VIE
POLITIQUE – ÉTUDES ET ANALYSES- TRANSITION POLITIQUE – EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES-
NABNI MAI 2019
Le collectif Nabni a comparé (fin mai 2019) huit transitions démocratiques considérées
comme concluantes, menées ces quarante dernières années à travers le monde et
présente des leçons de ces expériences et des premières pistes de réflexion
pour l'Algérie.
En effet, Nabni s'est penché dans son 4ème chantier de la refondation sur la
période de transition sur huit transitions démocratiques concluantes qui ont
toutes eu lieu durant le dernier quart du siècle précédent (Brésil, Chili,
Espagne, Indonésie, Mexique, Philippine, Pologne). A l'exception de la Tunisie
(2011). Quatre grands défis se présentent aux acteurs du processus de
transition : préparer la transition, démanteler le « système » et ses pratiques
en préservant le fonctionnement de l'Etat, concrétiser et gérer le transfert du
pouvoir et ancrer et institutionnaliser la démocratie naissante.
Confrontés à ces défis émaillés de moments décisifs, les dirigeants des
transitions étudiées ont dû faire preuve d'anticipation, de réactivité, se sont
heurtés à de fortes résistances et ont pris des décisions cruciales, précise
Nabni. Pour le collectif, il est impératif de construire la coalition des
forces du changement la plus large possible. Les transitions étudiées ont
réussi parce qu'elles ont créé du compromis. Le compromis ne plaît à personne
mais arrange tout le monde.
Il n'existe pas actuellement, selon Nabni, de force structurante majeure
capable de canaliser les revendications populaires. Le paysage sociopolitique
algérien se caractérise par une trop faible représentativité des partis de
l'opposition face au pouvoir politique, un déficit d'organisation des corps
intermédiaires et l'absence d'organisations de poids de la société civile. De
nouvelles forces du changement devront se structurer, créer un consensus et se
donner l'objectif commun de mettre en place un Etat de droit et mettre fin aux
pratiques de l'ancien système. De nombreux collectifs citoyens et coordinations
estudiantines se sont créés à la faveur du mouvement du 22 février. En
l'absence d'une réaction forte des partis politiques de l'opposition, ces
organisations, soudées par l'idée démocratique, pourraient être une alternative
à ces acteurs traditionnels pour représenter le mouvement populaire et porter
ses revendications.
Aussi, le collectif précise que toutes les transitions étudiées n'ont pas
forcément abouti à la rédaction d'une nouvelle Constitution. Dans la majorité
des cas de transition par le haut, au Chili, au Mexique et en Indonésie la
Constitution a été amendée pour améliorer son caractère démocratique et garantir
les libertés individuelles et collectives. Au Brésil, le débat sur une nouvelle
Constitution s'est tenu 13 ans après le début de la transition et a duré deux
ans.
A la crise politique s'ajoute très souvent un contexte de crise économique à
gérer durant la transition. Les enjeux économiques sont prioritaires et vont de
pair avec la mise en place d'un Etat de droit et une justice sociale. Le
contexte économique et le niveau d'adhésion de la population orientera le
rythme et la profondeur des réformes à engager. La majorité des transitions
démocratiques réussies ont initié des réformes économiques conjuguant
ouverture, discipline budgétaire et justice sociale. La Pologne a opéré sa
transition économique en appliquant une véritable thérapie de choc pour sortir
du modèle communiste. Les pays latino-américains (Chili, Brésil, Mexicain) ont
privilégié une politique dite de croissance économique dans l'équité.
Sur la réforme de la justice dans sa structure, Nabni pense que son
organisation et ses nominations est un défi majeur à mener dès les premiers
mois d'un mandat de gouvernement de transition. L'indépendance du pouvoir
judiciaire et le renforcement des prérogatives du pouvoir législatif doivent
garantir le rééquilibrage des pouvoirs.
Comme septième enseignement, Nabni estime qu'il faut garantir un cadre
institutionnel ouvert aux partis politiques et aux corps intermédiaires. Les
partis politiques et les corps intermédiaires sont le lien entre le peuple et
le gouvernement. Ils jouent un rôle essentiel dans les transitions
démocratiques.
Et enfin, il faut placer les forces armées sous autorité civile graduellement,
ou dès que possible, les pouvoirs de transition ont entamé des négociations
avec les chefs militaires et les responsables des services de renseignement
afin de placer les forces armées et appareils de sécurité sous contrôle
civil.