HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ROMAN NASSIRA BELLOULA- « TERRE DES FEMMES »
Terre des femmes.Roman de Nassira Belloula.Chihab éditions, Alger 2014, 185 pages, 750 dinars
Cinq générations (Hadda la maman et Zana la tante protectrice , puis Zwina
la fille obligée de fuir le village , puis
Tafsut, puis Yélli,
puis Tadla, puis Aldjia , puis Nara...... des femmes,
belles et rebelles, de femmes-courage, de femmes combattantes.....résolues et
tenaces. Même fougue, même détermination, même art de la séduction et poigne
d’autorité, attisant admiration, peur et crainte. Dignes filles de l’Aurès.
Contre l’occupation coloniale, contre les mœurs conservatrices des hommes (pas
tous) , contre
tous ceux qui ne sont pas pour la liberté, celle de la femme y compris.
Le village pacifique de Nara, « niché
au-dessus d’une eau tourbillonnante, avec ses tours de pierre
, sentinelles millénaires » est brutalement transformée en ruines ,
fin décembre 1849, par les troupes « roumies».
Car, il avait porté secours aux Zaâtcha et son « cheikh », au service des
français, avait été tué par les administrés .A la grande fureur du Colonel
Canrobert (qui commandait alors la subdivision de Batna) .
Les années 1840. C’est la fuite de Zwina,
bent Meddour Chriff , , à peine âge de seize ans, aidée par son
« amoureux », Kada, un futur fameux bandit d’honneur.
Les années 1850. A Tagoust,
un autre village des Aurès.....Une vie presque tranquille auprès de Kada, devenu Yacout. Et de Tasfut. Avec la
haine des « burnous rouges » des caïds
Les années 1870 : sur les rives de
l’oued Maâfa. Yelli était
née en 1866...car Tasfut s’était mariée à Nouader. ....Encore une histoire d’amour, Yelli, des Ouled Meriel ,
s’amourachant de Ayache, d’une tribu rivale et pas commode du tout. Tadla
naquit.
Les années 1910. Devenue veuve (son mari
ayant été assassiné par un rival éconduit), Yelli se
réfugie à Mac-Mahon (village créé en 1872), puis à Batna, au village Nègre. Une
précision ici : selon l’auteure , p 64, Batna
est, à l’origine, un camp militaire (créé le 22 juin 1844) et le nom dérive de Bat-hna (« nous allons dormir ici »).
Les années 1940 (temps chaud de la prise de
conscience sociale et politique du peuple opprimé et oppressé)
, Aldjia , la fille de Yelli
lycéenne, devient militante au sein du Nidham,
dans le mouvement national contre la colonisation. Elle épouse Arif, un autre
militant très actif......et très absent. Clandestinité et préparation de déclenchement de la guerre de libération
nationale obligent . Nara naît .
Plus tard et dans des circonstances un peu
confuses donne naissance, , cent vingt –six ans après
la naissance de Zwina, en plein maquis, ....d’un
garçon. La filiation féminine est rompue. Prémices d’une nouvelle ère ?
Question que l’auteure laisse en suspens, laissant planer un doute.
L’Auteure : Journaliste, ayant travaillé dans plusieurs
quotidiens d’information algériens, actuellement installée au Canada. A son
actif, plusieurs ouvrages : romans (dont « Aimer Maria », Chihab éditions, Alger 2018, déjà présenté in « Mediatic »), poésie, essais....
Avis : Un beau roman chantant le
courage des femmes des Aurès à travers l’histoire, tout particulièrement durant
la nuit coloniale. Avec une pointe féministe qui est, en fait, seulement, un
regard de grande fierté à l’endroit des aïeules. Et, aussi et surtout, mis à
part la dénonciation des habituels « machos » du coin (qui,
d’ailleurs, finiront toujours mal, punis
comme il se devait ), un penchant pour les hommes
« compréhensifs ».
Extraits : « Dans ces Aurès, si la fureur de vivre succédait à la fureur
d’aimer, et à la fureur d’aimer succédait à celle de la révolte, d’autres
fléaux et d’autres désastres s’abattaient sur les monts » ( p 63), « Qu’elle était belle sa patrie vue d’en
haut !Dieu l’avait-il enveloppée de ses ailes
protectrices ?L’avait-il dotée de cette lumière si cristalline, si intense
qu’elle éblouissait les regards posés sur elle » (p 90)
Citations : « Ici, en ville les choses étaient laides, tout était en pierres,
même les hommes et les femmes lui semblait-il , puis
il y a avait trop de roumis. Le
ciel constamment pâle, lui refusait la couleur de sa terre. Là-haut, dans ses
montagnes, elle était si près de Dieu » (p 119) , « Sur ces Aurès farouches et indomptables, elle (Aldjia....Village Nègre, Batna, 1940) )
se sentit forte et la digne héritière des aïeules . Elle se devait aussi de
tisser sa propre légende pour alimenter
la trame du récit des siennes. Le cercle continuera donc à tourner , sans
jamais se rompre » (p 123), « Excitée par le sang des innocents et
les cris des guerriers d’une nouvelle race, la nuit coloniale s’était faite
répression et désolation » (pp 146-147)
06/09/2019
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