VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’AL
MANACH –ESSAI YEFSAH ABDELKADER- « HISTOIRE POLITIQUE DE L’ALGERIE,1954/1984 »
Date de première création: 06-06-2018 09:59
Dernière mise à jour: 06-06-2018 09:59
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Histoire
politique de l’Algérie, 1954-1984. Etude de
Abdelkader Yefsah (Préface de Salem Chaker) . Enag
Editions, Alger 2016 ( Première édition Enap, Alger 1990) . 479 pages ,
950 dinars.
C’est tout de suite à
partir de sa problématique que l’on s’aperçoit que l’auteur allait donner un
grand coup de pied (d’universitaire rigoureux) dans la fourmilière politique
d’un pays enfoncé dans un système politique inadapté – en fait depuis 1954, car
il y eut simple transposition du pouvoir « rebelle » , celui du temps de guerre
- autour d’un pouvoir en crise permanente , lieu de luttes , ouvertes ou
larvées, occultées du temps de guerre, mais toujours acharnées , entre factions
et clans. Bien sûr, c’est , toujours , à partir du
clan dominant (dont le centre de gravité peut se déplacer géographiquement) que
l’intégration nationale est pensée......avec, toujours, son amarrage à
l’armée.....sans laquelle le clan n’est rien . Questionnements : Comment et pourquoi
l’armée a toujours été (à l’exception de la période 56-57), au centre du
pouvoir politique en Algérie . Puis, comment le Fln , censé encadrer et conduire la société civile , n’est
en fait que la courroie de transmission des militaires . Ensuite, comment , malgré de multiples crises politiques qui cachent
très mal les luttes pour le pouvoir, le régime algérien, et notamment depuis
1965, est un régime stable grâce à son unanimisme affiché et érigé en dogme.
Et, comment l’inadéquation de son discours politique par rapport à sa pratique
quotidienne a peu à peu abouti à un divorce entre le régime et le peuple et
permis la naissance d’une classe dominante en Algérie. Enfin, en quoi le régime
algérien n’est pas encore un Etat de droit mais un Etat répressif et policier
fondé sur les prébendes et le bakchich. Observations finales (conclusion) : . Le pouvoir politique est de nature militaire
. Le parti unique Fln n’est en réalité que la courroie de transmission
des militaires . L’unanimisme, personnalisation du
pouvoir = immobilisme . La société civile refuse sa
domestication. Niée dans son existence , elle se
défend comme elle peut. Instinctivement ....faisant, à l’instar du régime, de l’improvisation . L’Etat n’est pas encore un Etat de droit.
C’est l’Etat de l’arbitraire . L’Etat –Clan est un
Etat de bakchich et de favoritisme . L’Etat-clan étant
un Etat arbitraire, il est par essence un Etat répressif et policier
L’ Auteur : Universitaire, politologue, né en 1952 à Tala Amara (Tizi Rached), maître de conférences
à l’Institut des sciences politiques d’Alger depuis 1983....avant de partir en
France au début des années 90. A disparu de la circulation universitaire
nationale et c’est bien dommage. Avait déjà publié un premier ouvrage en 1982
(éd. Anthropos) : « Le processus de légitimation du
pouvoir militaire et la construction de l’ Etat en
Algérie »
Extraits: «
Le socialisme spécifique du parti unique a laissé place à un simulacre de
démocratie tandis que l’économie dirigée a accouché d’une économie de bazar.
L’Algérie est devenue, depuis, un vaste Prédaturium »
(p 7, avant-propos) , « Nous nous trouvons ainsi en face d’un pouvoir politique
totalitaire, volontariste qui, niant la réalité algérienne dans sa complexité
mouvante, s’efforce de « construire » un Etat à l’image de ses fantasmes qu’il
« baptise » tantôt « moderne » , tantôt « arabo-islamique » et tantôt les deux
à la fois » (p 19)
Avis : Peut être considéré, à mon avis, comme un des premiers
ouvrages universitaires politiques de niveau scientifique et critique,
pratiquant une véritable « pédagogie de la vérité » (au départ, une thèse de
Doctorat en sciences politiques ) , publié en Algérie ( d’abord par une Enap-Editions alors plus que dynamique, car ne dépendant
plus du Fln à ce moment , au début des années 90 , sous le titre plus explicite
et moins inodore : « La Question du pouvoir en Algérie ».....et les mécanismes
administratifs de la « censure » ayant sombré).Une mine d’or pour comprendre
les racines du mal qui ronge (encore ?) le pays. A servi de modèle à bien
d’autres qui ont suivi. Le contenu concerne une certaine période, mais en fait,
il déborde aisément sur toutes celles qui ont suivi......jusqu’à nos
jours....les nouvelles ( ?) formes politiques (comme le tout « nouveau » titre)
n’ayant apporté rien de fondamental au fond. Toujours la même problématique !
Des progrès et des changements certes, mais à peu près les mêmes constats.
Citations : «
Quand la raison abdique, la bigoterie prospère et l’immonde n’est pas loin » (p
7, avant-propos), « Il n’y a de production scientifique qu’indépendante et
critique » (p 10, Salem Chaker, préface) , « L’Etat
–mamelle, tout autant que l’Etat-repoussoir , déçoit , car il est l’Etat de la
minorité » ( p 318) , « Un peuple qui a le sentiment d’être l’acteur de sa
destinée ne met pas le feu à ses biens et il n’existe pas, de par le monde, de
peuple de Néron » (p 420, postface, rédigée en janvier 1990).