CULTURE- ARCHÉOLOGIE- SITE- ALLÉES
COUVERTES D’ATH RHOUNA
Les allées
couvertes d’Ath Rhouna, un des rares sites funéraires
mégalithiques (Méga : grand et lithique : pierre) au monde, situé dans le
village d’Ath Rhouna dans la commune côtière d’Azeffoun (60 km au nord de Tizi-Ouzou), mériteraient une
opération de restauration et de préservation au regard de l'importance
patrimoniale du site.
Appelés aussi «allées dallées» ou encore «tombes géantes», ces monuments
préhistoriques (le mégalithique ayant marqué le passage du paléolithique au
néolithique) qu’on découvre partiellement, dissimulés par la végétation à une
dizaine de kilomètres de la ville d’Azeffoune, sont
des tombes collectives.
Elle sont composées de deux parties dont une supérieure, une sorte de chambre
en forme de couloir construit avec de gros blocs de grés taillés, et recouvert
de grandes dalles dont certaines dépassent 3 mètres de longueur d’où
l’appellation «allées couvertes» donnée par l’archéologue Gabriel Camps qui les
a découvertes en 1953. Cette chambre d’une hauteur de 2 à trois mètres servait
aux rituels funéraires et aux offrandes pour les morts. Le parterre de la
chambre est recouvert, lui aussi, d’énormes dalles qui ferment un long caniveau
de 15 à 18 mètres et de 7 à 8 mètres de profondeur, situé juste en dessous et
qui servait de sépulture pour les morts, découvert lors d’une sortie sur site
au profit d’élèves du CEM d’Ath Rhouna, organisée par
la même direction à l’occasion de la célébration du mois du Patrimoine (18
avril-18 mai).
Dans son ouvrage "Allées couvertes (Kabylie)", Gabriel Camps rapporte
que "ce type très original de monuments mégalithiques, découverts dans le
nord-est de la Kabylie, n’a son équivalent nul part ailleurs au Maghreb alors
que se manifestent certaines affinités entre ces monuments et d’autres aux Iles
Baléares et en Sardaigne, connus respectivement sous les noms de Navetas et de Tombes des Géants", ajoutant que ces
allées, implantées le plus souvent sur des versants à forte pente, ont
nécessité au préalable le creusement d’une large tranchée donnant l’aspect
d’entrée de galerie de mine. Les habitants d’Ath Rhouna
désignent ces monuments sous l’appellation Tikhamine Iroumyen (les chambres des étrangers) en référence à leurs
constructeurs, le mot Iroumyen ayant aussi bien
désigné dans le parler local, les Romains que les Français en référence à
l’étranger qui vient de la rive nord de la Méditerranée.
Selon l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels (OGEBC), ce
type de sépultures n’existe qu’en Kabylie. On les retrouve à Ath Rhouna (Azeffoun), au nombre de
10, dont trois sont des abris naturels qui ont été aménagés et les sept autre
construits. Trois allées similaires à celles d’Ath Rhouna
ont été également découvertes du côté d’Ibarissen à
l’ouest de Toudja (Bejaia) dont une porte le
nom d’Ifri N’Waghzen (la
grotte de l’ogre).
Des ossements humains et d’animaux, particulièrement de moutons qui auraient
été sacrifiés, accompagnés de céramiques à vernis noir, des perles en pâte de
verre et des objets en métal (anneaux, clous) ont été découverts dans le caveau
et dans la chambre. La présence de mobilier récent tel que les perles en pâte
de verre laisse supposer que ces monuments ont continué à être utilisés
longtemps après leur construction.
Selon les explications fournies sur place, un caniveau peut contenir plusieurs
corps enterrés couchés sur le côté avec leurs bijoux et d’autres biens dont des
jarres pour la nourriture. Lors des fouilles menées par des archéologues
français dont Gabriel Camps, il a été découvert dans une sépulture les
ossements d’une femme et d’un enfant. La femme avait été enterrée avec ses
bijoux. Mais aussi du mobilier funéraire dont des poteries. Une partie des
objets découverts dans ces tombes sont actuellement au niveau du musée du
Bardo, a-t-on appris auprès de la direction de la Culture, mais une grande
partie y compris des ossements ont été emportés par des archéologues étrangers,
regrettent les habitants du village. Des vieux d’Ath Rhouna
se souviennent que, lors des fouilles, les archéologues étrangers avaient fait
appel à la main d’oeuvre des villageois. «Nous
creusions jusqu’à une certaine profondeur, puis ils nous demandaient de partir
et de ne revenir que le lendemain. Plus tard nous avions compris que
c’était pour s’emparer des objets et ossements découverts et dont nous
ignorions jusqu’à l’existence", se rappelle Ali, un octogénaire.
Eparpillées sur un monticule au milieu d’une végétation composée
essentiellement d’arbustes et de rares oléastres et frênes, les allées
couvertes d’Ath Rhouna, classées au patrimoine national,
sont relativement protégées par Dame nature qui les cache aux éventuels
visiteurs et par les associations et comité de village d’Ath Rhouna qui, jusque là, ont réussi à les préserver en
interdisant toute utilisation des pierres provenant du site pour la
construction. L’ouverture d’une carrière qui est restée en activité de 1990 à
2007 à proximité d’Ath Rhouna pour les besoins de
construction des ports d’Azeffoun et de Tigzirt, a sérieusement endommagé l’allée couverte.
Les fortes explosions n’ont pas été sans conséquences sur le site
archéologique. Sept tombes ont été déstabilisées selon des témoignages
recueillis et les constatations faites sur place. Les villageois et
l’association Ivahriyen avaient alors saisi la
direction de la Culture et d’autres services pour la fermeture de la carrière.
La direction de la Culture finira par avoir gain de cause en obtenant la
fermeture de cette carrière.