ECONOMIE- ETUDES ET ANALYSES- CRISE
ECONOMIQUE- ETUDE CARNEGIE MEC/ALGERIE 2019
(c) Synthèse Nadjia Bouaricha, El Watan, jeudi 8 août
2019
Une analyse
du Carnegie Middle East Center (début août 2019) prédit une crise imminente
pour l’Algérie et ce, à cause de l’impasse politique qui laissera place à une
grave menace d’effondrement économique. «Depuis six
mois, l’Algérie est secouée par des manifestations de masse
pacifiques. Cependant, les progrès ont été freinés par deux choses. L’armée,
véritable centre du pouvoir en Algérie, tient fermement à l’organisation
d’élections dans les conditions actuelles… Dans le même temps, les manifestants
n’ont pas été en mesure de nommer des représentants ou des médiateurs capables
de parler en leur nom et de formuler des revendications réalistes», explique l’analyse réalisée pour le centre d’étude de
Carnegie situé à Beyrouth, signé par Dalia Ghanem et Omar Benderra.
Cette
situation d’impasse et de blocage est alarmante «compte tenu de la crise économique imminente qui ajoutera une
couche de complexité à une situation déjà compliquée», note le document publié par le Carnegie Center. Les auteurs
alertent que ce «n’est qu’une question de
temps avant que les revendications politiques du mouvement de protestation
s’étendent à l’économie. Les futurs dirigeants vont devoir faire face à de
sérieux défis financiers dans un pays qui est dépendant de l’énergie depuis des
décennies, avec un système économique qui semble de plus en plus intenable en
raison de son incapacité à introduire la diversification». Le Carnegie Center poursuit son examen de la situation
économique et relève que la structure de l’économie algérienne est
particulièrement vulnérable : «Elle repose
sur la rente et sur l’exportation d’hydrocarbures…Et la part des hydrocarbures
dans les recettes publiques est aujourd’hui extrêmement volatile.» Et de rappeler qu’en 2013, alors que les cours étaient
élevés, le pétrole algérien atteignait en moyenne 110,80 dollars le baril et
représentait 65,4% des recettes de l’Etat. Cette part a chuté de manière
spectaculaire à 33,6% en 2016, lorsque les cours avaient atteint une moyenne de
36,6 dollars le baril. «Afin
d’équilibrer son budget de l’année 2019, le pays a besoin d’un baril à 116
dollars», note encore l’analyse, en
précisant qu’avec la chute continuelle des réserves de change, ce qui restera à
la fin de l’année devrait couvrir treize mois d’importations. «Comme l’Algérie importe 70% de ce qu’elle consomme, cela aura des
répercussions sociales importantes», prédisent
les auteurs de l’analyse.
Le
Carnegie Middle East Center rappelle que le gouvernement avait eu recours en
octobre 2017, au financement non conventionnel pour financer le déficit
budgétaire : «Cette mesure peu orthodoxe a
généré un total de 56 milliards de dollars, dont 8,5 milliards en janvier
2019, soit 30% du PIB pour l’année 2018.» Cette
mesure avait permis de couvrir les créances des entreprises publiques mais elle
a eu, comme signalé par les institutions financières internationales, un
effet inflationniste. «L’inflation
a été estimée par le FMI à 4,3% en 2018, et selon les prévisions, elle
passerait à 5,6% en 2019» indique
le même document. «Selon un rapport du FMI de
juin 2018, la situation économique de l’Algérie se détériore inexorablement.
Bien que la croissance du secteur hors hydrocarbures pourrait
être positive, elle n’était que de 2,2% en 2017 et semblait culminer à 4% en
2018. Le taux de croissance global du PIB est encore plus faible en raison de la
contraction de la production d’hydrocarbures, s’établissant en moyenne à 3,5%
de 2001 à 2017, puis à son plus bas niveau au quatrième trimestre de 2017
(0,4%) avant de remonter à 1,2% au dernier trimestre de 2018.».
L’analyse
du Carnegie Center rappelle que «les crises
de la dette algérienne de 1986 et 1994 ont montré la nature des difficultés
auxquelles les dirigeants seront confrontés. A l’époque, le financement des
importations de produits de première nécessité par 21 millions d’Algériens
constituait un défi presque insurmontable. Que se passera-t-il en 2021, avec
une population de 44 millions d’Algériens ? La mise en œuvre d’un
programme d’urgence est la première étape avant de prendre des mesures
structurelles». Les analystes estiment
essentiel de «parvenir à un règlement de la
crise politique actuelle» et
d’avoir une «discussion ouverte sur les défis
auxquels le pays sera confronté» dans
les années à venir. «Tous les
efforts pour réorienter l’économie et augmenter
la productivité doivent être axés sur les jeunes, la ressource la plus
précieuse de l’Algérie», conseille l’analyse, en notant que si
les jeunes ne sont pas impliqués dans la vie politique pour un changement du
système vers une démocratie réelle, leur aversion pour leurs dirigeants risque
de dégénérer et c’est ce qui causerait la fragilisation de la stabilité
nationale.