HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ROMAN ABDERRAZEK BENSALAH- « LES AMANTS DE THÉVESTE »
Les amants de Théveste.Roman historique de Abderrazek Bensalah, Casbah Editions, Alger 2018, 339 pages, 900
dinars
C’était le temps de la Berbérie
byzantine.......et deux années à peine avant l’invasion arabe en 647. Une
histoire bien méconnue et qui deviendra, par la suite, plus obscure et plus
incertaine.....d’autant que la plupart des ouvrages, dont ceux de En Noweiri et d’Ibn Khaldoun, n’ont
été composés que près de sept siècles après les événements relatés.
Le Maghreb était, alors, durant environ deux
siècles, occupé par les Grecs, succédant aux Vandales. La monarchie byzantine avait su s’allier aux
Berbères et avait créé une remarquable vitalité .....La décadence de l’Empire
d’Orient (en raison des vices de l’administration grecque, sa corruption, sa
rapacité, ses rigueurs inadéquates, les imprudences et les maladresses....)
allait tenter rapidement d’autres peuplades. Ce sera le tour des Arabes. Ces
derniers avaient déjà commencé par la
conquête de la Syrie, de l’Irak, de la Jordanie, de la Palestine, de
l’Egypte...En dix années, ils avaient réussi à s’implanter et à convertir les
populations à l’Islam. Ils mettront soixante années pour venir à bout du peuple
berbère. Une longue histoire –de l’Empire grec en Berbérie
- bien compliquée et riche en évènements d’importance. Une histoire difficile à
assimiler. Bien sûr, pour fait passer la
pilule, il fallait romancer la chose en se basant, cela va de soi, sur des
« faits historiques authentiques ».
Le décor est planté :
Théveste (aujourd’hui Tébessa) , en
645 après J.C...et en l’An 23 de l’Hégire.Une région
dominée par l’Eglise chrétienne , et par des grandes
familles grecques , mais au bord de l’implosion. Des schismes à n’en plus
finir ! Les donatistes, les monophysites, des moines et des nonnes venus
(en réfugiés) d’Egypte.......Et, des
tribus aux rites souvent païens, toujours prêtes à lutter contre le pouvoir
central et à changer de roi !
Lui, c’est Massil,
un jeune garçon « charmant aux larges épaules », catholique, descendant
des tribus des Aurès, toutes petits propriétaires de terrains agricoles et d’oliveraies.
Ses parents s’étaient sacrifiés pour la réussite de ses études de médecine.
Trente ans d’âge à peine et plus rien à perdre. Il quitte Madaure
à peine pubère, seize ans d’âge. Après un long voyage de dix ans à travers le
monde connu d’alors. D’abord Carthage puis la Grèce, la Syrie et l’Egypte où, à
Alexandrie, il obtint son diplôme, pour récolter les connaissances, il
revient au pays natal et s’y installe
pour exercer son noble métier. Parti d’une région chrétienne, il y revient en musulman.
Il ne le cache pas bien que cela était
très mal vu (pour la bourgeoisie et l’aristocratie grecque, ses principaux
clients, il était un « renégat »), sachant bien que son art, exercé
avec talent et humilité, rendant service aux pauvres et aux démunis, allait faire la différence....la foi faisant
le reste.
Elle, c’est Mélanie, la fille du duc Jean .Ses parents appartenait à une vieille
famille grecque installée en Ifriquia depuis plus
d’un siècle. Mélanie ? Une « véritable grecque, un sang perfide comme
celui de tous les Byzantins, dégénéré et cruel ».Mais belle et attirante !
Massil en est immédiatement amoureux fou , ce qui fait oublier tous les dangers , toutes les
menaces dans une cité oppressante,
envahie par une masse de réfugiés fuyant « la terreur islamique ».
Ils arriveront à se marier et à vivre
quasi-clandestinement leur amour.
Mais les Arabes sont aux portes de la cité.
Rapidement, mais au prix fort, globalement payé, de manière sanglante, par les
guerriers berbères, la première ligne de défense de Théveste,
la forteresse de Sufetula, est conquise par les troupes arabes. Et la
tête de l’empereur (Djerdjir) Grégoire se retrouve au
faîte d’une lance arabe. Le Duc Jean et
le duc d’El Djem capitulent.........L’avancée arabe ne va plus s’arrêter.
Commencée an 647 avec la première incursion menée en Berbérie
par Abdallah Ibn Saad et Abdallah Ibn Zubeir, elle ne
s’achèvera que vers 708 après la fin du règne de Koceïla
(plus de 4 ans de paix et de tranquillité) puis , avec
la fin de la résistance de la Kahina. Entretemps,
Carthage, rasée (en 698), n’est plus qu’un lointain souvenir et l’Islam s’est
bien installé. Une soumission des Berbères toute apparente....puisqu’en 740 les
Omeyyades sont boutés hors de Berbérie et même hors
d’Egypte. Une nouvelle dynastie, bien Berbère celle-ci, va surgir.....les
Fatimides. Entre-temps, les descendants de Mélanie et de Massil
(qui s’étaient réfugiés dans une vieille cité des Aurès) continuent de
construire leur pays ....dans la diversité des croyances. Déjà, l’Algérie du futur ?
L’Auteur : Né
à Annaba, médecin (Faculté d’Alger), spécialiste en Orl (Lyon), installé à
Annaba en cabinet libéral. Passionné de littérature et d’histoire, auteur de
nombreux ouvrages, en majorité des romans historiques.
Extraits : « Le monde catholique était divisé, fragmenté par
les innombrables hérésies orientales. A travers tant de disputes, de discordes,
émergeaient les fumées de Satan. Peut-être, la future punition divine » (p
96),
Avis :Une
histoire d’amour passionnante (et compliquée) sur fond d’une Histoire du pays
qui l’est encore beaucoup plus (passionnante et compliquée)
En fin d’ouvrage, une brève mais
intéressante chronologie des diverses occupations de la Berbérie.
Citations : « L’amitié peut remplacer l’amour lorsqu’une personne fait à une
autre la grâce de sa présence » (p 116), « L’histoire de ce pays
(la Berbérie) est un éternel recommencement » (p
146).