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Mémoires Said Boukhelifa- "Mémoires touristiques algériennes."

Date de création: 24-08-2019 18:48
Dernière mise à jour: 24-08-2019 18:48
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TOURISME- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- MÉMOIRES SAÏD BOUKHELIFA- « MÉMOIRES TOURISTIQUES ALGÉRIENNES...... »

Mémoires touristiques algériennes, 1962-2018.Souvenirs, témoignages, portraits , statistiques.  Essai de Saïd Boukhelifa (Préface de Abderrahmane Berrouane, dit « Saphar ») .  Edition à compte d’auteur, Alger 2019, 639  pages, 1650 dinars.

Au total, l’Algérie, durant l’été 1962, a hérité de la France coloniale, 5 922 lits se répartissant ainsi : 2 969 pour le balnéaire (mer), 2 377 pour l’urbain, 486 pour le saharien (Oasis et Saoura)  et 90 pour le climatique (Chréa, Blida et Seraidi/Annaba) ...ajoutez-y l’ensemble des bars, brasseries et  restaurants des grands centres urbains. Un patrimoine géré par l’Onat, rattaché au ministère de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme....confié alors à......Abdelaziz Bouteflika. Siège du ministère : au sein du supermarché « Bon Marché » (2è et 3è étages) , rue Ben M’hidi (ex-Isly) .....qui comportait en son étage un restaurant –bar fameux , l’Alhambra.

L’Algérie était alors (durant la colonisation), et longtemps, surnommée la « Californie africaine » ....chaque année voyant plus de 50 000 touristes étrangers accoster le long des côtes maritimes

1965 : le président Boumediene aurait déclaré (selon Lacheraf) que « le développement de l’économie du tourisme en Algérie risquait de favoriser un nouvel impérialisme ». La messe était dite ! Elle sera répétée en 1978 (« dans l’euphorie ambiante de la Charte nationale »,  puisque le ministre de l’époque était allé jusqu’à dire que  les touristes étrangers « nous amènent, par leur comportement indécent ,  leurs microbes » ). Il était objectivement impossible  de développer un secteur basé sur le « bien voyager », le « bien se détendre », le « bien s’amuser », le « bien manger », le « bien curieux des sites et des musées ».....avec une conception (officielle, cela va de soi !) de  vie austère et fermée au monde et à l’étranger, sans cesse  suspectés de tous les maux, de tous les complots  et de tous les vices.

Résultat des courses : Malgré des Chartes et autres recommandations politiques se référant au  tourisme (66, 76, 80, 86..), malgré l’existence de cadres bien-formés (au départ à l’étranger , et appuyés par des personnels ayant une forte expérience du terrain), malgré quelques dirigeants ,qualifiés, par l’auteur, d’exception, le tourisme algérien ne « vit » que le temps de passage d’ « hirondelles ».Tout particulièrement durant les années soixante-dix où on «apprenait à faire du tourisme » avec un ministre qui avait quand même duré, Abdelaziz Maoui. C’était le temps de Pouillon, l’architecte,  et de la construction des grands complexes.

Vint une deuxième phase, celle de la déliquescence , entre 81 et 86, suivie d’une embellie furtive. De courte durée.....puisque la décennie rouge a suivi.  La promotion du pays était alors faite par le terrorisme islamiste qui a fabriqué au pays une « image irakienne » . La crise dura jusqu’en 2003.Plus de touristes étrangers et les Algériens préféraient se diriger vers d’autres cieux plus « californiens » , moins chers , plus accueillants et plus tolérants..

Par la suite, avec un système et des gouvernements qui n’arrivaient (ni ne voulaient ?) s’affranchir du modèle économique rentier (facilité par l’embellie financière générée par les prix élevés du pétrole) se suffirent d’actions plus politiciennes que promotionnelles, toutes circonstancielles et sans retombées durables sur l’économie du  tourisme national. 2 400 agences de voyages, succursales incluses.....pour 3 000 touristes étrangers (les vrais !)... contre 156 000 en  1975 pour la seule Altour ...... 3 000 reçus en moyenne, entre 2005 et 2018, en voyages organisés et 140 000 lits d’hôtels dont 5% seulement peuvent être proposés au marché international de tourisme. Maroc : 1 400 agences pour dix millions de visiteurs/an et 230 000 lits. Tunisie : 900 agences  pour 7 millions de touristes/an  et 220 000 lits sont 90 % en normes internationales  (Préface, p10). Il est vrai qu’en « absurdie » algérienne,  « le mot tourisme n’existait pas dans le dictionnaire des décideurs Algériens »...et on en est , aujourd’hui encore, à la recherche d’une « politique introuvable ».....se contentant de replâtrages des façades, allant de  restauration en restauration et  de constructions de nouveaux hôtels........ qui seront à moitié vides, même en saison « haute ».

