VIE POLITIQUE- ETUDES ET ANALYSES- HIRAK 2019- SONDAGE
BROOKINGS INSTITUTE 2019
(c) Synthèse de Daikha
Dridi- HUff post, jeudi 18
juillet 2019
Selon un sondage mené en Algérie par la
Brookings Institution, la majorité des Algériens interrogés, civils mais aussi
militaires, se disent favorables au hirak et
souhaitent l’avènement d’un gouvernement civil
Le soulèvement populaire algérien, en
cours depuis le 22 février 2019, est très largement soutenu par une écrasante
majorité de civils mais aussi de militaires questionnés en Algérie dans le
cadre d’un sondage de la Brookings Institution, intitulé « Algeria’s Uprising: a Survey of Protesters and the Military »*.
Au sein de l’armée algérienne, 79 % des
soldats et des officiers subalternes interrogés soutiennent les manifestations,
un peu moins parmi les officiers supérieurs, avec 62 %. La majorité des
Algériens questionnés, civils et militaires, estiment que la démocratie est le
bon choix pour l’Algérie.
Une majorité écrasante d’Algériens
questionnés, civils et militaires, sont optimistes quant à l’aboutissement du
soulèvement populaire en une solution pacifique et démocratique pour le
pays.
Le think tank
américain centriste a interrogé 9 000 Algériens vivant en Algérie, parmi lesquels
1 700 militaires
Le départ
du chef de l’état-major de l’armée Ahmed Gaïd Salah
n’est pas une revendication majeure selon ce sondage. Néanmoins, une majorité
de personnes questionnées souhaitent le voir quitter la vie politique.
Ce sont là les grandes lignes des
résultats d’un sondage d’opinion mené du 1er avril au 1er juillet
2019 par ce think tank américain centriste, qui a
interrogé 9 000 Algériens vivant en Algérie, parmi lesquels 1 700
militaires.
Pour contourner la difficulté de la
censure que peuvent connaître les instituts de sondage algériens – ce qui
explique la rareté, voire l’inexistence des sondages d’opinion sur la vie
politique dans le pays – et aussi celle d’avoir accès directement au
personnel militaire algérien, la Brookings Institution a eu recours à Facebook, achetant des annonces payantes ciblant des
Algériens âgés de plus de 18 ans.
Des quotas ont été choisis dans le
ciblage des participants pour refléter le paysage démographique algérien
concernant l’âge et le sexe. Toutefois, expliquent les sondeurs, les Algériens
ayant un niveau d’instruction universitaire et vivant dans les zones urbaines
sont surreprésentés, contrainte liée à la démographie algérienne présente sur Facebook.
Il ne
s’agit donc pas d’un sondage d’opinion d’envergure nationale, insistent les
chercheurs, étant donné que 50 % des Algériens ne sont pas présents sur Facebook.
De plus, les personnes ayant participé
aux manifestations sont également surreprésentées dans ce sondage. Sur les
7 293 civils interrogés, 4 249 affirment avoir participé au moins une fois aux
manifestations et 3 044 affirment n’avoir jamais manifesté.
Dernier détail concernant la
méthodologie de ce sondage : 93 % des personnes ont répondu aux questions
posées dans la langue arabe et 7 % dans la langue française.
Rejet du
système
Les résultats de ce sondage montrent
donc une popularité indéniable du soulèvement, y compris parmi ceux qui ne
manifestent pas et qui sont 73 % à vouloir que les manifestations continuent en
Algérie, tout comme 82 % des soldats, 79 % des officiers subalternes et 67 %
des officiers supérieurs.
Pour ce qui est des objectifs du
soulèvement : 82 % des civils qui manifestent, 68 % des civils qui ne
manifestent pas, 77 % des soldats, 81 % des officiers subalternes et 58 % des
officiers supérieurs considèrent qu’il faut un changement total du système. Le
pouvoir algérien est ainsi clairement désavoué par tous ceux qui ont répondu à
ce sondage, un rejet qui toutefois s’amenuise à mesure que l’on monte en grade
dans la hiérarchie militaire.
Concernant
l’état de l’économie et la perception du niveau de corruption dans le pays, les
questionnés sont presque tous d’accord que la situation économique du pays est
très mauvaise et les niveaux de corruption très élevés (74 % des manifestants,
61 % des non-manifestants, 72 % des soldats, 68 % des officiers subalternes et
55 % des officiers supérieurs considèrent que la corruption est très présente).
