algériens.....puis le Ppa et la rencontre, entre autes, avec Hocine Asselah....mais
toujours Scout ! Première arrestation, le 14 mai 45, « pour complot
contre la sûreté de l’Etat ».
1946 : Installation à Alger. Permanent à
la Fédération des Sma (local situé rampe de la
Pêcherie) et activités Ppa-Mtld....Jusqu’au
1er Novembre 54, que de luttes et
de combats fratricides au sein du mouvement national !
27 novembre 55, départ pour Paris...mandaté
par la direction provisoire d’Alger, en accord avec la délégation extérieure,
pour représenter le Fln en France.Une tache pas
facile et pas facilitée. Au départ, le plus gros problème, c’était le Mna et, aussi, les
tentatives de noyautage par la police. Il fut « toujours un chef mais il
ne l’a jamais montré » (Mouloud Belaouane). Une
ligne d’action claire : « rassembler, unifier pour parvenir à ce que
le Fln soit l’unique interlocuteur du peuple algérien.
27 février 1957 : Arrestation à
Paris.....Fresnes....La Santé (où il retrouve « les cinq » et des
membres du comité fédéral arrêtés en 56).....Grèves de la faim et mesures de
rétorsion......et , en septembre 59......le
mariage avec Claudine Chaulet...avec Ahmed Taleb qui
récite la fatiha.
Fin 61, on comptait environ 13 000
détenus en France, 6 000 dans les prisons dont 2000 en attente de jugement,
7000 dans les camps et les centres de
tri...
Libération le 6 avril
62....Genève.....Tunis.....Alger....Tizi-Ouzou....Âge : 39 ans . « Il pensait que tout ce qui lui restait à
vivre, à partir de là, était du « surplus »...C’est peut-être pour
cela que dans la lutte pour la prise et l’exercice du pouvoir qui a suivi
jusqu’en juin 65, « élu » député de Tizi-Ouzou à l’Assemblée constituante,
il a préféré « se mettre (un peu)
sur la touche en combattant pour des idées et non pour des hommes », tout
en s’impliquant dans les taches qui lui semblaient les plus en phase avec son
expérience : celles de l’information. Il fut donc un des fondateurs de la
nouvelle presse nationale.
Le reste est toute une « histoire »
de relations difficiles entre le parti au sein duquel il activait et
l’Etat .....entre l’information partisane (et univoque)
et les citoyens..... De multiples crises qui aboutirent à un « Coup d’Etat
militaire » entraînant la mise à l’écart de Ben Bella, et la mise au pas
du parti...... « Plus d’élan révolutionnaire et célébration de la
technicité ». Place à l’Etat ! Avec un système qui va perdurer.
L’Auteur : Née Chaulet le 7 mai 1934 à
Alger, fille aînée de parents d’origine européenne d’Algérie, syndicalistes
chrétiens et humanistes. A 19 ans, elle rencontre des militants nationalistes
algériens dont son futur époux. Compagne
de lutte et épouse de Salah Louanchi , militante du Fln de la première heure , elle s’engage
pour l’indépendance du pays peu de temps après le déclenchement de la guerre en
novembre 54 : entre 55 et 56, elle participe activement aux réseaux
d’information et « passages aux maquis ». Arrêtée en novembre 56 et
internée (Paris/Petite Roquette) par le régime colonial .
Libérée mais « interdite de quitter le territoire français » .Décédée
le 7 août 1996 à Alger des suites d’un cancer décelé en août
1994....certainement trop inquiète de
voir peu à peu son pays sombrer dans le chaos islamiste et terroriste.....et
l’échec de l’école algérienne publique
A l’indépendance, elle est toute vouée à
L’Education nationale. Institutrice, directrice d’école, inspectrice,
inspectrice générale......périodes de grand bonheur dans l’édification de
nouvelles méthodes pédagogiques d’apprentissage des langues .....Retraitée en
juin 1994.Décès le 7 août 1996 à Alger.
Extraits : « Il s’est identifié toute sa vie à la lutte révolutionnaire,
quitte à y perdre sa propre identité » (avant-propos, p 7), « Le
Gpra, fidèle à une ligne de conduite militante plus
traditionnelle, décida de rentrer à Alger le 3 juillet 1962......Nous fîmes
partie du voyage, mais ironie ou mauvais présage, Salah dans « l’avion des
hommes » et moi dans celui « des femmes » (p 115) , « Tout
le monde se disait (en note : 1963) volontiers socialiste, révolutionnaire
et en plus nationaliste et on jetait facilement l’anathème sur ceux qui
n’étaient pas d’accord, la pire insulte étant, bien sûr, celle de
contre-révolutionnaire » (p 161)
Avis :La
présentation et la description (certes incomplète) d’un homme qui a tout donné
au pays.....son temps, sa santé.....et son engagement « révolutionnaire ».
Respecté ou craint, il reste dans le domaine de la communication nationale, une
référence que les plus de 60 ans n’ont pas oublié. Quant à l’auteure, il n’y a
pas assez de mots pour décrire sa grandeur et ses amours : l’Algérie, son
époux, sa famille , son métier.
Citations : « Au
moment où, si souvent chez nous, ce qui compte ce n’est pas qui l’on est, ni ce
que l’on fait, mais à qui on appartient, il est bon aussi de rappeler que des
hommes ont fait du principe de responsabilité
, le moteur de leur action politique et le dynamisme de leur vie
(avant-propos, p 8), « L’homme compte peu. Ce qui compte, c’est ce qu’il
fait....Mourir, c’est le destin de tout homme, mais il n’est pas donné à tout
homme de laisser, soit une idée, soit un souvenir qui le fera vivre longtemps
après sa mort » (Salah Louanchi, p 29),
« Il ya deux façons de concevoir son rôle d’éducateur de jeunes. La
première part d’un point de vue démagogique : à un peuple pour qui la
religion est tout, on ne parle que de la supériorité de son
dogme ;........à un peuple qui souffre du colonialisme, on apprend
seulement à désigner le responsable de tous ses maux............La deuxième
méthode part d’un point de vue plus réaliste. Il s’agit d’inculquer le culte de
l’effort, le culte de l’action... » (Salah Louanchi,
p 46) , « En politique, on ne fait pas de
sentiment. Les règles du jeu sont très dures, il ne s’agit pas de les admettre
ou de les rejeter, elles s’imposent. Le courant de l’histoire écrase sans pitié
tous ceux qui ne peuvent le suivre, sans égards pour leur passé, leur nom ou
leurs mérites » (Salah Louanchi, p 58),
« Etrange pays (note : la France, 1957) où les ministres tremblent
devant quelques personnages de cirque , du genre Tixier-Vignancour, Biaggi et autres
plumitifs de « Rivarol » (note : journal d’extrême droite)
» (Salah Louanchi,
p 97), « L’arabe classique est presque une langue étrangère, même si c’est
notre langue nationale, et il n’est que le privilège d’une caste intellectuelle
le plus souvent réactionnaire » (Tahar Ouettar,
cité p 186)