VIE POLITIQUE- ETUDES ET ANALYSES- MOUVEMENT 22 FEVRIER- FERHAT
ABBAS (EXEMPLE)
(c) Dr Abderrahmane MEBTOUL/www.algeriepart.com, samedi 25 mai 2019
Le parcours Ferhat Abbas (1899-1985) de son
vrai nom Ferhat Mekki Abbas, est à méditer pour un
dialogue productif entre le pouvoir et l’opposition, dans le cadre du respect
mutuel, personne n’ayant le monopole du nationalisme. Comment ne pas me
rappeler que lors de fondation de l’Association Algérienne de l’Economie de Marché
ADEM en 1992, au moment ou le gouvernement de l’époque et des experts
préconisaient l’économie de guerre, (agrément du ministère de l’intérieur
63/92) , association nationale, que j’a eu l’honneur de présider jusqu’en 2016,
regroupant des intellectuels, universitaires, entrepreneurs publics et
privés des 48 wilayas, nous avons décidé en préambule de notre programme
de lui rendre hommage pour ses idées novatrices.
– Ferhat Abbas (1899-1985) de son vrai nom Ferhat Mekki Abbas est né à Taher dans
la wilaya de Jijel, le 24 août 1899 est un militant de la première heure de la
cause nationale. Diplômé docteur en pharmacie en 1933, il s’établit à Sétif où
il devient rapidement une importante figure politique de par son statut de
conseiller général en 1934, conseiller municipal en 1935 puis délégué
financier. Il adhère à la «Fédération des élus des musulmans du département de
Constantine» en tant que journaliste au sein de son organe de presse,
l’hebdomadaire. Il devient le promoteur de l’Amicale des étudiants musulmans
d’Afrique du Nord, dont il est vice-président en 1926-1927, puis président de
1927 à 1931, date à laquelle il transforme l’Amicale en association. Il est
également élu vice-président de l’Unef lors du
congrès d’Alger de 1930. Le 14 mars 1944 il crée l’association des Amis du
manifeste de la liberté (AML) soutenu par le cheikh El Ibrahimi
de l’Association des oulémas et Messali Hadj. En
septembre 1944, il crée l’hebdomadaire Egalité (avec pour sous-titre Egalité
des hommes – Egalité des races – Egalité des peuples). Au lendemain des émeutes
de Sétif de mai 1945, tenu pour responsable, il est arrêté et l’AML est dissoute. Libéré en 1946, Ferhat Abbas fonde l’Union
démocratique du manifeste algérien (Udma). En juin,
le parti obtient 11 des 13 sièges du deuxième collège à la seconde Assemblée
constituante et Ferhat Abbas est élu député de Sétif. Après le refus à deux
reprises de son projet sur le statut de l’Algérie, il démissionne de
l’assemblée en 1947.
Il lance le 1er Novembre 1954 les premières actions armées qui
marquent le début de la «Révolution algérienne». Dès le 20-Août 1956, à l’issue
du congrès de la Soummam, il devient membre titulaire du Cnra
(Conseil national de la révolution algérienne), puis entre au CCE (Comité de
coordination et d’exécution) en 1957. Ferhat Abbas devient ensuite président du
premier Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) à sa création le 19 septembre 1958, puis du second Gpra, élu par le Cnra en janvier
1960 et démissionne le 15 septembre 1963 pour essentiellement des raisons
d’option à la fois politique et économique.
Les objectifs stratégiques que le défunt s’était tracé
sont la refondation de l’Etat algérien conciliant la modernité et son
authenticité, l’efficacité économique et une profonde justice sociale, de
redonner la confiance entre l’Etat et les citoyens grâce au dialogue fécond et
productif. Il n’existe pas d’Etat standard, mais que des équipements
anthropologiques qui le façonnent largement influencés par la
mondialisation avec de nouvelles fonctions. Dès lors, des stratégies
d’adaptation politique, militaire, sociale et économique tenant compte de
l’innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable pour reprendre
l’expression du grand économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage universel
«Réformes et démocratie» sont primordiales pour la survie de la Nation…
D’où aussi l’urgence de restructurer tant le système partisan,
que la société civile loin de toute action autoritaire. Lorsqu’un pouvoir émet
des lois qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, celle-ci émet ses
propres lois qui lui permettent de fonctionner accentuant le divorce
Etat-citoyen par la dominance de l’informel, à tous les niveaux politique,
économique, social et culturel. Tout pouvoir a besoin d’une opposition forte
organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l’associer
dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays. L’Algérie a besoin
pour éviter la léthargie et la stérilité que tous ses enfants, dans leur
diversité, par la tolérance des idées d’autrui, se regroupent au sein d’un même
objectif, à savoir le développement économique et social tenant compte de la
dure réalité mondiale où toute Nation qui n’avance pas, recule forcément.