Le pouvoir algérien est ainsi clairement
désavoué par tous ceux qui ont répondu à ce sondage, un rejet qui toutefois
s’amenuise à mesure que l’on monte en grade dans la hiérarchie militaire
Quelle est donc l’alternative au pouvoir
algérien actuel ? Pour 61 % des manifestants interrogés, la démocratie est
la meilleure forme de gouvernement pour l’Algérie, c’est aussi l’opinion de 56
% des non-manifestants, 54 % des soldats et 60 % des officiers
subalternes. En revanche, seulement 42 % d’officiers supérieurs estiment que la
démocratie est la meilleure forme de gouvernement pour l’Algérie.
L’optimisme quant à l’aboutissement du
soulèvement populaire en un changement démocratique et pacifique est très élevé
parmi toutes les personnes questionnées :
89 % de
manifestants pensent que cela se terminera en démocratie, ainsi que 79 % de
non-manifestants, 88 % de soldats, 89 % d’officiers subalternes et 78 %
d’officiers supérieurs. Seuls 20 % de manifestants et 18 % d’officiers
supérieurs estiment que le soulèvement populaire finira en coup d’État
militaire.
Une infime minorité parmi les
manifestants (4 %), non-manifestants (6 %), soldats (8 %) et officiers
subalternes (8 %) craignent que le soulèvement conduise l’Algérie à une guerre
civile, un pessimisme un brin plus élevé parmi les officiers supérieurs de
l’armée, avec 13 %.
En réponse à la question de savoir ce
que veut dire un changement total du système, les sondés répondent
majoritairement qu’ils veulent une nouvelle Constitution, qu’ils souhaitent que
les biens des hommes d’affaires proches du régime de Bouteflika soient saisis,
qu’Abdelkader Bensalah, le chef d’État par intérim,
et Noureddine Bedoui, le
Premier ministre, soient limogés, et qu’ils soient remplacés par des candidats
de consensus national et un gouvernement d’unité nationale. Enfin, ils désirent
que les hauts responsables du régime Bouteflika soient bannis des élections
futures.
Ce dernier point, soulignent les
chercheurs de la Brookings Institution, est néanmoins tempéré dans les réponses
des personnes questionnées par le fait que 37 % souhaitent des poursuites
judiciaires contre Abdelaziz Bouteflika et seulement 24 % souhaitent que Gaïd Salah soit démis. Les analystes de ce sondage trouvent
cela « déconcertant » étant donné, expliquent-ils, que « les
manifestants ont de plus en plus scandé, ces derniers temps, la revendication
du départ de Gaïd Salah ».
« Une
explication pourrait être que les manifestants veulent que Gaïd
Salah se retire de l’arène politique mais que cela ne les dérangerait pas s’il
demeurait à la tête de l’armée », concluent-ils.
Les
islamistes impopulaires
La grande majorité des personnes sondées
n’ont aucune préférence pour les partis politiques algériens existants. Les
islamistes, toutes tendances confondues, y compris le FIS dissous en 1992, ne
sont pas du tout populaires.
Les
partis progressistes algériens ne le sont pas non plus. Dans une élection
parlementaire, le FIS n’obtiendrait pas plus de 3 % des voix des personnes
interrogées, le FLN 3 %, le FFS 2 %, le RCD 1%.
Enfin, presque tout le monde s’accorde,
y compris les militaires questionnés, à ce que le président algérien soit un
civil (83 % des manifestants, 77 % des officiers supérieurs) mais seule une
minorité estime qu’il est également nécessaire que le ministre de la Défense
algérien soit un civil (31 % de manifestants et 33 % d’officiers supérieurs).
Le large soutien pour les manifestations
au sein de l’armée est un facteur important, selon les analystes de la
Brookings Institution, qui « limite la capacité du chef de l’armée Ahmed Gaïd Salah à réprimer la contestation ».
Le pouvoir algérien aujourd’hui a très
peu d’options autres que celle d’accéder aux revendications des manifestants,
affirment en conclusion les chercheurs, qui mettent en garde contre les crises
qui pourraient résulter, plus tard, entre civils et militaires (sur des
questions de sécurité nationale, les poursuites légales contre ceux qui ont
commis des crimes pendant les années 1990) et qui pourraient couper court à une
expérience démocratique encore à peine naissante.
Source : Middle east
eye