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Ouvrage collectif Amin Khan - "Travailler"

Date de création: 18-05-2019 11:38
Dernière mise à jour: 18-05-2019 11:38
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TRAVAIL- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- OUVRAGE COLLECTIF AMIN KHAN- « TRAVAILLER »

Travailler ! Ouvrage collectif d’essais sous la direction de Amin Khan, Chihab Editions, Alger 2019, 1 000 dinars, 196 pages

Travailler ! Un bien mot étrange.......chez nous ! Il est vrai qu’on parle beaucoup plus d’ « aller au travail » qu’ « aller travailler ». Voilà qui rend d’ailleurs très difficile le « travail » de recherche ou de réflexion , sur le thème, de nos chercheurs et autres observateurs sociaux. Sachant bien que les sondages et autres enquêtes menées sont toujours à « prendre avec des pincettes », tant règnent la suspicion à l’endroit de l’enquêteur (derrière lequel se cache (rait)  un « flic ») et une certaine hypocrisie dans les déclarations des enquêtés. Trois sujets toujours « esquivés » : le sexe, le vote, le travail....et ces dernières années, la pratique religieuse.

Tout cela n’a pas empêché, et c’est tout à son honneur,  Amine Khan, qui n’est plus à présenter, de continuer à labourer le champ social national en publiant , et avec la contribution de dix autres auteurs,  dans la continuité de la série « Nous autres. Eléments pour un manifeste de l’Algérie heureuse », un autre volume (on a eu déjà « Nous autres », « Notre rapport au monde » et « Penser » tous déjà présentés in « Médiatic »), celui-ci consacré  au....travail. Un titre, « Travailler ! » ni interrogatif ni affirmatif....Seulement exclamatif, comme s’il exprimait aussi une certaine douleur de constater, par avance, un « certain désert ».

Il signe , d’ailleurs, un texte qui analyse les pans principaux (Institutions, Education, Capacité scientifique nationale, Industrialisation, Diaspora)  de la  société ..... « engluée aujourd’hui dans la rente, prisonnière du malaise de consommer sans travailler, de mentir sans conséquences, d’abuser de tout pouvoir disponible et de subir toutes les contraintes de la confusion et toutes les vexations du désordre régnant ... ».....Une marche erratique aux antipodes de la rationalité et de l’efficacité. Brr !

Nassima Metahri « cisèle, avec science, délicatesse et haute précision le concept central de l’ouvrage   en se saisissant de ses racines......intriquées qu’elles sont dans la conscience et dans la pratique de nos sociétés »

Tin Hinan El Kadi, qui connaît bien la Chine où elle y a fait des études, tente de comparer la notion de travail chez les Algériens et chez les Chinois.....Très difficile, tant les éthiques du travail chez les uns et chez autres  sont loin de se ressembler. Avec le risque de tomber dans une analyse se résumant à la phrase suivante : « Les Chinois travaillent dur, les Algériens pas vraiment ». Très difficile mais épreuve ......réussie et très instructive. Car, on en apprend des choses....sur les autres. Les Coréens du sud, les Chinois, les Allemands (eh, oui !) les Japonais.....tous traités (par les Occidentaux) un certain temps de « paresseux et incapables de progresse ». Une bandes de fainéants ! . Des  choses pas belles du tout , désespérantes et pourtant ils ont réussi (grâce, entre autres, à des politiques incitatrices) à renverser la vapeur  en leur faveur  grâce au ....travail.

Fatima Zohra Oufriha apporte sa contribution (Très ? Trop ?) chiffrée sur le travail des femmes en Algérie.......

Nedjib Sidi Moussa aborde son texte en partant d’un texte du tunisien Aziz Krichen qui estimait « que le thème du travail était absent du répertoire de mobilisation, du nationalisme tunisien..... ». Une « certaine familiarité en situation algérienne »

Said Djaafer décrit, pour sa part,  en tant que journaliste maîtrisant son terrain, une dimension essentielle du délitement de la société, lorsque le système des valeurs positives s’effondrent sans être remplacé par un autre système de valeurs positives ......et la naissance d’un  mal silencieux, un rapport ambigu mais finalement nocif du citoyen à sa communauté, « l’obligation absente »

Abdelghani Rahmani aborde la santé des travailleurs avec une préoccupation liée à la santé des 100 000 jeunes de l’Ansej.

Fouad Soufi, lui, nous rapporte  la belle mais déprimante (ou difficile)  aventure d’un métier que tous les gestionnaires connaissent (comme lieu d’affectation de ceux que l’on écarte)  mais que tout le monde ignore, celui des gardiens de la mémoire nationale,....... les archivistes.

Ahmed Maiddi, artisan et artiste de son état, possédé par le génie créatif, débarque en se confiant dans un récit autobiographique dense et plus qu’émouvant.

