HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ESSAIS HARMUT ELSENHANS- « GUERRE DE LIBERATION ET VOIE ..... »
Guerre de libération et voie algérienne de
développement. Essais de Harmut Elsenhans(présentation de l’auteur et des travaux par Rachid Ouaïssa). Revue Naqd, hors série,
Alger 2019, 363 pages, 800 dinars.
La revue d’études et de critique sociale
« Naqd », créée en 1991, se signale, cette
fois-ci, avec un numéro spécial consacré entièrement à l’Algérie ,
à la guerre de libération nationale et à la voie de développement choisie.
Ce qui est encore plus intéressant, c’est que
le numéro est entièrement consacré aux travaux d’un universitaire chercheur
Allemand, Elsenhans, totalement « habité »
par l’Algérie.
Nous avons donc un premier chapitre consacré
à la « Guerre française en Algérie, les méandres de l’adaptation. Entre
acceptation et refoulement » . Un texte dédié à Chikh Bouamrane (Elenhans a donné
une conférence, le 2 novembre 2015, à
Alger, au Haut Conseil islamique) .
-En fait, c’est d’abord l’histoire de la
présence coloniale revisitée..... : Après 1945 , le contexte international
interdit le colonialisme/ Sur le plan international, une conviction
unanime : l’Algérie n’est pas la France/ La France n’a pas de solution au
problème algérien jusqu’en 1957/ La construction européenne fait que , dans la
formation des alliances politiques, l’Algérie est secondaire/ Une France
prétendument libérale mais chauvine/ Pourrissement du système politique et fin
de la IVème République/ Théorie de la
guerre antisubversive au sein de l’armée française/ Intérêts français en
Algérie limités et reconversion en quittant l’Algérie pour d’autres régions du
tiers-monde/ Le capital international qui opte pour l’ultra-impérialisme/Construction
prioritaire de la force de frappe/coût de la guerre.........
-Nous avons ensuite une étude sur « la
place de la guerre d’Algérie dans l’Histoire mondiale » (un texte repris
d’une conférence prononcée au Crasc d’Oran le 15
novembre 2016). Pour l’auteur, « la révolution algérienne est la première
révolution réussie contre le système colonial qui n’est ni l’œuvre des têtes de
pont créées par les puissances coloniales ni l’œuvre du mouvement communiste
international ». Un œuvre des forces populaires...............
-Une préface à l’édition allemande de la
Charte nationale de 1976 (demandée alors
par l’ambassadeur d’Algérie à Bonn dans les années 70 !)
-Un texte expliquant « Pourquoi l’Algérie
souffre de la rente » .Un texte de 2016 : La conjonction d’une
interprétation politiste et d’un engagement tiers-mondiste / L’échec de
l’utilisation de la rente dans le modèle de gestion planifiée de l’économie /La
libéralisation rentière/La crise et les chances qu’elle représente.
- Algérie et énergie ou les tribulations de
l’Etat rentier (un texte de 2015)
Tout cela suivi d’un chapitre assez théorique consacré
:
-Au développement autocentré contradictoire
(de 1984 et publié par le Cread).
-Au danger imminent d’une globalisation par
la rente et la défense du capitalisme par les travailleurs (de 2019).
-A l’augmentation des revenus de masse,
condition de la croissance capitaliste (de 2016).
Et, enfin, une très riche
bibliographie ........des références en français, en allemand et en
anglais
L’Auteur : Né le 13 octobre 1941 à Stuttgart (Allemagne) dans une
famille marquée par les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale.....En 1959,
dans le cadre d’échanges scolaires, lors d’un séjour dans une famille
parisienne pro-Algérie française, il se rend compte des rôles similaires de
la petite bourgeoisie comme cheval de bataille du colonialisme et du
nazisme.
Etudes de sciences politiques, d’histoire,
de sociologie et de romanistique. Brillante thèse de doctorat sur la
« guerre d’Algérie 1954-1962. Tentative de décolonisation d’une
métropole capitaliste»....une thèse (900 pages) qui ne sera traduite en
français que 28 ans plus tard, préfacée par Gilbert Meynier .
1992, professeur à l’université de Leipzig , et productivité scientifique
exceptionnelle.....Plus de 50 livres et une bibliographie dépassant les 50
pages. Il s’est intéressé, dans les années 90 à la montée des mouvements
islamistes radicaux en Algérie.....tout en comparant le cas algérien à l’Inde,
où similaire à l’Algérie, l’échec des stratégies de développement centralisées
et la crise de légitimité des élites révolutionnaires ont tracé la voie à la
montée du mouvement hindouiste-nationaliste, le Bjp.
Extraits : « Sans transformation capitaliste des économies concernées, la
rente apparaît massivement en périodes de pénétration du capitalisme » (
Présentation, p 9), « Ce qui frappe l’observateur de la politique
intérieure française jusqu’au début de 1957, c’est la multitude de prises de
position des hommes politiques sur l’Algérie, aux occasions les plus diverses,
sans qu’il y ait formulation d’un projet politique même rudimentaire » (p
48), « La globalisation ne conduit pas automatiquement à un système
capitaliste mondial. Les relations marchandes ne se réduisent pas à la
recherche de rentes mais créent de nouvelles possibilités pour l’appropriation
de rentes » (p 276).
Avis :Un
ouvrage qui présente , à travers des travaux multiples et parfois complexes
pour le commun des lecteurs, une pensée critique pas toujours comprise et
encore moins admise. Un chercheur « non conventionnel » qu’il faut
lire et relire.
Citations : « La
politique ne s’élabore pas uniquement sur le calcul d’intérêts, du moins en
démocratie ; les sentiments, les appréhensions, les oppositions et les
perceptions dans le grand public doivent la permettre » (p
64), « Les manifestations du 10 décembre 1960 furent le Dien-Bien-Phu du général de Gaulle... » (p
75), « Aussi longtemps qu’elle ne pouvait conquérir les cœurs des
Algériens, la France devait perdre » (p 83), « Le sens du combat
intellectuel : être disponible avec les armes de la critique quand la
situation permet l’ouverture. Travailler afin d’être présent au moment du choix
possible » (p 111), « La rente permet d’acheter les fruits du
développement obtenu ailleurs, sous forme de machines, sans mener pour autant
localement aux transformations qui donneraient accès au savoir. Ces
« fruits » sont achetés par les pays dont le retard est le plus
accusé, auprès de l’économie de pointe qui a atteint le plus haut niveau de
savoir-faire » (p 139), « La rente ne décourage pas seulement
l’industrialisation (....) mais incite même, dans le cadre d’une planification
des investissements, à poursuivre une industrialisation bâclée » (p 139)