Une partie assez importante de l’ouvrage est consacrée aux personnalités et /ou personnages qui ont « marqué » (en bien ou en mal ou en très mal )  le tourisme national dont  les guides du Sud et du Nord......Une galerie de portraits riches en informations ; pour certains compétents ou sympathiques et pour d’autres, dinosaures indéboulonnables, franchement détestables.....On y retrouve même des noms qui font désormais la Une des chroniques judiciaires.

Il y a , aussi, une partie parmi les plus succulentes, celle consacrée (p 217 à 286) aux « anecdotes insolites et affriolantes à ne pas raconter » , allant de la mésaventure du Club Med à Tipasa et de l’officier éméché qui sort son arme, aux touristes étrangers « foutus » dehors de leurs hôtels (car réquisitionnés !) en passant par le « topless » des Suédoises et par Chadli qui découvre la triste réalité touristique à Tipasa Matarès et à l’Aurassi. On comprend mieux pourquoi le tourisme national n’a jamais décollé ou alors s’est « crashé » plusieurs fois. Il est vrai que ce n’est pas le seul secteur à connaître de telles (més-)aventures !

 

Extraits :  « Du côté   tunisien et marocain, il n’y a pas eu d’atermoiements, ni de tâtonnements, ni de plans tirés sur la comète, ni de péroraisons oiseuses qui ont caractérisé le tourisme algérien au cours de cette longue période blafarde et glauque à la fois, 1981-2016 » (p 115),  « Sommes –nous capables de refaire cette Algérie, cet Alger image de la beauté, de la poésie, du rêve d’un pacte culturel africain ? Sommes-nous capables de re-sculpter cette belle mémoire, cette belle histoire ? Et qui se souvient du Festival Panafricain de 1969 ? Qui se souvient des noces africaines  à Alger ? » (p 108),  « L’Etat , ce grand mammouth givré et les pouvoirs publics continuaient jusqu’en 2018, à nous conter fleurette. Le vaisseau algérien étant amarré, au quai de l’oubli depuis belle lurette »(p 215), « Nos voisins et amis de l’Est et de l’Ouest n’ont pas à s’inquiéter du réveil touristique algérien, plongé dans une léthargie endémique depuis trente ans !Sursautant de temps à autre, le tourisme algérien étant ainsi devenu le roi des sursauts éphémères. Le tourisme algérien a perdu ses lunettes depuis longtemps ! Ni lisibilité, ni visibilité ! (p 570)

L’Auteur : Diplômé de l’Ecole supérieure de Tourisme d’Alger (j’ai remarque que les premières étudiantes ne sont venues qu’en 81/83, la sixième promotion....Un secteur misogyne ?), ancien directeur commercial de l’Onat, ancien assistant du Touring club d’Algérie (Tca), ancien conseiller au ministère du Tourisme, expert international......

Avis : Informatif et didactique.....Tout, tout sur le tourisme algérien....et de bien d’autres pays dont les voisins. Des interrogations et des propositions. De la nostalgie, des regrets, des reproches et des « piques » assassines  mais aussi  de l’admiration (pour les pionniers).....Peut-être un peu trop de chiffres et de digressions (toutes attractives pour ceux et celles qui ,en ces temps de Hirak, sont curieux de la vie des hommes qui ont « fait » ou « mé-fait » le secteur) qui éloignent de l’essentiel ? Dans tous les cas , c’est un livre de chevet obligatoire car incontournable  des étudiants en tourisme.....et bien utile aux responsables , actuels ou futurs,  du secteur où qu’ils se trouvent....ne serait-ce que pour ne pas commettre les mêmes bêtises que leurs prédécesseurs et préparer (avec d’autres secteurs porteurs d’espérances) le pays à l’après-rente pétrolière.

Bref ! un « ouvrage qui a restitué la « boîte noire » du crash du tourisme algérien » (p 619).

 Citations : « Parmi les membres du Conseil de la Révolution, il y avait des cultivés et des incultes, ceux qui avaient le savoir vivre et ceux qui étaient rustres. Au sujet du lancement d’une politique de développement touristique, ce conseil avait opté pour une position « Volens Nolens » (voulant, ne voulant pas) » (p 46), « De nos jours, notre pays est composé d’îlots d’intolérance, de corruption, de rapine, de saletés, de pendus-suicidés, d’immolés.....à cause de la non-gouvernance ou de la mal-gouvernance » (p 126) , « Certains chez nous jouissent par le fait d’interdire, il serait souhaitable de leur « castrer cette jouissance nihiliste » (p 551)