Radouane Assari, s’exprime à travers ses dessins et caricatures.....durant les années 90.

Quant à Arezki Tahar, le photographe, il présente,   à travers ses quinze images en couleurs, l’Algérie (entre 2012 et 2018)  .........au travail : le laboureur, la paysanne, le faucheur, le berger à cheval, l’artisan, les travailleurs du port..... C’est très parlant. Avec lui,  l’espoir renaît. Mais, il aurait été complet s’ils avaient été placés à la fin du livre et non à son début.

 

Les Auteurs : Redouane Assari (Dessinateur de presse...et chir’dent) , Saïd Djaafer (journaliste) , Tin Hinan El Kadi (économiste, spécialiste de la Chine) , Amin Khan (philosophe et poète) , Ahmed Maiddi (dessinateur , peintre  sur bois et poète) , Nassima Metahri (pédopsychiatre), Fatima Zohra Oufriha (économiste et universitaire, décédée le 22 octobre 2018), Abdelghani Rahmani (cadre médico-social et poète depuis sa retraite) , Nedjib Sidi Moussa (politologue)  Fouad Soufi (historien et spécialiste des Archives) , Arezki Tahar (photographe)

Extraits « En conséquence, arriveront sur le marché du travail des jeunes riches de leurs diplômes mais sans consistance et sans modèle identificatoire positif indispensable pour faire leurs débuts » (Nassima Metahri, p 35), « Il y a une corrélation nette entre le système rentier et l’esprit de triche au travail qui va se répandre peu à peu, jusqu’à aboutir à ces étudiants qui considèrent qu’avoir une note sans travail va de soi « ( Saïd Djaafer, p 118), « Khalifa incarne parfaitement l’image d’un capitalisme spécifique qui ne crée pas de valeur mais siphonne le bien public » (Saïd Djaafer,  p 120), « Il n’y a rien d’inévitable dans le  rapport d’un peuple au travail........ L’Algérien n’est pas une particularité de l’histoire. Sa conception du travail est un reflet des structures économiques, institutionnelles et politiques qui l’entourent » (Tin Hinan El Kadi, p 129), « L’Algérie a toujours mal à son patrimoine culturel.....et les archives n’échappent pas à cette logique négative......Tout se passe comme si l’Etat est malade de ses archives qui s’entassent dans les locaux administratifs et qui prennent feu ou eau à la première occasion » (Fouad Soufi, p 157)

Avis : Du bon texte et du texte moins bon, mais tous, absolument tous utiles pour bien et mieux comprendre pourquoi nous ne travaillons pas assez et comment il faudrait faire pour travailler ....plus et mieux. « Des expériences et des réflexions qui contiennent les germes d’avenir possibles ». Manquent, peut-être, une approche socio-historique et une autre psycho-sociologique. Mais qui, de nos jours, a le courage de « passer à confesse » ? Confesseur, un beau rôle ! Et moins fatiguant.

Prochains ouvrages : « Lutter », « Aimer ».....et, pourquoi pas, « Diriger » ou « Gouverner », « Voler » ou « Détourner »....On va avoir « Marcher ».

Citations : « Travailler, dans son sens plein, est le triomphe de l’énergie vitale sur les mécanismes de mortification, l’acceptation plus tranquille de sa condition de mortel pour passer le flambeau » (Nassima Metahri, p 37) , « Le système rentier produit l’irresponsabilité comme principe général de son existence......Dans le système rentier, le pouvoir est occulte et les « institutions » apparentes sont fictives » (Amine Khan, p 52), « L’immoralisme du « capitalisme spécifique », né dans le système rentier a contaminé de larges secteurs de la société et les valeurs de travail, d’effort et de rigueur, qui ont laissé place à une culture du bluff, à un cynisme qui s’est généralisé et qui raille le travail honnête et sérieux .Mais, encore une fois, cette perte du sens du travail n’est pas dans le sang, mais dans le système » (Saïd Djaafer,  p 120), « Dans l’économie de demain, les gagnants ne seront pas ceux qui travaillent dur, mais plutôt ceux qui travaillent intelligemment.........La vraie question n’est donc pas comment « remettre les Algériens au travail », mais plutôt comment les amener vers le nouveau travail » (Tin Hinan El Kadi, p 135), « L’administration a toujours tendance à favoriser une politique sans mémoire, une politique qui compte sur les effets de l’oubli » (Fouad Soufi, p 160), « Vouloir, c’est pouvoir, grâce au savoir » (Ahmed Maiddi, artisan, p 165), « Il y a l’artiste et celui qui a l’âme artistique. L’artiste, on lui montre quelque chose, il la reproduit. Mais celui qui a l’âme artistique, c’est celui qui tire du récent ce qui n’existait pas «  (Ahmed Maiddi, artisan p 166),