SANTÉ- MALADIE- ALLERGIE(S) ET ASTHME
Les maladies dites d’hypersensibilité
à certaines substances ou éléments étrangers à l’organisme sont sous-estimées,
voire négligées, en Algérie. Nombreux sont les malades qui ignorent qu’ils sont
sensibles à certaines substances. Ils négligent les signes cliniques, à titre
d’exemple ceux d’une rhinite allergique. Ils ne s’inquiètent pas du tout des
éternuements à répétition, de l’écoulement nasal, des chatouillements dans le
nez, des larmoiements ou encore de l’irritation des yeux. La plupart des
personnes présentant ces symptômes ne consultent pas. Elles ignorent que
l’allergie est une maladie chronique et lourde de conséquences. Pour ces
personnes, ces infections sont bénignes. Elles se contentent de les traiter
comme s’il s’agissait d’un simple rhume. Alors que le tableau clinique de
ces infections peut être parfois dramatique et entraîner carrément la mort
lorsqu’il s’agit de cas d’asthme bronchique, notamment quand la pose du
diagnostic intervient tardivement.
En un mot, la rhinite allergique mal
traitée se transforme incontestablement en asthme. Sur un autre plan, il y a
lieu de relever un nombre d’éléments qui ont concouru à dresser ce constat
désolant. Le premier élément est notamment lié à la formation des médecins
généralistes qui reste insuffisante dans le domaine des allergies. En fait, il
y a un certain nombre d’allergies qui nécessitent un avis spécialisé, et pour
lequel le médecin généraliste n’est pas formé, notamment en matière d’allergies
dites médicamenteuses, alimentaires ou des allergies aux venins d’hyménoptères
(des piqûres de guêpes ou d’abeilles). Il y a d’autres allergies qui se
déclenchent à la suite d’un examen radiologique, le corps réagit alors au
produit étranger, d’où l’importance, voire l’urgence, de plancher effectivement
sur la formation de cette catégorie de médecins, pour améliorer le volet prise
en charge.
Quels sont les
différents types d’allergies qui existent et les facteurs externes qui
provoquent une réaction de l’organisme ?
Il existe trois types de facteurs externes qui provoquent une réaction exagérée
du corps. On appelle ces facteurs les allergènes. En premier, il y a les
allergènes inhalés ou respirés (les pollens, les acariens contenus dans les
poussières de maison, les poils d’animaux — chat, chien —, les moisissures).
Ces allergènes respirés sont à l’origine des allergies respiratoires. En
deuxième lieu, il y a les allergènes ingérés qui concernent le lait, les
cacahuètes, le chocolat, les fruits de mer, les fraises et les œufs. Le
troisième type concerne les allergènes injectés, notamment les antidotes,
l’aspirine et les pénicillines. Ces derniers provoquent des allergies dues aux
médicaments. Il existe également les allergies professionnelles qui se
développent à la longue chez les personnes travaillant dans des usines
chimiques qui fabriquent de la pénicilline.
Quelle est alors la
prévalence de ces allergies en termes de personnes atteintes ?
Les allergies respiratoires sont les affections les plus présentes dans cette
discipline, soit 80% des malades souffrant de cette pathologie. Une prise en
charge tardive ou manquée peut générer de l’asthme ou d’autres maladies
beaucoup plus dangereuses. La prévalence des pathologies allergiques est en
hausse constante dans le monde. La situation de cette affection en Algérie ne
diffère pas de celle des autres pays. À la faveur des enquêtes nationales et
internationales menées et auxquelles l’Algérie a participé, pas moins de 4% de
la population adulte est asthmatique, soit plus d’un million et demi
d’Algériens. Les mêmes études ont conclu que près de 8% de la population globale
souffre d’une rhinite allergique, soit plus de 3 millions de malades.
