VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN TAHAR OUETTAR-
« LE PÊCHEUR ET LE PALAIS »
Le Pêcheur et le Palais. Un roman de Tahar Ouettar (traduit de l’arabe
par Amar Abada)
. ENAG Editions. Alger
2002 (1ère édition en arabe, 1979, sous le titre Hawwat
el Qasr).127 pages, 250 dinars
Le roman, traduit pour la première fois en
français, à l’occasion de « l’Année de l’Algérie en France », est un véritable
conte tragico-féérique qui n’a ni temps ni lieu.
Ali, le pauvre mais honnête pêcheur, originaire de
la Cité de la Réserve et de la Franchise veut prouver sa fidélité à son Roi
(qui venait d’échapper à un attentat ( ???) et , pour lui apporter un beau
cadeau (un poisson, pardi !), il doit traverser six autres Cités, chacune
porteuse d’une qualité ou d’un défaut :Dans le désordre, celle des Ennuques,
celle des Favorites et de Cocus, celle des Ascètes et de Mystiques , celle des Coliqueux qui passent leur temps à
questionner, celle des Ennemis et du Refus , celle de Serviles…Arrivé au
Palais, réputé impénétrable, malgré son respect pour le Roi et le système, il
est traité « comme il se doit ». Mais il ne se décourage pas ! Il reviendra. Re-belote !
Il arrivera , enfin, grâce à sa foi, au peuple des
Cités et surtout aux gens du Refus , à réveiller les cœurs et à découvrir , la
supercherie…qui finit dans le sang….mais aussi dans l’espoir car les audacieux
et les francs gagnent toujours, n’est-ce-pas ? Même lorsqu’on est trahi par ses
propres frères, issus du même ventre et de la même Cité.
Il y avait quelque chose de « pourri » dans le
royaume Ouettarien.Un conte macabre mais tellement
réel, hélas. C’est certainement pour cela que le style est direct, sans
fioriture, souvent brutal. Une écriture « militante », à qui l’auteur donne un
habillage philosophique et poétique. Il est vrai qu’à la fin des années 70, on
était libre de …rêver…seulement.
Avis : A re-lire pour ceux qui
l’ont déjà lu. A lire calmement et patiemment, pour tous les autres (les
francophones en particulier, surtout ceux qui ne portent pas Ouettar dans leur coeur), car c’est un conte assez compliqué
, mais ô combien instructif sur la (nouvelle) vie politique de l’époque
(à signaler que Houari Boumédiène est mort fin 1978
et une nouvelle « ère » commençait). Sacré Ouettar,
tout en étant « contrôleur du Parti »…..unique, le FLN, il a su contourner
l’écueil. Il est vrai que nos dirigeants ne lis(ai)ent pas beaucoup de livres…. sauf s’ils sont édités à
l’étranger….et ils étaient beaucoup plus occupés à consolider leur ( nouveau)
pouvoir. Un livre qui pourrait se transformer en un film grandiose de « cape et
d’épée ».
Phrase à méditer : « Je suis certain que sa Majesté n ’admettra
jamais qu’on lui obéisse d’une façon aussi dégradante. Seulement, est-ce que
des sujets qui ont vécu au milieu des ordures peuvent prétendre à la dignité et
à l’honneur ? »