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Hirak 2019- Sondage Brookings Institute 2019

Date de création: 23-07-2019 16:41
Dernière mise à jour: 23-07-2019 16:41
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VIE POLITIQUE- ETUDES ET ANALYSES- HIRAK 2019- SONDAGE BROOKINGS INSTITUTE 2019

 

(c) Synthèse de Daikha Dridi- HUff post, jeudi 18 juillet 2019

Selon un sondage mené en Algérie par la Brookings Institution, la majorité des Algériens interrogés, civils mais aussi militaires, se disent favorables au hirak et souhaitent l’avènement d’un gouvernement civil

Le soulèvement populaire algérien, en cours depuis le 22 février 2019, est très largement soutenu par une écrasante majorité de civils mais aussi de militaires questionnés en Algérie dans le cadre d’un sondage de la Brookings Institution, intitulé « Algeria’s Uprising: a Survey of Protesters and the Military »*.

Au sein de l’armée algérienne, 79 % des soldats et des officiers subalternes interrogés soutiennent les manifestations, un peu moins parmi les officiers supérieurs, avec 62 %. La majorité des Algériens questionnés, civils et militaires, estiment que la démocratie est le bon choix pour l’Algérie. 

Une majorité écrasante d’Algériens questionnés, civils et militaires, sont optimistes quant à l’aboutissement du soulèvement populaire en une solution pacifique et démocratique pour le pays. 

Le think tank américain centriste a interrogé 9 000 Algériens vivant en Algérie, parmi lesquels 1 700 militaires 

Le départ du chef de l’état-major de l’armée Ahmed Gaïd Salah n’est pas une revendication majeure selon ce sondage. Néanmoins, une majorité de personnes questionnées souhaitent le voir quitter la vie politique.

Ce sont là les grandes lignes des résultats d’un sondage d’opinion mené du 1er avril au 1er juillet 2019 par ce think tank américain centriste, qui a interrogé 9 000 Algériens vivant en Algérie, parmi lesquels 1 700 militaires. 

Pour contourner la difficulté de la censure que peuvent connaître les instituts de sondage algériens – ce qui explique la rareté, voire l’inexistence des sondages d’opinion sur la vie politique dans le pays – et aussi celle d’avoir accès directement au personnel militaire algérien, la Brookings Institution a eu recours à Facebook, achetant des annonces payantes ciblant des Algériens âgés de plus de 18 ans. 

Des quotas ont été choisis dans le ciblage des participants pour refléter le paysage démographique algérien concernant l’âge et le sexe. Toutefois, expliquent les sondeurs, les Algériens ayant un niveau d’instruction universitaire et vivant dans les zones urbaines sont surreprésentés, contrainte liée à la démographie algérienne présente sur Facebook.

Il ne s’agit donc pas d’un sondage d’opinion d’envergure nationale, insistent les chercheurs, étant donné que 50 % des Algériens ne sont pas présents sur Facebook

De plus, les personnes ayant participé aux manifestations sont également surreprésentées dans ce sondage. Sur les 7 293 civils interrogés, 4 249 affirment avoir participé au moins une fois aux manifestations et 3 044 affirment n’avoir jamais manifesté. 

Dernier détail concernant la méthodologie de ce sondage : 93 % des personnes ont répondu aux questions posées dans la langue arabe et 7 % dans la langue française.

Rejet du système

Les résultats de ce sondage montrent donc une popularité indéniable du soulèvement, y compris parmi ceux qui ne manifestent pas et qui sont 73 % à vouloir que les manifestations continuent en Algérie, tout comme 82 % des soldats, 79 % des officiers subalternes et 67 % des officiers supérieurs.

Pour ce qui est des objectifs du soulèvement : 82 % des civils qui manifestent, 68 % des civils qui ne manifestent pas, 77 % des soldats, 81 % des officiers subalternes et 58 % des officiers supérieurs considèrent qu’il faut un changement total du système. Le pouvoir algérien est ainsi clairement désavoué par tous ceux qui ont répondu à ce sondage, un rejet qui toutefois s’amenuise à mesure que l’on monte en grade dans la hiérarchie militaire.

Concernant l’état de l’économie et la perception du niveau de corruption dans le pays, les questionnés sont presque tous d’accord que la situation économique du pays est très mauvaise et les niveaux de corruption très élevés (74 % des manifestants, 61 % des non-manifestants, 72 % des soldats, 68 % des officiers subalternes et 55 % des officiers supérieurs considèrent que la corruption est très présente).