Et près de 8% des enfants ont un
asthme bronchique. Ce qui est désolant, voire dramatique, c’est que nombreux
sont les malades souffrant de rhinite allergique qui ne consultent pas de médecin
ou se soignent seuls, d’où l’augmentation du nombre d’asthmatiques d’année en
année. En fait, une rhinite allergique mal soignée se transforme en asthme. Et
l’asthme non contrôlé ne pardonne pas.
Ces chiffres
confirment que cette maladie reste sous-diagnostiquée en Algérie…
Les statistiques disponibles illustrent bien l’évolution effrénée de ces
pathologies respiratoires. Il faut dire que l’on assiste, maintenant, et ce,
depuis 20 ans, au doublement des maladies allergiques en Algérie. L’explosion de
telles maladies s’explique d’abord par les habitudes de vie qui ont connu des
modifications profondes. Aujourd’hui, les appartements sont confinés et
le taux d’humidité reste assez élevé, notamment dans les villes côtières. Le
changement des habitudes alimentaires avec l’apparition des fast-foods est
également mis en cause dans ce sens. Les allergologues ne manquent pas à chaque
occasion d’alerter les autorités sanitaires et de sensibiliser les citoyens sur
les conséquences parfois dramatiques des maladies allergiques qui sont classées
au quatrième rang des préoccupations de santé publique dans le monde.
L’alerte donnée par les allergologues ne suffit pas, à
elle seule, à juguler l’évolution de ces pathologies. Existe-t-il un plan de
prévention et de traitement de ces maladies ?
Il existe bien des recommandations de nature à contrôler et à maîtriser la
situation. Il importe de savoir que dans cette discipline, les allergologues
n’évoquent pas la guérison, mais ils préfèrent parler de contrôle de la maladie.
Des traitements modernes et innovants sont à présent disponibles. Ce qui
permet de mieux contrôler la maladie. Un patient souffrant d’une allergie
restera toute sa vie allergique, c’est génétique. Il est question, à ce propos,
de maladies chroniques, mais qu’on peut largement contrôler avec les
médicaments modernes, tels que l’immunothérapie. La Société savante algérienne
d’allergologie et d’immunologie clinique (présidée par le Pr Habib Douaguia, président de la Société algérienne d’Allergologie et d’Immunologie
clinique ..auteur de ce texte publié
le 28 mai 2019, in Liberté) élaboré à cet
effet un plan pratique pour la prise en charge de l’asthme et d’autres maladies
allergiques. 17 professeurs chefs de service, ainsi que 17 autres professeurs
non chefs de service et une vingtaine d’assistants ont pris part à une
rencontre pendant deux jours, où ils ont pu dresser un état des lieux général
de la maladie et élaborer des recommandations.
L’on a insisté dans le rapport final
sur l’urgence de mettre en place un plan national pour l’asthme et les maladies
allergiques. Il s’agit d’une sorte d’outil de suivi et d’évaluation similaire
au Plan national du cancer placé sous l’autorité de la présidence de la
République. Nous avons remis les recommandations à l’ex-ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, mais il n’y
a jamais eu de suite. Sinon, nous n’avons pas encore transmis le projet à
l’actuel ministre.
Le marché national du
médicament vit ces trois dernières années au rythme des perturbations. Le
manque d’allergènes thérapeutiques et autres traitements n’a-t-il pas été fatal
à nombre de souffrants ?
Les pénuries de médicaments constatées ces derniers temps ont failli être
fatales à tous les malades, notamment les asthmatiques. L’absence de
médicaments essentiels, notamment de la Ventoline en
spray et en aérosol, a posé un problème de prise en charge particulièrement
dans le cadre de l’urgence. La rupture de stock des allergènes diagnostiques et
thérapeutiques a aggravé la situation. Les allergènes sont des éléments
essentiels pour établir des diagnostics précis des maladies allergiques. Le
manque des allergènes thérapeutiques indispensables pour faire la
désensibilisation spécifique dure depuis plus de six mois. Il faut savoir que
ces allergènes constituent un outil essentiel aussi bien pour diagnostiquer que
pour traiter la maladie.