ECONOMIE- ETUDES ET ANALYSES- SECTEUR PRIVE- ETUDE FEMISE
2019
Le
Forum euroméditerranéen des instituts de sciences
économiques (Femise), dans son dernier rapport euroméditerranéen 2019, évoque (début juillet 2019) la persistance de relations de connivence,
entre le milieu des affaires et le milieu politique, qui entravent le
développement du secteur privé dans les pays méditerranéens. La nature précise
de ces relations de connivence varie d’un pays à l’autre, mais nombre
d’analyses montrent que dans l’ensemble des pays de la région, elles ont eu
tendance à s’amplifier au cours de ces 20 dernières années. Ce n'est pas un
scoop, mais l’intérêt de l’analyse est qu’elle souligne l’effet inhibant du
système de clientélisme sur la croissance.
Un tour d’horizon de la littérature
souligne que le capitalisme de copinage impacte négativement la croissance
globale de ces économies, et ce système pourrait expliquer pourquoi, malgré des
réformes et la mise en place d’un grand nombre de dispositifs, ces pays n’ont
pas encore obtenu les résultats auxquels on aurait pu s’attendre. Le système de
clientélisme est un facteur de blocage important pour la croissance parce qu’il
agit sur l’économie de façon directe et indirecte, souligne le Femise. Ses effets négatifs directs sur la dynamique du
secteur privé passent par plusieurs canaux. En premier lieu, les entreprises
connectées avec le pouvoir captent une large partie des crédits bancaires. En
Algérie, ce constat n’est pas étonnant.
Les crédits distribués par les
banques publiques demeurent prédominants avec 86,8% de parts de marché en 2017,
selon la Banque d’Algérie. Les banques publiques assurent la totalité du
financement direct du secteur économique public et leur part dans le
financement du secteur privé est importante (74,5%). En second lieu, les
entreprises connectées bénéficient d’une forme de protection vis-à-vis, à la
fois de la concurrence extérieure et de la concurrence domestique, grâce à la
mise en place, par les pouvoirs publics, d’un certain nombre de mesures
administratives dans les secteurs d’activités où ces entreprises connectées
sont présentes. Il est clair qu’à partir du moment où les entreprises entrantes
ou les entreprises déjà existantes ont besoin d’autorisations pour fonctionner,
les réglementations peuvent être utilisées abusivement pour décourager les
entrées d’entreprises et entraver la concurrence entre les entreprises
présentes sur le marché.
En Algérie, la facilité accordée aux
opérateurs qui sont connectés avec le pouvoir contraste avec les blocages dont
souffrent ceux qui ont affiché leur opposition ou, simplement, une certaine
neutralité. En troisième lieu, le système de connivence inhibe l’innovation. Le
Femise indique que les effets indirects du système de
clientélisme qui sont plus insidieux et probablement plus préjudiciables encore
sur la croissance et le développement des pays que les effets directs parce
qu’ils marquent la société plus profondément et leurs conséquences (mauvaise
gouvernance, corruption, manque de confiance dans les responsables politiques,
dans le milieu de l’entreprise et dans l’administration, développement du
secteur informel), sont plus difficiles à endiguer par l’action publique.
Selon la dernière enquête réalisée
par le Baromètre arabe en 2016, relève le Femise dans
son rapport, le principal défi à relever exprimé par les populations de la
région, après bien entendu la situation économique, est la corruption, et cela,
de façon plus marquée, entre autres, en Algérie. Cette même enquête montre que
la corruption au sein des agences et des institutions publiques est perçue
comme assez ou largement étendue pour 80% des personnes interrogées en Algérie.
Le Femise évoque la persistance d’un système de rente
en Algérie, de l’accès au capital et au foncier qui échappe au marché, de
l’accès au crédit bancaire soumis au pouvoir discrétionnaire de
l’administration, de la faiblesse de l’État de droit et de la non-garantie de
la propriété privée qui découragent l’investissement.