CULTURE – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH
– RECHERCHE ALI EL HADJ TAHAR – « ENCYCLOPÉDIE DE LA POÉSIE ALGÉRIENNE DE
LANGUE FRANCAISE..... »
Encyclopédie de la poésie algérienne
de langue française (1930-2008). Recherche de Ali El Hadj Tahar (Deux tomes/157 poètes) . Editions Dalimen , Tome 1, 461 pages / Tome 2, 493 pages, les deux pour 2
200 dinars, Alger 2012
On a déjà eu des encyclopédies et
des dictionnaires biographiques sur la vie culturelle du pays, mais c’est, à
mon avis, la première fois qu’une Encyclopédie aussi vaste nous est
présentée…en Algérie, par un auteur Algérien. Un énorme travail abattu : 112
pages pour la présentation avec des textes cours mais clairs qui nous éclairent
sur le cheminement difficile et souvent douloureux ou tragique d’un genre
littéraire encore assez incompris…et pourtant aimé tous les jours (avec un
retour sur « la période coloniale », « les années 1960 », « les années 1970, «
les années 1980 », « les années 1990 et 2000 », mais aussi la « poésie
intellectuelle », les « femmes rebelles et plume au vent »…et , bien sûr,
l’inévitable problématique de « la francophonie »)
L’approche chronologique obéit à une logique qui a permis de cerner tous les
aspects. Elle a permis , à l’auteur , « de chevaucher
les périodes politiques que l’Algérie a traversées et qui correspondent à des
préoccupations esthétiques, philosophiques et morales particularisées et
dominantes dans les littératures qui en sont issues »
Durant la période coloniale, la poésie a été d’abord et avant tout une arme de
combat. Celle des années 60 s’est caractérisée par la revendication et la
définition de l’identité nationale et l’énonciation d’un projet de société . Durant les années 70, il y a fusion des idéaux poétiques avec le projet politique. Durant les
années 80, succession de problèmes .... la paix
sociale est rompue. Malgré tout, une certaine fidélité aux idéaux de justice et
de droit. Les années 90 voit la lutte pour rétablir
l’espoir et exorciser « les noirs desseins qui pèsent sur le pays ».
Chose importante à souligner, la poésie algérienne de langue française a
toujours refusé de se définir par une rhétorique théorisée et balisée à
l’avance dans un manifeste. ….Sa finalité admise, c’est son contenu, qui fuse
dans des mots savants, ou dans le lexique du quotidien des masses
, dans les vers rimés, dans la poésie en prose…Des styles divers…avec
des sujets lisibles, « ce qui la destine au lecteur qui aime le Beau enrobé de
sens ». Profitez-en donc pleinement ! Car, vous avez 157 poètes présentés dans
l’ordre alphabétique, ce qui facilite la recherche : de Abba
Noureddine et Ahmed Aroua à
Zirem Youcef et Jean Sénac,
en passant par Haddad Malek, Hadj Ali Bachir, Kateb Yacine et Safia Kettou : Une bio-express,
l’œuvre poétique, l’œuvre , des poèmes ou des extraits de poèmes…Des vers bien
pleins !
L’auteur termine par une conclusion cependant bien amère. Le militant prenant
le pas sur le chercheur ? : Malgré tout le mal qu’il se donne, le poète (en
français ou en arabe), devenu un exclu et un reclus dont les œuvres ne sont
même pas repris dans les manuels scolaires, n’est pas ,
n’est plus ,comme l’étaient Kateb Yacine et bien d’autres, la conscience de son
peuple …. « les valeurs ayant subitement changé, les
opportunistes et les corrompus (….) devenus les références populaires »….Le
militant a bien raison. Hélas.
L’Auteur : Ali El Hadj Tahar, né le 18
mars 1954 à Merad (Tipasa) est journaliste…mais aussi
peintre ….et, bien sûr, poète
Avis : Digne de figurer dans votre bibliothèque. Et, qui aime (la
poésie et les belles –lettres) ne compte pas, n’est-ce pas ?
Extraits : « Ce n’est pas la faute des militaires si notre
démocratie est encore mensongère, et qui, d’ailleurs , vaut mieux que le repas
de sang et d’intolérance servi à la table des fanatiques « (p 21), « En
s’emparant d’une langue étrangère, les poètes algériens en ont fait un outil
charnellement expressif, profondément lié à leurs racines , à leur âme et à
leur histoire » (p108), « La « démocratie » du dernier despote, au lieu de
permettre le déploiement du génie créateur en est devenue le tombeau et celui
de tous les rêves » (p 112)