VIE POLITIQUE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- HIRAK 2019-
DECOMPTE MANIFESTANTS- DJAMEL LABIDI
() Djamel Labidi/Le Quotidien d’Oran, jeudi 3 octobre 2019
Hirak: du nombre de manifestants et de son
rapport avec la démocratie
Dans les
pays démocratiques, des chiffres sont
donnés concernant le nombre de
personnes participant à une
manifestation. Ils sont un élément d'information important de l'opinion
publique et ils ont donc une importance sociale et politique. Ils font donc
toujours l'objet de vives polémiques entre partisans et adversaires d'une manifestation,
entre services officiels et organisateurs. Mais chez nous rien de cela à propos
des manifestations ayant lieu au titre du Hirak. Aucun chiffre aussi bien des
autorités que des médias, des partis et divers protagonistes. Ces chiffres
auraient été utiles pour suivre l'évolution du Hirak, d'un Hirak, au départ,
largement consensuel à, comme maintenant, surtout des manifestants hostiles aux
autorités actuelles et opposés à leur démarche de sortie de la crise. Sur une
même manifestation, notamment le mardi et le vendredi, on peut lire ou entendre
des évaluations aussi diverses et contradictoires que «des centaines», «des
milliers», des «dizaines de milliers», ou même, lorsque la mobilisation est
manifestement importante, des «centaines de milliers», des «millions». On parle
alors, à la place de chiffres, de «tsunami», de «raz de marée». Il a été dit,
certains jours, que la moitié des Algériens avaient manifesté. Dans d'autres
cas, les appréciations, les impressions, les opinions ou tout simplement les
prises de positions suppléent à l'absence de chiffres, on parle alors dans des
journaux ou des sites de «manifestations monstres des étudiants», de
«manifestants déterminés», de «mobilisation massive» etc.. Pourquoi cette
absence de chiffres ? La question reste ouverte.
J'ai donc voulu essayer d'en savoir plus car il est possible,pour tout un
chacun, de se faire au moins une idée à ce sujet. J'ai pris à cet effet la
méthode la plus simple, la méthode la plus accessible en première
approximation, la «méthode de Jacobs». Elle est basée sur la densité des
manifestants sur une distance donnée lorsque celle-ci est connue et que les
manifestants se massent sur un lieu comme c'est le cas, à Alger, pour la
plupart des manifestations du Vendredi. Prenons celle du 31éme Vendredi car on
avait parlé à son sujet d'une mobilisation particulièrement forte et il y a des
images prises de haut concernant la surface occupée par la manifestation.Il y a
500 m de la «Grande poste» à la «place Audin», distance sur laquelle se massent
en général les manifestants. Prenons plus large, 850 m soit jusqu'au
cinéma»L'Algéria». On évalue en général, en moyenne, la densité à deux rangées
de manifestants par mètre et à 10 manifestants par rangée. Cela donnerait 850 x
20= 17 000 manifestants dans une hypothèse basse. Dans une hypothèse haute, en
calculant large, bien que la rue Didouche soit une voie étroite par rapport aux
avenues d'autres grandes capitales, on aurait trois rangées de manifestants par
mètre et 15 manifestants par rangées, c'est-à-dire 45 manifestants par mètre.
Cela fait donc 850x 45 = 38 250 manifestants.
Dans les deux cas, le résultat est surprenant, bien loin de tout ce qui est
dit. Mais poursuivons: comme il y a 8 millions d'habitants dans l'agglomération
d'Alger, les manifestants actuels représentent, dans l'hypothèse la plus haute,
moins de 0,5% (0.48 % exactement) de la population d'Alger. Et si on applique
ce taux à l'ensemble des 44 millions d'habitants du pays, on pourrait évaluer
le nombre de manifestants à l'échelle nationale à 210 375, ce qui est
évidemment surestimé car il n'y a pas partout des manifestations, notamment
dans les campagnes. Certes ces calculs sont contestables. J'invite d'ailleurs
tous ceux qui voudraient les contester et les corriger, à le faire. Un débat à
ce sujet pourrait être utile et fructueux. Il y a, pour cela, un ensemble
d'outils à cela qu'on peut trouver à l'adresse URL suivante:
https://gjsciences.com/2019/01/17/pourquoi-ce-blog-comment-les-comptages-sont-calcules/
On trouve tout sur Internet...
0,5% des habitants du pays peuvent-ils décider à la place de l'ensemble des
citoyens ? Même si on multipliait les chiffres donnés plus haut par deux ou par
trois, ce qui serait énorme, le problème resterait entier: les manifestants,
par définition d'ailleurs, constituent une minorité de la population. Mais il
faut prendre en compte que cette minorité a fait preuve d'une constance et
d'une combativité remarquables semaine après semaine.
De plus une minorité active de manifestants peut représenter l'opinion de la
majorité de la population.
Cela peut être le cas mais cela aussi peut ne pas l'être. Comment le savoir ?
Évidemment par le vote, par les élections, bref par la démocratie. La question
est incontournable. On a alors peut être là une piste pour la réponse à la
question posée plus haut: Pourquoi l'absence de chiffres sur le nombre de
manifestants ? Cela arrangerait-il qui ? Peut-être tout le monde.