VIE POLITIQUE- ENQUETES ET
REPORTAGES- TLIBA BAHAEDDINE (DEPUTE APN)
- Le député Tliba Bahaeddine
face à la justice : Un homme de main à l’ambition démesurée
Baha Eddine Tliba
© Mohamed Fawzi Gaidi, El Watan
, mardi 11 septembre 2019
A la demande
du ministère de la Justice, le bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN)
a examiné, avant-hier ( dimanche 8 septembre 2019) ,
la procédure de levée de l’immunité parlementaire du député FLN de la wilaya de
Annaba, Baha Eddine Tliba.
Selon des sources judiciaires, ce
dernier est présumé accusé de «financement occulte» de la campagne électorale
de l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika et des listes de son
parti lors des campagnes électorales pour les élections législatives et locales
de 2017. Et c’est le fils de l’ex-secrétaire général du parti FLN, Omar Skander Ould Abbès
– en prison avec deux complices depuis le 13 juin – qui serait derrière ces
accusations.
Selon des sources proches de ce
dossier, le député Tliba avait déposé plainte contre
le fils de Djamel Ould Abbès
en février 2017. Auditionné par la gendarmerie, il l’avait accusé de l’avoir
approché à l’effet de «payer» une place confortable sur la liste des candidats
FLN à la députation.
La perquisition par les éléments de
la Gendarmerie nationale du domicile de Omar Skander Ould Abbès, à Club des Pins,
avait permis la saisie d’importantes sommes d’argent en monnaies nationale et
étrangère. En effet, la police judiciaire avait requis, lors de la présentation
des prévenus devant le parquet du tribunal de Chéraga,
de «saisir les éléments de preuve consistant en un montant en monnaie
nationale de près de 50 millions de dinars et un autre en devises de
200 000 euros». Depuis le début de la chasse à la
îssaba (bande) initiée par Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP, des voix se sont
élevées pour réclamer la tête de ce jeune homme d’affaires dont les parcours
politique et économique ont défrayé la chronique.
Né à Annaba, Baha
Eddine Tliba, 41 ans, est originaire de Oued Souf. El Hadj, comme on aime l’appeler, a suivi des études
en informatique à l’université Badji Mokhtar de Annaba. Encore jeune, il s’est initié au monde
de la politique. Il a fait ses débuts en 2002 à Ouargla, où il était le plus
jeune membre, à deux reprises, de l’APW de cette wilaya du Sud. Son retour au
bercail coïncidait avec les législatives de 2012, où il avait été élu député
sous la casquette d’un parti méconnu, le Front national démocratique (FND).
A l’APN, Tliba avait vite rejoint le FLN, ce qui lui avait permis
d’être nommé membre du comité central du parti. Mieux, il s’est hissé dans les
responsabilités politiques, occupant le poste n°2 de vice-président de l’APN
sous Ould Khelifa. Ses
contacts avec la haute sphère se sont multipliés rapidement. Il a eu également
un rôle dans l’opération de démantèlement du DRS, dans le sillage des attaques menées notamment
par Amar Saadani, alors secrétaire général du FLN, à
travers un média audiovisuel acquis, où il a tiré à boulets rouges sur le
général-major Toufkkf Mediène.
Ses adversaires politiques ont connu aussi le même sort, dont Louisa Hanoune du PT, Ahmed Ouyahia du
RND et le dernier en date, Ali Guediri, candidat
malheureux à la présidentielle annulée.
Ses
difficultés politiques ont commencé avec Ould Abbès, alors secrétaire général du parti FLN. Lors des
législatives de 2017, le fils de ce dernier aurait proposé à l’homme d’affaires
«d’acheter» son siège à l’APN, sous peine d’être rejeté par son père. Dénoncé
aux services de sécurité, il a connu le sort qu’on sait. Son intention de
réitérer l’appel à un 5e mandat en faveur de Bouteflika a
aggravé ses liens avec celui qui croupit actuellement à El Harrach.
Ce qui lui
a valu de passer devant la commission disciplinaire de l’ex-parti unique. Par
ailleurs, la «success story» de Tliba
Baha Eddine n’était pas seulement dans le domaine
politique. Son choix professionnel était l’architecture, qu’il exerça d’abord
comme directeur du bureau d’études architecturales SETO à Ouargla, qu’il a
acquis dans le cadre de la privatisation auprès de la Société de gestion et des
participations (SGP). Des projets, le «golden boy» en a beaucoup et un peu
partout, accordés par une administration acquise. Le dernier en date est le
suivi du projet de l’hôtel Sheraton International de Annaba, à travers son
bureau d’étude SETO.
En un
temps record, Tliba a connu une ascension fulgurante
dans le monde des affaires, particulièrement dans le secteur de l’habitat.
Profitant de la crise du logement, il a érigé plusieurs promotions immobilières
à Annaba, dont la plus célèbre et contestée est celle de la cité Beni M’haffeur.
Interrogé
en avril dernier par un média audiovisuel, au lendemain de l’incarcération de
quelques membres de la îssaba, le député Baha Eddine Tliba a répondu
fièrement : «J’informe tous les Algériens
que je n’ai jamais bénéficié d’un prêt bancaire auprès d’une quelconque banque,
publique ou privée. Je ne dispose également d’aucun bien mobilier ou
immobilier, encore moins d’un compte bancaire à l’étranger.
Dans toutes
mes activités professionnelles et politiques, je n’ai jamais eu recours à un
transfert en devises vers ou de l’étranger. Toute ma fortune est le fruit de
mon travail.» Son nom et son image restent pourtant parmi les symboles
«populaires» des sulfureuses et douteuses carrières érigées à l’ombre du régime
Bouteflika.