CULTURE-BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN MALEK HADDAD- « JE T’OFFRIRAI UNE GAZELLE »
Je t’offrirai une gazelle. …..Un roman de Malek Haddad, préfacé par
Yasmina Khadra (« son disciple »). Media-Plus. Constantine 2008 (1ère édition :
en 1959 chez Julliard, Paris), 169 pages, 400 dinars .
C’est
certainement le plus grand écrivain francophone de son temps
. Quelle écriture, quelle sensibilité, quelle poésie…et quelle ubiquité
.Une qualité, mais aussi, en 1958, alors que la guerre de libération nationale
battait son plein, une déchirure pour un tel homme, partagé entre ce qu’il
était, ce qu’il voulait être et surtout ce qu’il devait être.
Tout cela
est retranscrit avec pudeur et netteté, dans une sorte de culpabilité qui n’ose
pas dire son nom, à travers le « héros » (en est-t-il vraiment
un ?), partagé entre sa réalité parisienne, bistrotière et germanopratine,
terne , un « univers élémentaire », passant des bras d’une allemande
jouisseuse instantanée de la vie à ceux d’une femme française celle-ci, bien
mûre, mais qui pense ou parle trop avant
de passer à l’acte (une réalité qui est , en fait, une véritable prison, plus
ou moins dorée!), et ses rêves d’évasion
autour d’une histoire d’amour entre un routier saharien , amoureux des
grands espaces et des dunes sans entraves, et une très jeune targuie, un amour
pur comme l’air du désert, à la
recherche de liberté . L’échec assuré dans les deux dimensions !
Heureusement, et il n’est jamais trop tard pour bien faire (il y en a qui ont
bien attendu le 19 mars 1962 pour se réveiller !), il y a l’Ami qui vous
révèle une « autre réalité » , celle du combat libérateur , un combat
où le Peuple n’a que faire de poésie, de rêve et d’ histoires d’amour . Il
« se fiche de la gazelle promise , des histoires
d’harmonica, du vin rosé et du prince-barman.. » . Il choisit alors de ne
plus « être un bâtard » et de ne pas publier son roman. Tout en
sachant que « les amis qui pensent que les histoires de gazelles ça
n’intéresse pas un peuple qui se bat, ont peut-être raison. Peut-être à tort.
Car, en fin de compte, c’est bien pour des gazelles et des harmonicas que l’on
se bat . L’opportunité n’a toujours pas de
talent ».
A noter que
Malek Haddad, qui , par la suite, a beaucoup écrit
dans la presse nationale (en français !) naissante, a le sens des formules
qui , en très peu de mots, « disent tout ».
Avis : Doit se lire (même si vous l’avez
déjà lu) pour en vouloir encore beaucoup plus à l’auteur d’avoir été
« récupéré » par le système en devenant (haut-)
fonctionnaire, puis d’avoir arrêté d’écrire des romans en français à partir de
1968 , à cause d’une « histoire de langue arabe », car il aurait
produit des textes encore plus magnifiques. « Il est mort de ne pouvoir
écrire » écrit le préfacier . Et, ceci, en
fin de compte, a arrangé beaucoup plus la littérature franco-hexagonale et ses
auteurs qui n’avaient donc plus de grand
concurrent. N’a-t-il pas fallu 178 ans (132 ans de colonialisme et 46 ans
d’Indépendance pour qu’un écrivain Algérien (et Arabe au sens géographique du terme ) entre à l’Académie française (Assia
Djebbar en 2005) ?
Phrases à
méditer : « Le drame du langage est
là : c’est un mur », « J’ai vouvoyé, on m’a dit : tu . Je suis un
Arabe, c’était devenu un métier », « Le destin ,
quand il porte un képi, il faut s’en méfier deux fois. Ou alors être très fort
pour lui déplaire et le plus fort pour lui désobéir », « Je t’aime.
En arabe, c’est un verbe qui dépasse l’idée », « Il faut mourir dans
son lit pour avoir l’idée de prier » et « On ne dit pas d’un chrétien
qu’il fait du christianisme lorsqu’il est vraiment croyant ? Parce que les
chrétiens dans l’ensemble ne se prennent pas pour Jésus-Christ »