L’Algérie a besoin d’un consensus minimum qui ne
saurait signifier unanimisme signe de la décadence de toute société. Il faut
revenir aux fondamentaux de la démocratie.
Nous devons apprendre à nous respecter, personne n’ayant le
monopole du nationalisme, devant tolérer les idées d’autrui. Si le pouvoir et
l’opposition se cantonnent dans LE MONOLOGUE en ignorant les aspirations
profondes de la société et des nouvelles exigences mondiales, en s’en tenant à
un statu quo, bloquant les réformes structurelles, l’Algérie va droit dans le
mur, avec le risque de déstabilisation de toute la région. L’Algérie traverse
une crise multidimensionnelle politique, économique, sociale et culturelle, qui
rend urgent une transition démocratique elle-même tributaire d’une transition à
la fois énergétique et d’une économie de rente à une économie hors
hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, avec le
risque de l’épuisement des réserves de change horizon 2022, et sans
une dynamisation du secteur , rendant urgent la révision de la loi des
hydrocarbures de 2013 ,( ayant attiré très peu d’investisseurs potentiels)
l’épuisement à l’horizon 2030 des réserves traditionnelles , le monde devant
connaitre entre 2052/2030/2040 de grandes mutations au niveau mondial
reconfigurant le pouvoir énergétique mondial..
Dans ce cadre, j’estime que les analyses et propositions de feu
Ferhat Abbas sont d’une brûlante actualité. En ce mois
de mai 2019 où l’Algérie se cherche pour une
sortie de crise, la relecture de son action militante et de ses Mémoires peut
être très instructive à la fois pour le pouvoir et l’opposition. D’ailleurs,
lors d’une large tournée dans les universités algériennes, aux Etats- Unis
d’Amérique et en Europe entre 1993/1996, lors de différentes conférences
internationales, j’ai tenu à lui rendre un vibrant hommage et ce
pour deux raisons essentielles. Premièrement, c’était un
intellectuel de haut niveau, dont les écrits et prises de position, lui
vaudront un emprisonnement à Adrar entre 1963 et mai 1965; assigné à résidence
entre mars 1976 et le 13 juin 1978. Il publie en 1980 ses Mémoires dans
«Autopsie d’une guerre» puis en 1984, dans «l’Indépendance confisquée» , il dénonce la bureaucratisation de la société et
la corruption. Or nous sommes en 2019 et ce sont toujours ces
problèmes qui font l’actualité en Algérie.
Ce grand homme croyait fermement au primat de la connaissance
sur la distribution de la rente, auteur de nombreux ouvrages et publications
nationales et internationales dont Le Jeune Algérien dans lequel il dénonce
notamment 100 ans de colonisation française où il insiste sur «l’algérianité». Je le cite: «nous sommes chez nous. Nous ne pouvons aller ailleurs.
C’est cette terre qui a nourri nos ancêtres, c’est cette terre qui nourrira nos
enfants. Libres ou esclaves, elle nous appartient, nous lui appartenons et elle
ne voudra pas nous laisser périr. L’Algérie ne peut vivre sans nous. Nous ne
pouvons vivre sans elle. Celui qui rêve à notre avenir comme à celui des
Peaux-Rouges d’Amérique se trompe. Ce sont les Arabo-Berbères qui ont fixé, il
y a quatorze siècles, le destin de l’Algérie. Ce destin ne pourra pas demain
s’accomplir sans eux (La nuit coloniale Julliard, Paris,
1962).» Mais en homme politique, tout en préservant les intérêts supérieurs du
pays, il préconisait pour l’Algérie la nécessité de s’adapter aux nouvelles
mutations mondiales.
La deuxième raison, c’est le premier défenseur
algérien de l’économie de marché à vocation sociale, en fait un
social-démocrate, contre l’étatisme bureaucratique et un capitalisme sauvage.
Il préconisait de réaliser la symbiose entre l’efficacité économique et une
profonde justice sociale et ce grâce à un Etat puissant régulateur mais fort
que par sa moralité, l’Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre
anthropologie culturelle. Pour cela, le dialogue permanent entre les
différentes forces politiques, sociales et économiques sans exclusive
condamnant toute forme d’extrémisme, la participation citoyenne à la gestion de
la Cité intégrant l’élite et la femme signes de la vitalité de toute société et
le contrat qui devait remplacer les actions autoritaires bureaucratiques
étaient les conditions pour la prospérité de l’Algérie selon Ferhat
Abbas. Il a mis en exergue la nécessité de lutter contre la corruption, les
responsables devant donner l’exemple, qui selon lui constituerait le plus grave
danger qui menacerait le devenir du pays et avait préconisé de développer LES
LIBERTÉS ET TOUTES LES LIBERTÉS (politique, économique, sociale et culturelle)
existant, des liens dialectiques entre les libertés politiques, économiques et
sociales. Ce que l’on appelle aujourd’hui la bonne gouvernance.