TELECOMMUNICATIONS -ENQUETES ET
REPORTAGES- CORRUPTION- TELEPHONIE INTERNATIONALE- FAMILLE KOUNINEF
LES APPELS TELEPHONIQUES INTERNATIONAUX : LE BUSINESS SECRET
DES KOUNINEF QUI A FAIT PERDRE DIMMENSES
SOMMES EN DEVISES A L’ALGERIE
(c) par Abdou
Semmar/www.algeriepart.com, 23 mai 2019
C’est un secteur secret et
entièrement méconnu des Algériens. Les appels téléphoniques internationaux,
voici un business insoupçonné qui permet d’engranger des millions d’euros par
an. Il faut savoir, tout d’abord, que l’interconnexion téléphonique
internationale est l’échange de trafic (voix, SMS) entre les réseaux de deux
opérateurs de deux pays différents, afin d’acheminer les appels entre les
abonnés de ces réseaux, dans les deux sens.
Il existe deux types
d’interconnexion téléphonique internationale :
Interconnexion directe et
interconnexion indirecte
1.
L’interconnexion
directe ou Service de Terminaison d’appel, consiste, pour un
abonné d’un opérateur A, à terminer un appel vers un abonné d’un opérateur B.
L’appel est acheminé par l’opérateur A jusqu’au point d’interconnexion ; il est
ensuite pris en charge par L’opérateur B sur son réseau à partir du Point
d’interconnexion jusqu’à l’abonné appelé et ceci réciproquement entre les
opérateurs.
2.
L’interconnexion
indirecte (cas du trafic téléphonique de transit) ou
service de collecte d’appel consiste pour un opérateur B à collecter un appel
d’un abonné de l’opérateur A. L’appel est pris en charge par l’opérateur A
depuis l’abonné appelant jusqu’au point d’interconnexion, puis par l’opérateur
de transit à partir de ce point jusqu’au point d’interconnexion de l’opérateur
de destination.
L’opérateur qui a initié l’appel
doit partager les revenus issus de cet appel avec l’opérateur qui l’a terminé
puisque des équipements du réseau de ce dernier sont utilisés pour
l’établissement de la communication. L’interconnexion téléphonique
internationale est régie par des accords entre les opérateurs ou le tarif
d’interconnexion qui représente le montant par minute que l’opérateur A doit
verser à l’opérateur B pour les appels envoyés est défini d’un commun
accord dés le départ.
Des réconciliations, généralement
mensuelles, entre les opérateurs sont effectuées. Les volumes du trafic
téléphonique enregistrés par chacun des opérateur sont
comparés et des paiements de part et d’autre en conséquence sont effectués. Le
trafic téléphonique international constitue un enjeu stratégique pour les
opérateurs mobiles et fixes parce qu’il génère un chiffre d’affaires
conséquent.
Il est à souligner qu’un appel
téléphonique international départ coûte généralement plus de quatre fois le
coût de l’appel national. Le trafic international arrivé constitue une source
de revenu en devise forte pour un pays comme l’Algérie.
Le trafic
téléphonique frauduleux appelé trafic « Gris » :
Les opérateurs étrangers qui génèrent
des appels téléphoniques vers l’Algérie et dans le but d’éviter de payer
les tarifs d’interconnexion contractés avec les opérateurs téléphoniques
algériens en empruntant la connexion directe ( le
chemin direct ) recourt à un procédé astucieux et unique en son genre. Ce
procédé consiste à acheminer un volume important de ces appels téléphoniques
vers l’Algérie à travers des opérateurs appelés «opérateurs alternatifs »
qui vont les acheminer via internet (protocole voix sur IP) avec un tarif
faible ( moins de la moitie du tarif qu’ils devraient
payer à l’opérateur algérien s’ils utilisent les voix d’interconnexion directes
conventionnelles ).
Il y a lieu de préciser que ce
phénomène de « trafic téléphonique gris » n’est pas propre à
l’Algérie et il est observé dans plusieurs pays. Il est à noter que les appels
acheminés par internet ont une qualité d’écoute moins bonne que lorsque
l’écoulement de l’appel se fait directement. Pour réaliser cette fraude, ces
opérateurs alternatifs doivent avoir des partenaires locaux algériens
pour réceptionner ces appels téléphoniques de l’internet et les faire aboutir
vers le client algérien à qui l’appel est réellement destiné.
