HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECHERCHE UNIVERSITAIRE CLAUDE
JUIN- « DES SOLDATS TORTIONNAIRES.GUERRE D’ALGERIE.... »
Des soldats tortionnaires. Guerre
d’Algérie : des jeunes gens ordinaires confrontés à l’intolérable. Une recherche universitaire de Claude Juin. Media Plus Editions . Alger 2012 (Les Editions Robert Laffont,
Paris, 2012) .
364 pages, 1400 dinars
Près de deux millions de jeunes gens ont été
appelés ou rappelés entre 1955 et 1962…pour aller « mettre fin à l’action
des agitateurs (…), au règne de la terreur (…) et rétablir pour tous la
sécurité et la confiance » au sein de départements « français ».
Ils étaient partis, tout du moins au début, la
fleur au fusil , croyant aller à la découverte ..de
l’Orient…..d’un pays dont , globalement , ils
ignoraient l’existence. La population européenne, surtout les puissants lobbies
colons, étant le tamis cachant le soleil……faisant accroîre
en une « patrie mise en
danger » par des « Indigènes terroristes ».
Huit années de guerre…..trente mille d’entre-eux y périrent…deux cent mille blessés ou gravement
malades…..
Pourquoi ? Parce que bien d’entre-eux furent confrontés rapidement à une triste et
douloureuse réalité : l’exploitation des populations arabes par la
population européenne, une sur-exploitation par les
gros propriétaires et grands industriels, un
apartheid déguisé, un racisme patent ….et une résistance populaire des
« Arabes » bien souvent insaisissable .
« En Algérie, (au sein de leur Armée et de la
société européenne environnante qui vivaient dans un « totalitarisme
ambiant ») , ils n’ont pas découvert le mal, ils
étaient plongés dedans »….plongés « dans la violence extrême »,
perdant sans le savoir , et pour les plus faibles psychologiquement , « toute
humanité » à l’endroit des « Arabes ». « Tous des « fells » qu’il fallait éliminer ! »
« Je
n’avais jamais pensé que la méchanceté des hommes pouvait aller
jusque-là : tuer pour le plaisir de tuer » écrit, dans une de ses
lettres, un prêtre rappelé en Algérie.
Bien après le retour au pays
natal, « l’inhibition de la honte » a conduit inexorablement, de
leur vivant, « au néant » et à
leur départ vers l’au-delà , « en enfer ».
Bon voyage du fond du cœur ! A tous ceux qui ne se sont pas repentis…..en
n’oubliant que parmi les appelés (dont un fameux collectif de trente-cinq des
cinquante-cinq prêtres rappelés) ) ,
beaucoup furent ébranlés dans leur foi et leur amour du prochain ,
s’insurgèrent et osèrent dénoncer publiquement les exactions et les pratiques
honteuses de l’armée française (comme Jean Muiller ,
un ancien de la Route des Scouts de France, comme les cent cinquante militaires
qui assistèrent à la messe de Saint-Séverin le 29 septembre 1955…..). Ils
furent poursuivis par la justice, emprisonnés ou affectés dans des sections
difficiles. Il fallait bien s’en débarasser et rien
de tel qu’une « embuscade » …avec
des balles qui ne se perdent pas.
Avis : Un auteur engagé qui , déjà en
1960, avait publié un ouvrage Le Gâchis, un ouvrage rapidement interdit.
Appelé du contingent en Algérie en
1957-1958, il y racontait « sa » guerre ,
sous le pseudonyme de Jacques Tissier. Une photo
terrible : un gamin (arabe, bien sûr) de douze ans à qui l’on fait porter un poste radio de
dix-huit kilos, qui « ouvre la route » et « nous protège
de possibles mines » . A l’arrière, on aperçoit
les soldats .
Phrases à méditer : « Il est plus facile de tuer
arbitrairement, de torturer, que de faire un travail humain de respect de
l’individu » (p. 220), « Le traumatisme psychique se vit en silence,
quelquefois jusqu’à la mort, lorsque le poids du souvenir devient
insupportable (p.15), « On ne guérit que lorsque les choses sont dites……Il
faut une reconnaissance des actes commis et subis » (p.249), « Les peuples aiment mieux se souvenir
des pages glorieuses que de leur histoire
que des pages honteuses » (p. 275, Tzvetan
Todorov dixit) et « le déni de la torture et des exactions pendant la
guerre d’Algérie n ’est-il pas un déni de l’oppression et de
l’exploitation de la colonisation ? » (p. 310)