Le pouvoir algérien est ainsi clairement désavoué par tous ceux qui ont répondu à ce sondage, un rejet qui toutefois s’amenuise à mesure que l’on monte en grade dans la hiérarchie militaire

Quelle est donc l’alternative au pouvoir algérien actuel ? Pour 61 % des manifestants interrogés, la démocratie est la meilleure forme de gouvernement pour l’Algérie, c’est aussi l’opinion de 56 % des non-manifestants, 54 % des soldats et 60 % des officiers subalternes. En revanche, seulement 42 % d’officiers supérieurs estiment que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement pour l’Algérie.

L’optimisme quant à l’aboutissement du soulèvement populaire en un changement démocratique et pacifique est très élevé parmi toutes les personnes questionnées :

89 % de manifestants pensent que cela se terminera en démocratie, ainsi que 79 % de non-manifestants, 88 % de soldats, 89 % d’officiers subalternes et 78 % d’officiers supérieurs. Seuls 20 % de manifestants et 18 % d’officiers supérieurs estiment que le soulèvement populaire finira en coup d’État militaire. 

Une infime minorité parmi les manifestants (4 %), non-manifestants (6 %), soldats (8 %) et officiers subalternes (8 %) craignent que le soulèvement conduise l’Algérie à une guerre civile, un pessimisme un brin plus élevé parmi les officiers supérieurs de l’armée, avec 13 %.

En réponse à la question de savoir ce que veut dire un changement total du système, les sondés répondent majoritairement qu’ils veulent une nouvelle Constitution, qu’ils souhaitent que les biens des hommes d’affaires proches du régime de Bouteflika soient saisis, qu’Abdelkader Bensalah, le chef d’État par intérim, et Noureddine Bedoui, le Premier ministre, soient limogés, et qu’ils soient remplacés par des candidats de consensus national et un gouvernement d’unité nationale. Enfin, ils désirent que les hauts responsables du régime Bouteflika soient bannis des élections futures. 

Ce dernier point, soulignent les chercheurs de la Brookings Institution, est néanmoins tempéré dans les réponses des personnes questionnées par le fait que 37 % souhaitent des poursuites judiciaires contre Abdelaziz Bouteflika et seulement 24 % souhaitent que Gaïd Salah soit démis. Les analystes de ce sondage trouvent cela « déconcertant » étant donné, expliquent-ils, que « les manifestants ont de plus en plus scandé, ces derniers temps, la revendication du départ de Gaïd Salah ». 

« Une explication pourrait être que les manifestants veulent que Gaïd Salah se retire de l’arène politique mais que cela ne les dérangerait pas s’il demeurait à la tête de l’armée », concluent-ils.

Les islamistes impopulaires

La grande majorité des personnes sondées n’ont aucune préférence pour les partis politiques algériens existants. Les islamistes, toutes tendances confondues, y compris le FIS dissous en 1992, ne sont pas du tout populaires.

Les partis progressistes algériens ne le sont pas non plus. Dans une élection parlementaire, le FIS n’obtiendrait pas plus de 3 % des voix des personnes interrogées, le FLN 3 %, le FFS 2 %, le RCD 1%. 

Enfin, presque tout le monde s’accorde, y compris les militaires questionnés, à ce que le président algérien soit un civil (83 % des manifestants, 77 % des officiers supérieurs) mais seule une minorité estime qu’il est également nécessaire que le ministre de la Défense algérien soit un civil (31 % de manifestants et 33 % d’officiers supérieurs).

Le large soutien pour les manifestations au sein de l’armée est un facteur important, selon les analystes de la Brookings Institution, qui « limite la capacité du chef de l’armée Ahmed Gaïd Salah à réprimer la contestation ».

Le pouvoir algérien aujourd’hui a très peu d’options autres que celle d’accéder aux revendications des manifestants, affirment en conclusion les chercheurs, qui mettent en garde contre les crises qui pourraient résulter, plus tard, entre civils et militaires (sur des questions de sécurité nationale, les poursuites légales contre ceux qui ont commis des crimes pendant les années 1990) et qui pourraient couper court à une expérience démocratique encore à peine naissante.

SourceMiddle east eye