HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ROMAN DJAMEL MATI- « SENTIMENTS IRRADIÉS »
Sentiments irradiés. Roman de Djamel Mati, Chihab
Editions, Alger 2018, 250 pages, 1100 dinars.
Samedi 6 février 1960, minuit vingt.....au
Sahara... une petite caravane qui fuit....et une naissance.
Samedi 13 février 1960 ,
sept heures trente quatre minutes
cinquante secondes : quelque part dans le désert du Tanezrouft,
dans la région de Reggane, à un kilomètre du point
Zéro.......Opération « Gerboise bleue ». Premier essai nucléaire français......suivi de trois autres de
couleur différente (sic !) et de 13
autres (souterrains, dans le coeur rocheux de la
montagne d’In Ecker , dans le Hoggar).....et ce jusqu’en 1966 ( !?!?!?).
La mort et la désolation. Jusqu’à nos jours, une atmosphère de fin du monde
plane au-dessus des régions sinistrées . Des
paysages lunaires sans vie, jamais décontaminés....et des ravages s’étalant sur
tous les pays limitrophes....et sur la santé de millions d’habitants.
Un homme, Kamel, a tout perdu. Son épouse bien-aimée , une targuie rencontrée lorsqu’il avait été recueilli
et protégé –durant la guerre de libération nationale alors qu’il fuyait les
occupants du pays – par une tribu .Ainsi que
l’enfant qu’elle venait de mettre au monde .
Plusieurs années après ! L’indépendance . Kamel toujours vivant comme géophysicien au
Sahara. Avec des souvenirs qui ne le quittaient pas et avec l‘espoir de se venger un jour des meutriers de sa famille et de la région. Il l’avait juré.
Puis, à Paris. Invité par Greenpeace pour une
conférence. Son sujet : la catastrophe nucléaire et le déni continuel des
coupables. Une rencontre : avec Zoé , une jeune
écologiste pacifiste qui ne tarde pas à tomber amoureuse de lui. La rencontre
avec son père, Paul, un soldat de
l’armée coloniale , médecin de son état.....et
qui avait , il l’avouera plus tard, assisté , « obligé » dit-il , à
l’opération Gerboise bleue du 3 février 1960 à Hamoudia
(point zéro, Reggane ). Un médecin qui n’avait pas
voulu (ou pu, car abruti par le whisky de son impuissance )
aider alors Kamel qui était venu quémander de l’aide après l’explosion.
Voilà donc notre « héros » pris entre
le marteau de son passé et de sa
promesse de vengeance et l’enclume de
son amour (naissant) pour Zoé . Et ,
une interrogation qui le taraude :
« « Ma tragédie a commencé dans la crainte et la colère
(................) .Doit-t-elle me poursuivre toujours ? Aurais-je la
force de la renier ? ». Le commencement de l’oubli ? du pardon ? Les aveux , même
tardifs du père de Zoé suffisent –ils , non seulement à Kamel, mais à tout le
peuple algérien et tout particulièrement à ceux qui continuent à souffrir des
retombées nucléaires.....aujourd’hui encore , et très longtemps encore.
Peut-être ,là , tout le problème de la reconnaissance –collective
et non individuelle - des crimes coloniaux (français) ...en Algérie et
ailleurs.
L’Auteur : Né
à Alger, ingénieur en chef en géophysique, auteur de plusieurs romans, lauréat
du prix Assia Djebar 2016
pour son roman « Yoko et les Gens du Barzakh »
(Ed.Chihab).Déjà présenté in Mediatic.
Extrait : « La géophysique n’est ni la quête du Graal ni la pierre
philosophale. Elle ne transcende pas l’individu et elle ne transforme rien.
Elle explique les faits uniquement tout
en échafaudant des solutions aux problèmes. En revanche, la contemplation d’un
poisson rouge dans un bocal permet, surtout à l’observateur ,
de se mouvoir , avec une apparente désinvolture, dans l’incertitude....de ce
qui se passe en surface »(p 17) ,
Avis :Un roman
d’amour(s) et de haine qui se lit sans peine bien qu’il se traîne un peu trop
longtemps dans la description de la vie parisienne.Avec
des scènes quelque peu invraisemblables .....comme
notre héros qui parcourt Paris sans peine.... en tenue targuie.
Citations : « La
recherche de soi sur les routes parsemées d’embûches n’est pas tâche aisée
quand l’identité fait défaut » (p 40), « Les hommes sont capables de
magnifiques mais aussi d’horribles choses , et dans leur frénésie aveugle, ils
les confondent en s’embrouillant.L’essentiel est de
satisfaire leur ego uniquement » (p 90) , « Seule la vérité est
capable de transcender la couardise « (p 101), « Une vérité trop étouffée se sert de la
conscience pour se libérer .Elle ne fait pas cas des blessures qu’elle
peut provoquer, elle dit » (p 218)