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Brookings Institution,août 2019
Les manifestations continuant en Algérie
malgré le départ d’Abdelaziz Bouteflika, le think
tank américain Brookings Institution a analysé la situation dans le pays et
réalisé un sondage pour savoir ce que voulaient les manifestants, notant que
leurs positions étaient très proches de celles des soldats et officiers
subalternes.
Depuis le mois de février, les Algériens descendent chaque semaine dans
la rue pour exiger des changements. Mais après avoir réussi à évincer Abdelaziz
Bouteflika, qui était au pouvoir depuis près de 20 ans, les manifestations se sont
poursuivies pour réclamer le changement de
l'ensemble du système au pouvoir. Que veulent les manifestants algériens
aujourd’hui? Le think tank américain Brookings
Institution a tenté d’apporter des réponses avec un sondage.
L’enquête menée en ligne entre le 1er avril
et le 1er juillet auprès de 9.000 personnes inclue également 1.700 militaires.
Manifestants
et rangs inférieurs de l’armée
Il s’avère que la plupart des sondés veulent
une refonte complète du système politique. Les manifestants soutiennent la
contestation à 80-90% et c'est également le cas d’une partie des militaires.
Les rangs inférieurs de l’armée soutiennent
les manifestations et leurs objectifs, notent les auteurs de l'étude.
Cependant, «les officiers supérieurs y sont
nettement moins favorables, de 20% à 30%, et sont plus prudents»,
constatent-ils.
Ce
qui, selon les auteurs du sondage, «limite probablement la capacité du général
Ahmed Gaïd Salah à réprimer le mouvement de
protestation.»
C’est ensemble que les manifestants et les
soldats ont soutenu le départ du Président Bouteflika, mais seulement 37% des
sondés veulent une comparution de l'ancien chef de l'État devant la justice.
En ce qui concerne l'économie, 70% des manifestants, soldats et
officiers subalternes considèrent la santé économique de l'Algérie comme «très
mauvaise» et la corruption «très élevée».
Personnalités populaires
Les experts de Brookings Insitution
se sont également intéressés aux éventuelles candidatures du nouveau chef
d'État.
Dans
l'opposition, c'est l’économiste Fares Mesdour qui a obtenu le plus grand nombre de voix, avec le
soutien de près de 25% des sondés. Mais il y également des noms connus de la
politique algérienne, comme l’ex-Président
Liamine Zeroual qui a bénéficié du soutien de 36 % des
manifestants parce que, selon les auteurs du sondage, il n'a pas servi sous le
régime de Bouteflika et a toujours préféré la négociation avec les factions
islamiques plutôt que leur éradication pendant la guerre civile des années
1990. Une attitude qui, d'après les spécialistes de Brookings, lui permet
d'incarner le consensus et le rend apte à mener une transition. L'ex-ministre
des Affaires étrangères, Ahmed Taleb Ibrahimi, et
l'ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour, sont
également cités par les sondés.
Sur les intentions de vote, Ahmed Taleb Ibrahimi,
Fares Mesdour et Liamine
Zeroual rassemblent chacun environ 10% des voix contre 6% pour Ahmed Benbitour. Le chef de l'armée, Ahmed Gaid
Salah, ne bénéficie pas d’un grand soutien en tant que
candidat à la présidence et ne récolte que 4% des suffrages. Cela indique que,
même si les Algériens le soutiennent et ne veulent pas qu'il soit démis de ses
fonctions dans l'armée, ils n’en veulent pas comme Président, notent les
experts.
Ils font remarquer que les dirigeants des partis
politiques islamistes sont quasi-absents du sondage. Ainsi,
le meilleur sur la liste, Ali Belhadj, chef du Front islamique du salut (FIS),
a reçu une cote de soutien de seulement 1,2 point sur 5.
Toutefois,
au moins un tiers des Algériens n’a exprimé son soutien à aucune des
personnalités citées. Près de la moitié ne sait pas pour qui elle votera et un
quart n’a pas l’intention de voter du tout.
«En
d’autres termes, plus des deux tiers des sondés estiment qu’aucun des partis
politiques existants ne mérite leurs votes», constatent les experts.
Concernant celui qui est considéré comme
l'actuel homme fort du pays depuis la démission d'Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Gaïd Salah, seulement 24% des sondés souhaitent sa
destitution. Dans ce contexte, les manifestants sont trois fois plus favorables
à son renvoi que les officiers supérieurs de l'armée, à 29% contre 10%.
Armée et
société civile
Le think tank
américain a également observé la relation entre l’armée et la société civile.
Ainsi, de 45 à 50% des militaires sont
«d'accord ou fortement d'accord» pour que l'armée joue le rôle d'arbitre sur la
scène politique. Or, les civils ne souhaitent pas «lui accorder un droit de
veto sur les décisions économiques», bien que, depuis 1962, l'armée se soit
souvent retrouvée au cœur de la vie politique.
Enfin, environ 90% des manifestants, des
soldats et des officiers subalternes ont estimé probable ou très probable que
la transition aboutirait à la démocratie.