Ces partenaires locaux algériens
facturent en euro leur « prestation » au profit des opérateurs
alternatifs étrangers en calculant le nombre de minutes terminés par
mois. Pour ce faire, il existe des solutions techniques qui se vendent pour le
grand public appelés « SIM BOX ». Cette fraude est
devenue un « un sport national » au regard de la disponibilité à bas prix
à grande échelle de ce type de solutions.
C’est une carte électronique
simple dotée d’emplacements (10, 20,50,….) pour placer des puces d’opérateurs
locaux (Mobilis, Ooredoo, Djezzy). Ces cartes seront connectées à l’internet
par une simple liaison ADSL.
Ainsi l’appel
téléphonique émet par le client français par exemple vers un numéro
algérien va emprunter le protocole internet pour se terminer sur l’une
des puces installées sur l’équipement Sim Box qui va le transformer en appel
national et ce en appelant le numéro algérien avec la puce algérienne afin de
le connecter avec le client français qui a généré l’appel d’origine.
Ces équipements travaillent
H24 et 7 jours sur 7 d’une façon autonome et ne nécessite pas beaucoup d’espaces
: juste un petit coin dans une chambre et une connexion ADSL. Ainsi, le
partenaire local algérien va payer en dinars l’appel national et se fait payer
par son partenaire étranger en monnaie forte en devise.
Le coût de terminaison d’un appel
international est de 15 à 20 centimes d’euro par minute mais le volume des
appels mensuels qui se compte par des dizaines de millions de minutes
permettant à cette fraude de générer des centaines de milliers voir des
millions d’euros par mois à ces fraudeurs.
Mobilink, un cas d’école :
Algérie Part avait consacré récemment toute une enquête à
l’affaire Mobilink-Algérie Télécom. Cette affaire démontre que tout l’appareil politique de
l’Etat algérien a été manipulé par les frères Kouninef qui ont voulu arracher à
Algérie-Télécom, une entreprise publique endettée employant des milliers
d’ouvriers algériens, plus de 25 millions de dollars de dédommagements et
d’indemnisations pour un projet d’installation de cabines téléphoniques qui n’a
presque jamais vu le jour !
Le
partenariat de Mobilink, une entreprise appartenant aux frères Kouninef, avec
Algérie Télécom, au lieu d’offrir un service publique de cabine téléphonique
comme il était stipulé dans le contrat initial de lancement de ce projet, a été
utilisée pour faire collecter les appels téléphoniques internationaux à
destination de l’Algérie, une prestation génératrice de revenus en devises
pour le Trésor public Algérien. Ces appels internationaux ont été détournés par
Mobilink en les transformant en appel nationaux ce qui constitue une
fraude de blanchissement d’argent illégal conformément aux lois
algériennes relatives à la réglementation des changes.
Mobilink
faisait terminer ces appels internationaux en simulant des appels de ces
cabines téléphoniques vers le destinataire de l’appel international d’origine.
Mobilink se fait payer ainsi plusieurs millions d’euros par son partenaire étranger.
Et pourtant, les Kouninef étaient censés payer la quote-part en dinars
d’Algérie Télécom soit 60 % des appels écoulés par ces cabines
téléphoniques conformément au contrat conclu entre Algérie Télécom et Mobilink.
En
raison de ces pratiques, la dette des Kouninef envers Algérie Télécom a atteint
rapidement les 300 millions de DA. Les trois frères bien introduits au sein du
sérail se sont engagés par écrit pour payer ces redevances suivant un
échéancier. Malheureusement, nous avons confirmé au cours de nos investigations
que cet engagement n’a jamais été honoré.
Le comble de l’histoire est que
c’est Algérie Télécom, victime de cette fraude et malversation, qui a été
traduite en justice et sommée de payer 2,7 Milliard de Da, à savoir près de 25 millions
de dollars. Et fin de l’année 2018, l’opérateur historique a été contraint par
voie judiciaire de payer cette somme astronomique. Un scandale inédit
dans l’histoire sur lequel nous continuons d’enquêter pour publier de nouvelles
révélations dans nos prochaines publications.